L’ampleur du saccage - Kaoutar Harchi

L’ampleur du saccage - Kaoutar Harchi

Ils sont quatre et leurs liens semblent ténus. Un fil, pourtant, relie l'histoire de Riddah, Ryeb, Si Larbi et Arezki. C'est de l'autre coté de la méditerranée, là-bas, en Algérie, où trois d'entre eux sont nés, que leurs destins vont se rejoindre et basculer une dernière fois. A l'origine, un acte collectif abominable perpétré trente ans plus tôt. Un acte sur les lieux duquel ils vont revenir depuis la France pour faire face à la vérité. Une vérité douloureuse et tragique, point de départ de tous leurs maux.

Difficile de rentrer dans ce texte choral tant il n'est pas simple à première vue de trouver des connexions entre chaque personnage. Mais peu à peu le puzzle se met en place, les interactions prennent sens et la tragédie à venir apparaît inéluctable. Kaoutar Harchi possède un sens aigu de la mise en scène. Elle avance ses pions avec une maîtrise narrative éblouissante, tissant un canevas dont la forme définitive surgit comme une évidence dans les toutes dernières pages. J'aime son écriture au lyrisme contenu, ses phrases brèves qui disent la douleur et le chagrin.

L'ampleur du saccage est une réflexion sur la quête des origines, la relation à la mère, l'exil, la violence des hommes. Des hommes perdus, souffrant de carences affectives et sexuelles, tellement en manque de repères qu'ils marchent en permanence au bord du précipice. Des hommes sans espoirs, torturés par le remord, certains de ne jamais trouver le repos, de ne jamais pouvoir expier leurs fautes. C'est beau, intense et triste comme la vie.

L'ampleur du saccage de Kaoutar Harchi. Babel, 2015 (première édition en 2011). 120 pages. 6,80 euros.

Un livre offert par une blogueuse chère à mon cœur pour des tas de raisons qui ne regardent qu'elle et moi. Merci encore, comme d'habitude, ton choix était parfait.

" Je 'n'appartiens à aucune terre, je ne descend d'aucune lignée, je suis là, simplement. Cause abandonnée au bon vouloir des mystères mutiques, je dérive le long des impostures, épuisé, car tous les ports d'accueil ont disparu : j'ignore d'où je viens. "

" Nous étions des êtres nus, nos corps ne voulaient plus continuer. La décomposition et le pourrissement guettaient, seules nos âmes croyaient qu'il était encore possible de surmonter la boue, les puces et les rats. Criminels en fuite, nous portions en nous des cadavres, nos cadavres, car nous étions en avance sur la mort, nous lui avions mâché le travail. [...] Comment ne pas tomber, ne pas creuser et s'enfouir soi-même, sans l'aide de personne, d'aucun Dieu, sous cette terre aux abois ? "