Comics à l'écran : ce que l'on perd au change

Comics à l'écran : ce que l'on perd au changeAaaaah, les comics. Cette bande-dessinée américaine iconnue pour ses onomatopées, ses merveilles visuelles et pour ses ... films ?! 
Il y a maintenant plus de soixante ans que les super-héros de comics et leurs pairs se sont affranchis des pages de comics. En 1948, 10 ans après que Superman eût chamboulé l'Amérique du Nord, l'homme d'acier se voit interprété par Kirk Alyn dans un serial en noir et blanc. Des années plus tard, il fût ses débuts sur grand et petit écrans, mais aussi à la radio, en même temps que l'avènement de Batman comme icône de la pop culture. Superman et Batman, le jour et la nuit, le Dieu et l'homme, le justicier et le détective, le boyscout et le paranoïaque, deux icônes que tout séparent en dehors de leur dominance absolue sur le cinéma et la télévision inspirée de comics du XXème siècle.
Désormais, les films à penchant comics se multiplient à tel point que Superman et Batman doivent partager l'affiche avec les plus grands héros de la concurrence : Iron Man, Captain America, Thor, ... Mais aussi des adaptations en tout genre, témoins de la diversité peu connue d'une des plus grandes industries du 9ème art : Watchmen, Sin City, V For Vendetta, 300 et d'autres. Et si le cinéma suffisait, mes amis, je n'en serai pas à faire une rubrique dessus puisque c'est aussi le cas pour la télévision et ses multiples séries en cours et à venir adaptées d'univers de comics à succès : The Walking Dead, Arrow, Flash entre autres.
Mais avec ces films et ces séries, et l'engouement qui les suit, il est temps d'essayer de comprendre les conséquences et retombées de ces œuvres sur la planète de la BD américaine ainsi que - tout bêtement - ce que l'on perd au change entre le média d'origine et l'autre, celui qui nécessite de électricité ... ça fait un peu Greenpeace, ce mépris non ?

Comics à l'écran : ce que l'on perd au change

Le comédien tombe vers sa mort dans Watchmen d'Alan Moore et son adaptation de Zack Snyder


