Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…

Nous la connaissons tous et toutes, cette image caricaturale du gai, poignet cassé et voix efféminée.chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec
Mais existe-t-il réellement une voix, un accent gai ? Y a-t-il une différence entre homos et hétéros dans la façon dont ils s’expriment, ou n’est-ce qu’une question de perception ? Et si cette voix gaie existe bel et bien, pourquoi est-ce ainsi ?
Dans son documentaire Do I Sound Gay ?, le réalisateur David Thorpe se pose ces questions, à commencer par celle de son titre : Est-ce que je sonne gai ?
Conscient de sa voix au point d’en développer un certain complexe, Thorpe consulte différents experts sur la question du langage pour essayer de comprendre comment fonctionne sa voix, son élocution, son timbre, et si sa façon de s’exprimer révèle réellement son orientation sexuelle. Y a-t-il un lien entre les deux ?
Dans son célèbre ouvrage Gay New York, George Chauncer rappelle que les hommes de la fin du 19e siècle se servaient à la fois de leurs manières ainsi que de leur voix efféminée pour se distinguer des hétéros et se repérer entre eux. Mais qu’en est-il des hommes du 21e siècle ? Pourquoi l’image de la « tapette » qui zézaye, du gai à la André Montmorency de Chez Denise persiste autant, et pourquoi certains homosexuels semblent-ils avoir une voix de « feluette » ?
Au cours du film, David Thorpe consulte deux thérapeutes du langage dans le but de développer une façon de parler plus « virile ». La première docteure lui fait prendre conscience de sa façon d’allonger certains mots, de certaines inflexions de la voix qu’il doit tenter de corriger avec divers exercices. Cette docteure a travaillé avec différents acteurs, tel que Robert De Niro, et ses interventions dans le documentaire m’ont beaucoup plu. Que l’on soit gai ou non, prendre conscience de la façon dont on s’exprime est un exercice fascinant ; comment on appuie ou allonge certains sons, etc. En tant que spectateur du documentaire, j’ai pris conscience des particularités de ma propre façon de parler, et cet aspect du film est captivant.
Le deuxième thérapeute, Bob Corff, « l’arme secrète du Tout-Hollywood pour se débarrasser de l’accent gai », est lui aussi très intéressant alors qu’il analyse la façon de parler de Thorpe et lui fait prendre conscience de diverses choses qu’il pourrait corriger.
Le film est parsemé d’entrevues au cours desquelles George Takei (Star Trek), le réalisateur Andy Sidaris et le styliste Tim Gunn, entre autres, témoignent des difficultés reliées à leur vie en tant qu’homosexuels et comment ils en sont venus à apprivoiser leur propre voix.
On théorise au cours du film que la « voix gaie » pourrait venir du fait que les homosexuels se tiennent davantage auprès des femmes au cours de leur jeunesse (leur mère, tantes, sœurs, etc.). Certains la développeraient pour mieux affirmer leur identité. D’autres, au contraire, perdent leur « voix gaie » pour mieux se fondre et échapper à l’intimidation. Nous avons d’ailleurs droit, au cours du film, à quelques témoignages plutôt poignants en ce sens.
On compare les différents gais de la culture populaire auxquels les jeunes homosexuels ont été exposés au fil des décennies, tels que le flamboyant Liberace ou encore le méchant Scar du Roi Lion, qui représente un type d’homme suave et très possiblement gai, chacun influençant à sa manière le comportement et le langage des jeunes hommes, que ce soit de façon consciente ou non.

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David Thorpe

J’aurais aimé que le film soit plus long, plus détaillé, mais, dans son état actuel, il sert tout de même d’excellente entrée en matière pour un sujet qu’il serait intéressant de fouiller davantage. Chaque cas étant différent, il n’y a pas de réponse unique quant à la question des origines de la « voix gaie », mais les témoignages sont tous fascinants et j’en écouterais beaucoup plus.
J’ai beaucoup apprécié ce documentaire, que je vous recommande fortement si la question du langage en général vous intéresse. Le film sort officiellement au Canada le 10 décembre, mais vous pouvez déjà l’acheter sur le site américain d’Amazon et chez plusieurs autres vendeurs en ligne.
La bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=R21Fd8-Apf0

Notice biographiquechat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie

Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma. Il a fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger par la suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite maintenant Peterborough.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois