Station Eleven ♦ Emily St. John Mandel

Station Eleven ♦ Emily St. John MandelQuand on pense aux romans post-apocalyptiques, La route de Cormac McCarthyvient tout de suite à l'esprit. Mais il n'y a pas que La route! Par ailleurs, les zombies ont tendance à m'ennuyer ferme et plusieurs traînent les pieds dans ce genre de romans. Aussi, lorsque je tombe sur un roman post-apocalyptique qui en est dépourvu, je n'hésite pas longtemps. 

Ce que j'apprécie, avec les romans post-apocalyptiques, c'est de voir comment l'homme parvient à s'adapter – ou non. Comment un monde se reconstruit – ou non, sur de nouvelles bases. Parmi mes romans post-apocalyptiques de prédilection figurent L'homme vertical de l'Italien Davide Longo, Vongozero de la Russe Yana Vagneret La constellation du chien de l'Américain Peter Heller. À cela vient s'en ajouter un:Station Eleven de la Canadienne Emily St. John MandelUn soir, dans un théâtre de Toronto, le célèbre acteur Arthur Leander tombe raide mort sur scène pendant une représentation du Roi LearMiranda, son ex, pleure.Jeevan, assis au premier rang, se précipite pour lui donner les premiers secours. Kristen, une toute jeune actrice, est témoin de la scène. 

Au même moment, ailleurs, une catastrophe est en cours: la grippe géorgienne se répand dans l'air, à la vitesse de l'éclair. Plus de téléphone. Plus d'Internet. Plus de télévision. Plus de voitures ni d'avions. Et ça fait de la fièvre, et ça tousse. En quelques semaines, 99% de la population mondiale est décimée.

Vingt ans plus tard, le monde a bien changé. Les survivants se sont regroupés dans des colonies isolées, plusieurs naissances sont survenues. L'histoire suit son cours.Bien que l'intrigue gambade dans le temps – avant, pendant et après la pandémie , le fil conducteur de l'histoire se déroule vingt ans après. Kristen, maintenant adulte, fait partie de la troupe itinérante d'acteurs et de musiciens qui parcourt la région du lac Michigan. Elle joue du Shakespeare et du Beethoven devant des communautés de survivants.Un autre groupe vit dans un ancien aéroport, un autre encore dans un hôtel. Sans parler d'un prédicateur fou et de ses disciples…Arthur Leander est le fil d'Ariane du roman. Les flashbacks intercalés dans le roman révèlent les hauts et les bas de ses trois mariages  dont celui avec Miranda  et de sa carrière d'acteur. Tous les personnages principaux du roman ont un lien avec lui. Jeevan et Kristin, comédiens dans la troupe. Mais aussi Clarke, un vieil ami d'Arthur, qui crée dans l'aéroport un Musée des civilisations, où les artefacts de l'ancien temps (téléphone portable, carte de crédit, talons aiguilles) sont exposés. Arthur donne à la jeune Kristen, la nuit où il meurt, une copie du roman graphique de science-fiction Station Eleven, crée par son ex, Miranda. Cette copie traverse le temps, devenant à la fois un vestige de l'ancien temps et un miroir déformé du nouveau monde.Station Eleven ♦ Emily St. John MandelAlors que la plupart des romans post-apocalyptiques baignent dans l'horreur, brossant le portrait d'une humanité livrée au chaos, le roman d'Emily St. John Mandel entremêle l'effondrement du monde et sa renaissance, en mettant l'accent sur la solidarité et le besoin de créer pour rendre la vie plus supportable. Ici, l'horreur de la fin est atténuée par son renouvellement. S'il y a bien quelquessituations de crise et quelques mouvements de panique, ils sont dilués dans l'ensemble.Ce qui distingue Station Eleven des autres romans du genre que j'aie lu, c'est la place que le passé occupe tout au long de l'intrigue et la touche d'espoir qui pointe. Car malgré la dureté du sujet, Station Elevenest un roman lumineux. Au-delà de l'inquiétude et de la peur, c'est l'amitié, la résilience, l'art et le devoir de mémoire qui dominent.Emily St. John Mandel joue avec la chronologie avec un immense doigté. Les scènes du quotidien alternent avec les réminiscences de la vie d'avant. J'ai aimé suivre l'évolution des personnages qui ont survécu à la fin d'un monde et au début d'un autre. De suivre des personnages nés après la fin du monde, ignorants de l'avant, comme cette adolescente née dans l'aéroport qui pense que les avions s'élèvent tout droit dans le ciel.L'écriture d'Emily St. John Mandel est fluide et puissante Les descriptions des paysages urbains à l'abandon et celles de la nature qui reprend du terrain sont bien senties. Elle décrit les rapports humains, tant la solidarité que les tensions, avec une grande justesse.Un roman passionnant, sans grosses ficelles ni nostalgie. Un roman porté par l'espoir, parfaitement maîtrisé et redoutablement efficace.Station Eleven, Emily St. John Mandel, Alto, 432 pages, 2016. 

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois