Astérix à la rencontre de Jacques Séguela et Julian Assange

Le papyrus de César

Le papyrus de César (Jean-Yves Ferri – Didier Conrad – Editions Albert René)

Par Toutatis, quel ramdam médiatix! Tiré à un chiffre hallucinant de 4 millions d’exemplaires (en 20 langues), le nouvel album d’Astérix prouve que le petit Gaulois moustachu reste un phénomène d’édition aussi magique que la potion de Panoramix. Voilà qui doit réjouir Albert Uderzo, qui a passé le flambeau depuis deux albums au duo composé du scénariste Jean-Yves Ferri et du dessinateur Didier Conrad. Un tandem à la collaboration plutôt originale, puisque Ferri habite dans le sud de la France et Conrad au Texas. Mais bien sûr, grâce à l’Internet, une telle distance géographique ne constitue plus un obstacle. Après « Astérix chez les Pictes », voici donc « Le papyrus de César ». De quoi parle cet album, dont le scénario avait été tenu secret jusqu’à la dernière minute? A la fois classique et moderne, son histoire tourne autour de la communication, avec comme personnages centraux Bonus Promoplus, le conseiller en com’ de Jules César, et Doublepolémix, un colporteur gaulois (autrement dit, un journaliste). Le premier est un « spin doctor » inspiré du célèbre publicitaire Jacques Séguela (il porte d’ailleurs une montre qui fait furieusement penser à une Rolex), tandis que le second est une version antique de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks. En bon journaliste d’investigation, Doublepolémix est donc en permanence à l’affût du « canalis » qui va faire trembler l’empire romain, c’est-à-dire d’un scoop retentissant. Ce tuyau va lui être servi sur un plateau d’argent à l’occasion de la sortie de « Commentaires sur la Guerre des Gaules », le célèbre ouvrage de Jules César. Dans « Le papyus de César », ce livre est en réalité un coup médiatique orchestré par Bonus Promoplus, celui-ci ayant fait rédiger les exploits de l’empereur romain par une équipe de scribes numides (comprenez: des « nègres littéraires »). Le hic, c’est que Promoplus a fait retirer du livre le chapitre évoquant les « Revers subis face aux Irréductibles Gaulois d’Armorique » afin de ne pas écorner le prestige de César. C’est sans compter sur le courage d’un des scribes numides, qui va faire parvenir le papyrus de ce chapitre à Doublepolémix, afin que celui-ci fasse éclater la vérité au grand jour. Poursuivi par les Romains, le colporteur n’aura pas d’autre choix que de se réfugier dans le village des irréductibles Gaulois, un peu comme Assange dans l’ambassade d’Equateur à Londres. Pour faire en sorte que les Romains ne détruisent pas le papyrus, Panoramix décide alors de se rendre avec Astérix et Obélix dans la forêt des Carnutes pour confier le rouleau au druide Archéoptérix, son ancien professeur, afin que celui-ci grave dans sa mémoire les secrets que renferme le papyrus.

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Alors, il est réussi ce nouvel Astérix? Clairement, la réponse est oui. Ceux qui aiment la série vont y retrouver absolument tous les ingrédients qui font le succès des aventures du petit Gaulois depuis sa création par Uderzo et Goscinny il y a 56 ans, que ce soit au niveau du scénario ou du dessin. Ferri connait sur le bout des doigts tous les codes des aventures d’Astérix et Obélix: les jeux de mots, les anachronismes, les références à des personnages célèbres, les caractères des habitants du village… tout est parfaitement maîtrisé. Idem au niveau du dessin: Conrad est vraiment le digne héritier d’Uderzo, et semble parfaitement à l’aise pour marcher dans les traces du maître. S’il n’y avait pas sa signature en-dessous, on aurait d’ailleurs du mal à deviner que le dessinateur de la série a changé. Bref, tant les fans que les éditions Albert René peuvent être rassurés: avec le duo Ferri-Conrad, Astérix est en de bonnes mains pour continuer à vivre de nouvelles aventures… et pour se vendre encore à des millions d’exemplaires! Un petit bémol tout de même: si tout le monde est d’accord pour dire que « Le papyrus de César » et « Astérix chez les Pictes » sont de qualité supérieure aux albums scénarisés par Uderzo, il leur manque malgré tout ce petit supplément d’âme qui faisait le génie des albums (inoubliables) signés par Goscinny. Le constat est le même pour la reprise d’Astérix que pour celle de Lucky Luke: n’est pas Goscinny qui veut!



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