Ganesha, mémoires de l'homme-éléphant, de Xavier Mauméjean

ganesha maumejeanRésumé : Londres, fin du XIXe siècle. Qui est réellement Joseph Merrick, celui qu'on surnomme " l'Homme-Elephant " ? Homme ou bête ? Monstre de foire ou curiosité scientifique ? Une simple anomalie de la nature ou... un dieu ? Lorsqu'il rédige se " Mémoires ", il n'a pas trente ans et réside depuis quelque temps à l'hôpital de Whitechapel sous la protection du médecin Frederick Treves. Un refuge qui lui permet d'observer les splendeurs et les misères de la capitale, et de mener l'enquête : quatre affaires, précisément, soit autant que de saisons dans une année. De leur résolution dépendra peut-être plus que son destin, car " le monde s'efface dans les rêves de l'éléphant...

  • Broché: 272 pages
  • Editeur : Editions Mnémos
  • Collection : Icares

Notre avis :

POPPY : Récompensé en 2000 par le Prix Fantastic'Arts du Festival de Gérardmer, le livre propose 4 nouvelles qui se déroulent au file des 4 saisons. Une année donc, pendant laquelle notre héros, Joseph Merrick, plus connu en tant qu'Elephant-Man (merci David Lynch pour le film poignant du même nom) enquête sur 4 histoires, plus ou moins liées entre elles. Evidemment, l'homme-éléphant, de par ses déductions, rappelle d'autres détectives littéraires de la même époque. Le choix de ce format permet de connaitre différents détails sur son passé, des souvenirs de sa vie de monstre de foire relatifs aux diverses enquêtes. Passé de solitude et de rejet, s'il fallait le préciser.

Au même titre qu'un Jack l'Eventreur, Elephant-man, dont la silhouette déformée se découpe dans le brouillard du Londres victorien, est une figure emblématique de l'époque. Il est, dans cette fiction, un être terriblement seul. Tellement seul qu'il s'imagine être la divinité Ganesha, le dieu à tête d'éléphant, qui rêve le monde. Aux premiers abords, on rencontre un homme désabusé à cause du monde qui le rejette mais aussi, comme pour s'en protéger, un être imbu de lui-même car, justement, le monde le rejette par ignorance. Ignorance de ce qu'il est sous son visage et son corps malades. Pourtant, au file des pages, se dévoilent ses faiblesses, ce qui a tendance à le rendre un peu pitoyable et, par extension, terriblement humain.

MURPHY : Faiblesses qui ne fonctionnent malheureusement pas pour conquir tout le monde. Après avoir passé des pages et des pages dans la mentalité d'un personnage si imbu de lui-même et si infidèle à l'image qu'en a faite le film de Lynch ou le rapport écrit du docteur Treves, il m'a personnellement été impossible de m'y attacher. J'ai vu ce nouveau Joseph Merrick comme une trahison. Moi qui pensais y retrouver toute la force du personnage mythique que l'on connait et l'émotion qu'il suscite, j'ai eu l'impression de lire une imposture des plus détestables.

POPPY : La première histoire, en plus de présenter les divers personnages qui graviteront autour du héros, relate les kidnappings d'enfants, à la place desquels un bonhomme en pain d'épice à leur image est déposé. Déjà ici, l'histoire permet de développer la psychologie du héros. Le coupable serait un ogre, selon Elephant-man. Peut-on y voir le raisonnement d'un enfant, enfermé dans un corps malade, qui appréhende le monde à partir de contes, de figures horrifiques enfantines ? Je me suis posée la question plusieurs fois au cours de la lecture. Le côté divinité, fantastique est-il à prendre littéralement ou n'est-ce pas un simple fantasme du héros ? Le livre se place dans cet entre deux, faisant sans cesse remettre en cause ce que le lecteur peut penser. En cela, réside une des forces de l'écriture de Mauméjan.

MURPHY : Pour ma part, le fantastique est dans ce livre une illusion. L'ambiguité n'est pas assez mise en avant à mon sens pour vraiment créer le doute. A mes yeux, ce Joseph Merrick n'est en effet qu'un malade qui s'imagine dieu. Mais comme le dit Poppy, chacun y verra là sa propre lecture et sans doute la double interprétation sera-t-elle plus efficace sur certains que sur d'autres.

POPPY : La seconde histoire raconte le complot d'un financier et relève de mobiles géopolitiques. Elle est la seule histoire à ne pas m'avoir captivée plus que ça. La troisième est, à mon sens, celle qu'il faut retenir. Il y est question du massacre d'un couple et l'essentiel réside à comprendre pourquoi le meurtrier, identifié, arrêté, n'a pas assassiné la fille du couple contre qui, pourtant, il entretenait une terrible haine et qui a survéçu à un face-à-face avec lui. Ici, nous faisons un détour du côté de la psychologie mais trop en dire enlèverait une part d'intérêt. Enfin, la dernière histoire voit se dévoiler le grand méchant qui met à rude épreuve le héros.

MURPHY : La troisième histoire est pour moi la seule à retenir, celle qui sauve tout le livre. Utilisant pourtant un concept simple, elle arrive à amener une chute vraiment surprenante.

POPPY : Les nouvelles, en elles-mêmes, sont d'un niveau inégal. Les enquêtes demeurent assez simples dans leur structure. Mais l'intérêt demeure dans la construction fictive de la ville, du folklore de l'époque. Ainsi, diverses mentions sont faites à des faits divers, Spring Heeled Jack entre autre. Pour ma part, j'ai retrouvé un peu de l'ambiance sombre présente dans le Golem de Meyrink, qui est un classique.

Conclusion : j'ai passé un très bon moment à lire ces nouvelles. Même si l'entrée dans cet univers peut s'avérer difficile pour celui qui a vu Elephant-man de Lynch ou qui a lu le rapport du docteur Frederick Treves, il faudrait prendre ce livre comme quelque chose de foncièrement différente.

MURPHY : Je ne peux que confirmer cette conclusion. La seule différence réside dans l'avis qui est ressorti de ces constatations. En effet, il ne faut surtout pas s'attendre à retrouver l'Elephant man que l'on "connait". Mais si ce concept de personnage totalement différent a fonctionné sur Poppy, la lecture a été des plus interminables pour moi. A part la troisième histoire dont la chute m'a convaincu, le reste a été pour moi une lecture laborieuse.

Poppy & Murphy (en désaccord depuis 1862)