Grossir le ciel - Franck Bouysse -La manufacture de livres -

Grossir le ciel - Franck Bouysse -La manufacture de livres -

La manufacture de livres - 2015 -

Un petit tour dans les Cévennes pour respirer le grand air ?

J'y ai trouvé un gîte au lieu-dit Les Doges. Je recherchais le dépaysement, les grands espaces vierges de tout excès. Paradoxe du citadin, loin du bruit de la ville et de ses recoins sombres...

Pas loin de ma cabane, il y a deux fermes isolées que la technologie n'a pas vérolées. Quelques centaines de mètres de champs les séparent. Quelques brises hivernales font office de clôtures. La douceur de la neige ne suffit pas à faire disparaître cette oppression qui envahie le visiteur. Je suis le visiteur, je suis le spectateur et j'observe à couvert Gus, son fusil et son chien. Ombres inséparables et vivantes.

Abel habite l'autre ferme, j'ai l'impression que c'est plus bas. En fait c'est juste plus loin.

J'écoute les silences rendus plus vivants par la neige. Je scrute les forêts sombres dans l'attente de ce que je ne veux pas y voir, je me perds dans la rudesse de leur vie ... Fascination.

J'ai peur. Cette peur inhabituelle est envoûtante. Elle ne réclame pas la fuite, elle refuse de me faire crier, elle fait juste partie du silence. Celui qu'on ne rencontre jamais dans nos villes.

La vie s'égraine au rythme de l'âme du lieu-dit. Au rythme de Gus, de son fusil et de son chien.

Je veux connaître la noirceur de leurs secrets. Les non-dits sont ,paraît-il, de fidèles compagnons.

Je ne veux pas fuir et malgré la peur qui me noue les tripes, je resterai jusqu'au bout.

Je suis le visiteur, je reste spectateur de ces relations si particulières entre Gus et Abel, entre Gus et son fusil, entre l'homme et son chien.

Je serai peut-être le dernier témoin visuel de cet attachement à la terre, de cette peur viscérale d'en être arraché... Et l'ultime détenteur des secrets qui viennent grossir le ciel.

Sans aucun doute, Franck Bouysse les connaît aussi, comme il connaît cette région.

Il connaît même Gus et Abel parce qu'ils sont le sang des Cévennes. Il a écrit une petite tranche de leur vie avec beaucoup d'amour , me semble t-il. Amour pour une région, ses habitants, amour du Noir sur fond blanc,froid et silencieux.

J'ai quitté les Doges et ses deux fermes. Je ne suis plus un passager clandestin, maintenant je sais et je peux encore sentir l'odeur du feu de bois et du froid qui pique ma peau.

J'ai découvert une région qui m'était inconnue. J'ai flirté avec la mort, l'envoûtante orée des bois, les cris qu'on n'entend jamais , le silence qui règne en maître des lieux.

Un jour je reviendrai.

Gros coup de coeur.

Franck bouysse, que j'ai eu l'occasion de rencontrer à Mauves en Noir en 2015, sera présent à Noir sur la ville cette année.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois