La Petite communiste qui ne souriait jamais [Lola Lafon]

Hello,
N'étant pas particulièrement intéressée par la gymnastique et n'ayant jamais entendu parler de la gymnaste roumaine Nadia Comaneci, c'est un peu dans l'inconnu que je me suis lancée en lisant La Petite communiste qui ne souriait jamais ! Il fallait bien satisfaire ma curiosité.
La Petite communiste qui ne souriait jamais [Lola Lafon]
Nadia Comaneci a été la première gymnaste à obtenir la note parfaite de 10 aux Jeux Olympiques ; c'était en 1976 à Montréal, elle avait 14 ans et faisait partie de l'équipe de la Roumanie. Dans La Petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon a choisi de raconter son histoire, du moment où elle a commencé la gymnastique jusqu'à aujourd'hui. A travers cette biographie, c'est non seulement la vie d'une gymnaste qu'elle raconte mais aussi le rapport qu'elle entretient avec son corps, son évolution en tant que femme et sa position par rapport aux événements politiques de son pays. Repérée parmi une multitude de petites filles puis éduquée par un entraîneur paternaliste, Nadia Comaneci a développé son talent en très peu de temps pour devenir une figure majeure de la gymnastique et une héroïne en Roumanie. Acclamée dans son pays, elle devient une icône du régime de Ceausescu et un modèle pour les petites filles de tous les pays -peu importe de quel côté du mur ils se trouvent. L'inscription de cette histoire dans un fort contexte historique contribue ainsi à fantasmer le destin de cette petite fille et à en faire une figure particulière de la chute du mur et de la fin du régime communiste en Roumanie.
« Le chapitre que je réécris n'est donc pas l'histoire d'un dictateur, mais celle de ce corps-valise que juges, président et dresseurs divers se disputent et s'arrachent au prétexte de le protéger. Un nouvel épisode de ce film muet, leur passion dévorante pour une jeune fille à qui jamais personne ne demande son avis. Ce qu'elle offre depuis des années se passe de mots, peut-être. Elle est intraduisible, sans doute. » p.128

Dans cette grande fresque autour du destin de la femme et de la façon dont elle envisage son corps, Lola Lafon décortique l'évolution de Nadia, ses peurs à l'approche de la puberté, sa façon d'appréhender sa féminité et de quitter ce corps de fillette dans lequel les Jeux Olympiques l'ont vue à son apogée. Étonnamment, il n'y a pas besoin d'être gymnaste ou sportive pour se reconnaître dans certains passages de la vie de Nadia : il suffit tout simplement d'être une femme. Observé, jugé, noté en permanence, le corps de Nadia Comaneci est soumis à la violence de ses commentateurs, et malgré cette brutalité elle refuse pourtant de se positionner en victime et ignore la pitié que les autres ont pour elle : cette vie, elle l'a choisie et la revivrait trois fois si elle le pouvait.
J'ai aimé le style de Lola Lafon, son écriture assez rapide et sa capacité à aller à l'essentiel. Je regrette peut-être une certaine confusion, la multiplicité des thèmes abordés -le communisme, la Roumanie, le corps féminin, la gymnastique et au milieu de tout ça, Nadia- qui rendent le discours parfois lourd et qui nous font perdre de vue l'essentiel et la fin presque précipitée du roman. La dernière partie de l'histoire m'a en effet laissée dans une certaine confusion, j'ai trouvé les scènes parfois brouillons et la fin assez peu élaborée par rapport à la première partie du roman.
« Je la rassure, les titres prestigieux, je les noterai, je raconterai la façon dont le monde entier vous a célébrée. De plus en plus souvent, nos conversations, ces échanges, n'en sont pas. Sans doute est-ce aussi ma faute, car je n'ose pas, ce jour-là, par exemple, lui faire part de mon malaise. Je dirais quoi ? J'ai tapé votre nom et celui de Nicu C., le "Fils-de" sur Internet, et trouvé à plusieurs reprises cette expression : "idylle" forcée. Comment lui poser la question ? Qu'est-ce qu'une "idylle" ? Qu'est-ce qu'une idylle forcée » p.209
En mettant en scène un dialogue totalement fictif entre la narratrice et Nadia Comaneci, Lola Lafon entend donner à son histoire plus de perspectives et plusieurs points de vue. A chaque fois que l'on croit saisir une partie de la personnalité de Nadia, un mot d'elle ébranle nos certitudes et nous montre un visage tout à fait différent d'elle. Tous les préjugés sur la gymnastique, sur le sport à haut niveau et la Roumanie de Ceausescu se trouvent tour à tour mis à mal. Bien loin de défendre un régime politique ou un autre, Lola Lafon défend surtout l'universalité de son histoire et du destin de Nadia Comaneci. A demi fantasmée, à demi inscrite dans la véracité historique, la biographie de Nadia Comaneci, La Petite communiste qui ne souriait jamais est une histoire passionnante qui sans m'avoir profondément émue, m'a fait passer un bon moment et m'a proposé de nouvelles pistes de réflexions autour du corps féminin.
Avez-vous lu ce roman ou un autre de Lola Lafon ? Connaissez-vous l'histoire de Nadia Comaneci ?


La Petite communiste qui ne souriait jamais [Lola Lafon]Retraçant le parcours d'une fée gymnaste, qui, dans la Roumanie des années 1980 et sous les yeux émerveillés de la planète entière, vint, en son temps, mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records, ce roman est le portrait d'une enfant, puis d'une femme, évadée de la pesanteur, sacralisée par la pureté de ses gestes et une existence intégralement dévolue à la recherche de la perfection. En mettant en exergue les dévoiements du communisme tout autant que la falsification, par les Occidentaux, de ce que fut la vie dans le bloc de l'Est, ce récit, lui-même subtilement acrobate, est aussi une passionnante méditation sur l'invention et l'impitoyable évaluation du corps féminin.


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