L'année pensionnaire, Isabelle Lortholary

L'année pensionnaire, Isabelle Lortholary


Les cinquante premières pages de L'année pensionnaire m'ont absolument ravie.

Dans un style au charme presque désuet, le lecteur découvre le pensionnat, et l'atmosphère qui y règne, et la personnalité de la narratrice, dont on ignore jusqu'au prénom, mais dont on sait les dispositions sauvages, se mêlant au groupe lorsqu'il s'agit de trouver un bouc-émissaire, et le sentiment d'abandon auquel elle s'est habituée très jeune lorsque ses parents l'ont inscrite dans l'établissement.

Ainsi, ces jeunes filles terriblement solitaires se montrent, en collectivité, féroces. Peu de temps après la lecture de Quatre par quatre, ces éléments faisaient écho à la cruauté des enfants et adolescents en groupe lorsqu'ils sont peu ou proue laissés à eux-mêmes dans un univers clos, qui m'avait troublée dans le roman de Sara Mesa.

Dans L'année pensionnaire, l'atmosphère peut paraître moins glauque, cependant les faits relatés rejoignent pour partie cette dimension monstrueuse que l'on trouve dans l'effet de groupe.
Ici, une petite fille, émotive et fragile, est prise en grippe et rejetée par les autres filles, jusqu'au dénouement tragique.

En parallèle, on suit la relation insolite entre la narratrice et Attali, et le déséquilibre criant qu'elle abrite, dans la mesure où la narratrice voue à Attali une sorte d'adoration muette, tandis que l'on s'aperçoit qu'Attali ne lui accorde aucune considération.

Cependant, au-delà des cinquante premières pages, j'ai eu le sentiment que l'intrigue n'avançait guère, qu'il s'agissait avant tout de peindre un monde issu d'une mémoire, et que le livre tenait surtout dans la contemplation, la description de ce qui jadis avait fait ce monde.
La relation avec Attali comme le drame de la petite portugaise m'ont paru n'être que des prétextes à s'immerger dans cet univers qui semble intact, et riche de mille sentiments et sensations bruts, purs dans ce qu'ils ont de spontané, quand bien même ils se révèlent par moments affreusement malsains.

L'intention et le cadre posé sont donc très convaincants, mais l'intrigue en elle-même n'en a pas été, pour moi, à la hauteur.

Il s'agit cependant d'un roman très intéressant, qui excelle à rendre une atmosphère à la fois surannée et inquiétante, prégnante.


"Cette année-là, comme la précédente, je partageais ma chambre avec une Andorrane, une grosse fille stupide qui passait de longues heures allongée sur son lit à rêvasser d'un cousin dont elle était amoureuse. Nous n'avions rien à nous dire, en conséquence de quoi nous nous entendions à merveille, j'appréciais le silence et désirais oublier sa présence."

"Nous pouvions nous haïr, les pensionnats de filles sont comme les harems, les anciennes n'aiment pas les nouvelles, les vierges. [...] Nous étions de jeunes animaux en cage qui s'ennuient et jouent avec ce qu'ils trouvent, quand ils tuent, c'est moins par dessein que par désinvolture, une forme de cruauté ludique."



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