Chanson douce – Leïla Slimani

Chanson douce – Leïla Slimani

Commencer l'année avec un Goncourt, ça tape un peu sa mémé, avouez. Mimine a eu l'espace d'un instant de fortes ambitions livresques. Parce que parfois Mimine se souvient qu'elle est une adulte de 26 ans et que la littérature pour " grandes personnes ", de temps en temps, c'est pas si mal. Banco quinté plus, Chanson douce fût une agréable découverte.

Jeune couple parisien, Myriam et Paul sont les heureux parents de deux enfants en bas-âge. Or lorsque Myriam, qui jusqu'ici était mère au foyer, décide de reprendre une activité professionnelle, le couple se voit dans l'obligation d'engager une nounou, malgré la réticence de Paul. Seulement voilà, engager une parfaite inconnue d'accord, mais pas n'importe laquelle. Alors qui ? Voilà qu'arrive Louise, une sorte de Mary Poppins, aux manières si élégantes, si raffinées qu'elle charme très vite la petite famille. Au fur et à mesure, Louise prend une place telle dans le foyer qu'elle en devient indispensable, jusqu'à ce qu'un jour, ça dérape sévèrement.

La particularité de Chanson Douce, c'est que vous saurez dès le premier chapitre comment tout ça va se terminer. Débuter une histoire par sa fin est un petit pari risqué, mais faut bien avouer que ça accroche (ou pas) son lecteur rapidement. L'intolérable nous est servi sur un plateau dès les premières pages, libre à nous de détourner les yeux ou de vouloir continuer. À votre avis, qu'est-ce qu'elle a fait Mimine ? Elle a continué bien évidemment. Pas froid aux yeux, moi madame, j'ai lu Daddy Love de Joyce Carol Oates, je peux désormais tout affronter.

Chanson douce – Leïla Slimani

Chanson douce possède les codes du bon thriller, lui empruntant le suspense et les situations de tension. C'est peut-être un des Goncourt les plus faciles que j'ai lu, dans le sens où, ça se lit assez vite sans difficulté. Je vous avoue que j'ai un peu pris l'habitude de me lancer dans les Goncourt un peu chelous qui me demandent de l'énergie et du temps. Là, avec Chanson douce, c'est passé comme une lettre à la poste. Finger is the nose, comme on dit.

Prenant un thème les plus communs au monde, que vous soyez parents ou que vous ayez vous-même connus des nounous (MOI MOI), Leïla Slimani rentre dans le quotidien ordinaire des gens et dissèque les rapports entre employés et employeurs, à une époque où les frontières de hiérarchie tendent à se gommer de plus en plus. Pour Paul et Myriam, avoir une nounou est quelque chose d'assez nouveau dont ils se sont toujours refusés les services.

Le couple oscille entre la volonté de mettre une distance entre leur nounou et eux, mais en même temps de ne pas paraître " petit bourgeois " ni d'établir une relation " maître-domestique " dont l'idée leur fait horreur. Et pourtant, c'est exactement ce qu'il s'y passe. Insidieusement, petit à petit, les rapports se crispent pour des petites choses, des petits riens, une parole, un geste, une marque d'attention ou d'indélicatesse... Jusqu'à ce que l'irréparable se produit.

Un samedi matin, je suis tombée sur une rediff de Bibliothèque Médicis, l'émission littéraire où le présentateur Jean-Pierre Elkabach parle beaucoup, beaucoup trop. Leïla Slimani était l'une des invitées. Selon elle, le roman serait l'allégorie d'une lutte des classes. Franchement, je vous avoue, que j'étais un peu passée à côté au départ.

Si l'histoire reste assez conventionnelle (pas de très grosses surprises à l'horizon), l'écriture de Slimani a été pour moi une véritable découverte. L'ayant loupé avec son avant dernier roman qui avait fait grand bruit, Dans les jardins de l'ogre, pour une raison tout à fait simple et claire c'est que j'en avais pas envie, je m'en mordrais presque les doigts maintenant. Jamais trop tard, Slimani est désormais dans mes petits papiers.


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