J’ai attaqué cette lecture à reculons à cause d’Hélène. Son avis particulièrement mitigé m’avait refroidi, c’est rien de le dire. Je suis donc rentré dans ce roman anglais des années 70 sur la pointe des pieds pour y découvrir Florence Green, jeune veuve décidant d’ouvrir une librairie dans un local à l’abandon. Nous sommes en 1959, à Hardborough, un petit village du Suffolk où la création de ce commerce fait jaser. Et la pauvre Florence ne s’attendait pas à subir tant d’ostracisme de la part des notables locaux…La libraire ou l’enfer feutré d’une communauté ayant fait de la médisance et des récriminations ses passe-temps préférés. Florence la naïve, subissant l’accueil tiède du banquier, l’indifférence du notaire et la vindicte d’une rombière fortunée. Florence aidée par une gamine de onze puis par un employé de la BBC, Florence soutenue par le vieil original du coin et frappée de plein de fouet par les foudres d’un conservatisme bien pensant après avoir exposé la Lolita de Nabokov dans sa vitrine.
Hélène parle d’un roman plat et sans grand intérêt. Je ne serais pas aussi sévère. Certes, l’ensemble est assez mou et « la guerre » annoncée par l’éditeur dans le résumé se déroule à fleurets mouchetés. Mais je l’ai lu sans déplaisir, appréciant l’ambiance venteuse et rafraîchissante d’une campagne anglaise dégageant un charme délicieusement suranné. Un lord excentrique, un esprit cogneur hantant la librairie, une party dans un manoir bourgeois, des dialogues « old school », il n’en fallait pas plus pour que je passe un agréable moment.
Pas certain qu’il m’en reste grand-chose d’ici peu mais j’ai aimé ces quelques heures passées auprès de Florence, libraire à la fois courageuse et résignée, préférant finalement quitter ses détracteurs à l’esprit étriqué plutôt que de rester dans un environnement sclérosé par un indéboulonnable conformisme.
La libraire de Pénélope Fitzgerald (trad. de l'anglais par Michèle Lévy-Bram). Petit Quai Voltaire, 2016.176 pages. 14 euros.

