Dans la forêt - Jean Hegland

Dans la forêt - Jean Hegland Le point de départ est simple et déjà-vu. En gros, il n’y a plus d’électricité sur terre, plus de pétrole non plus. Plus de voitures, plus de trains, plus d’avions, plus rien. Personne ne sait ce qui se passe, la rumeur court. Les gens seraient touchés par un virus, chacun se terre ou fuit, on ne sait trop où. Nell et Eva (17 et 18 ans) ont décidé de rester dans leur maison isolée au cœur d’une forêt du nord de la Californie. Elles ont du bois pour se chauffer, un garde-manger plein à craquer et un père pour les encadrer. De quoi tenir jusqu’à ce que la situation se rétablisse. Nell rêve d’Harvard, sa sœur du ballet de San Francisco. La première bûche son examen d’entrée à l’université, la seconde danse toute la journée. Au moins elles seront prêtes quand tout rentrera dans l’ordre. Sauf que. Le père meurt accidentellement et rien ne change. Le garde-manger se vide, l’ennui, la peur et les questionnements ne cessent de grandir. Face à l’inconnu, les deux sœurs vont devoir s’adapter, vivre autrement.
Une dystopie donc. Du post-apocalyptique, encore et toujours. Mais du bon. Qui ne s’attarde que sur les conséquences de la catastrophe, pas sur ses causes. Et qui regarde ces conséquences par un tout petit bout de lorgnette, l’objectif pointé sur une cabane perdue dans une clairière, au bord d’un ruisseau. L’histoire est racontée par Nell, qui tient son journal intime. Procédé encore une fois des plus classiques mais qui a le mérite de montrer l’évolution de l’état d’esprit de la narratrice au fur et à mesure que les semaines et les mois passent. L’écriture est d’une précision redoutable, il s’en dégage quelque chose de très organique où chaque sensation est retranscrite magistralement, entre réalisme brut et lyrisme contenu.
Récit d’apprentissage tournant à la robinsonnade, ce premier roman est surtout (pour moi du moins) un texte très engagé, très politique, très féministe et finalement très idéaliste. Engagé et politique d’abord, avec une pensée écologiste proche du Walden de Thoreau et des altermondialistes chantres de la décroissance (« Je n’ai jamais vraiment su comment nous consommions. C’est comme si nous ne sommes tous qu’un ventre affamé, comme si l’être humain n’est qu’un paquet de besoins qui épuisent le monde. Pas étonnant qu’il y ait des guerres, que la terre et l’eau soit pollués. Pas étonnant que l’économie se soit effondrée »). Féministe aussi, faisant des hommes (les mâles, j’entends), au mieux des maladroits (le père), au pire des lâches et des violents dont les femmes peuvent très bien se passer. Idéaliste enfin, notamment au moment de la conclusion et d’une prise de décision qui apparaît, pour les sœurs en tout cas, d’une grande sagesse (même si personnellement je n’y ai vu que pure folie).
J’ai vraiment beaucoup aimé, même si j’ai essentiellement lu ce roman comme un texte à message, une leçon de vie ne niant pas les difficultés d’un retour au monde sauvage mais faisant de la symbiose avec la nature le sens même de l’existence.
Dans la forêt de Jean Hegland. Gallmeister, 2017. 302 pages. 23,50 euros.


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