La plus grosse différence entre un film et un comic-book découlent de leur point commun. En effet, ces deux arts visuels sont deux médias différents de par leur simple nature. Un film est - par définition - une oeuvre cinématographique. Un comic est une BD et - par définition - une suite de dessins couplé d'un texte. Les deux servent, en général, à raconter une histoire.
Et je dois vous avouez que je préfère l'un à l'autre. Je préfère lire des comics plutôt que de regarder un film inspiré par les comics. Cela peut paraître bizarre, mais, c'est loin de l'être.
Je pense que l'on peut séparer deux types de films en lien avec les comics : ceux qui les adaptent et ceux qui s'en inspire. Il y a là une nuance sur laquelle on ne devrait pas marcher. Watchmen est une adaptation, The Dark Knight ne fait que s'inspirer de l'homme chauve-souris. 
Dans Watchmen, Zack Snyder donne à l'oeuvre d'origine une nouvelle jeunesse, en la transposant sur grand écran avec le peu de personnalité qui lui a été reproché, mais aussi des subtilités faisant écho aux comics. Un exemple assez facile à voir est celui de l'hommage aux œuvres ayant précédés les deux versions, qu'elle soit sous forme comic ou cinématographique. Dans son histoire, Moore contraint Gibbons, le temps d'un chapitre à réaliser des planches découper en gaufrette en mémoire de certains des plus éminents artistes de la maison Charlton qui en usait. Bien évidemment, le cinéma devait faire fi de ce genre d'hommage immergés dans l'univers des comics et impossible à mettre en scène. A la place, Snyder se fait plaisir en rendant d'autres hommages, notamment en décidant de donner au costume de Nite-Owl, allias le Hibou en français, une allure rappelant les Batman de Burton et Schumacher, quelque chose qui n'aurait pas eu sa place dans le comic ... fou non ?
Dans The Dark Knight, Christopher Nolan réalise - non pas un Batman - mais un film qui s'inspire grandement du Chevalier Noir. Il n'adapte rien, non rien du tout. Contrairement à Watchmen sur lequel se basé le film éponyme, The Dark Knight ne vise aucune histoire terminée et précise, aucune histoire parue et offre une histoire inédite, non sans références bien évidemment. Je voudrai également attiré votre attention sur des détails qui semblent désormais totalement fondus dans le décor pour le grand public : Batman n'est pas le même que dans les comics. Les décisions prises font du héros quelqu'un de très sombre, de détraqué, avec une voix grave et un caractère froid. Un bad ass sans réel background, un personnage superficiel au possible collant à une mode du tout au noir assez ennuyante pour le coup. Voilà pourquoi ce film ne fait que s'inspirer de Batman et sa mythologie, la tournant dans un sens inédit, quoi que l'on en dise.
Mais un réalisateur, comme un auteur de comics impose souvent une vision plus ou moins accentuée au personnage qu'il met en scène. Ce qui fait que si je trouve le Batman de Nolan décalé, rien ne me permet de clamer haut et fort que son Batman est faux, qu'il n'est qu'un imposteur, aussi éloigné soit-il du personnage de comics. Le problème est juste que Nolan est obligé de réaliser un film qui est loin d'avoir les plusieurs dizaines d'années de continuité que celui sur papier, dans un monde où les héros ne sont pas dessinés mais incarnés par des acteurs sous contrats, où l'on parle de franchises et d'argents avant de réfléchir à une histoire. Alors Nolan ne pouvait pas tirer profit des anciennes séries TV ou films Batman comme Morrison a pu réutiliser des personnages de l'âge d'argent des comics dans son récent passage sur l'univers papier de Batman. Plus que l'histoire, plus que le support, plus que la forme, c'est le fond qui fait qu'un film inspiré de comics est loin d'un comic.
A mon avis, la meilleure manière pour transposer un comic à l'écran est d'assumer un parti pris graphique et scénaristique rythmé par la réelle envie de donner aux spectateurs quelque chose de personnel voir intimiste, quelque chose comme Sin City peut-être. On limite trop les comics aux personnages qu'ils comportent, or, ce qui fait les comics, ce sont les auteurs, ceux qui façonnent des histoires, ceux qui les dessinent et qui en font des œuvres à chaque fois unique en leur genre. Alors je croirai à un film de comics, non pas lorsque Superman se pointera en volant les bras en avant, mais lorsque le visuel en jette de manière originale et lorsque l'histoire donnera matière à réfléchir, comme tout bon comics.
Mais le problème des films, c'est aussi qu'ils durent plusieurs heures et que pour sa rassasier, il faut attendre un, deux ans voir plus. Les comics - eux - sortent tout les mois et permettent au lecteur de se divertir quelques minutes. Alors, la meilleure chose à faire pour adapter un comics reste un schéma épisodique comparable au médium d'origine. Les séries télévisées semblent être un bon parti. Sauf que, comme pour le cinéma, tant que nous n'aurons pas des histoires et un style graphique original, jamais, ô grand jamais, ils ne pourront être traités comme des œuvres de comics, provenant de cette culture qu'est la nôtre.

Comics à l'écran : ce que l'on perd au change

Superman, for the man who has everything et sa déclinaison animée dans Justice League Unlimited

En définitive, il semble qu'une seule chose puisse réveiller ma passion des comics en la regardant. Et il s'agit des dessin-animés. Et je ne parle pas de films animés, mais de séries animées comme celles que Bruce Timm (également artiste de comics, tiens) concoctait à petits soins pour les enfants que nous étions et pour les adultes assez intelligents pour ne pas se laisser rebuter par l'aspect des dessin-animés et l'image que leur donne le grand public. Non les dessin-animés ne sont pas exclusifs aux enfants, et c'est valable aussi pour les comics. Une autre grande raison qui relie ces deux supports.
Je tiens tout de même à rappeler que même si aucun film ni aucune série télévisée n'arrive encore à me toucher autant qu'un comic-book, je prend tout de même du plaisir à voir Superman botter les fesses de Zod ou le Joker tenir réplique à Batman sur grand écran ... "pour le fun".

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois