Critique de BD : Le Tueur

Bonjour ! Bonjour ! Et bienvenue au deuxième opus de la chronique : la bd pour les nuls. Après vous avoir parlé d’un classique parmi les classiques, laissez-moi-vous présenter une œuvre contemporaine en passe de devenir culte. Welcome to the present day and please, make a standing ovation to ma critique de BD : Le Tueur !

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Qui est-il ? Personnage paradoxal : anonyme parce qu’ayant trop d’identités,  le tueur ne se définit que par son métier. Pourtant le ton est donné dès la première page, il s’agit d’apprendre à le connaître et de comprendre ses motivations. Le scénariste, Matz, choisit un angle dérangeant pour nous parler de son héros. Il lui donne la parole et fait du Tueur une bande dessinée d’introspection où l’on va apprendre à aimer un personnage sans nom dont le métier est de tuer pour de l’argent.

Grâce à un découpage dynamique et une mise en scène froide, cette bande dessinée au ton résolument noir, nous plonge dans un univers sans concession dont chaque minute est disséquée par la voix d’un tueur qu’on imagine monocorde et désabusée. Il est payé pour tuer des gens et il est bon dans ce qu’il fait. Mais surtout, il en est lucide. Son métier ne devient finalement qu’un métier parmi d’autres dépassant les frontières du bien et du mal pour en devenir banal. D’ailleurs, physiquement, il n’a rien de ce qu’on imagine être un tueur à gages. Ni spécialement laid, ni spécialement beau, il se fond dans la masse et peut être assimilé facilement à un quidam, un somebody. C’est bien là que réside la force des dessins de Jacamon : en faire un anonyme même dans son aspect visuel.

Le peu de dialogue utilisé, les nombreux gros plans sur le visage de l’anonyme, les grandes séquences silencieuses… L’atmosphère est pesante, oppressante, fascinante. Il se dégage de cette bande dessinée une impression étrange qu’il est difficile de décrire sans l’avoir lue. Nous sommes à la fois mal à l’aise et excités par la lecture du Tueur. Cela tient pour beaucoup aux longs monologues qui atteignent parfois « une profondeur quasi philosophique » pour reprendre les mots d’une des citations situées derrière le livre du premier cycle.

La première fois que j’ai lu Le Tueur,  les influences des romans noirs et des comics m’ont semblé évidentes tant par le découpage que par l’atmosphère qui s’en dégageait. Cette façon qu’a le héros de faire une introspection de lui et de son entourage m’ont fait penser à cette manière qu’ont les héros des comics de tout commenter dans des encarts narratifs – il est vrai que nous avions déjà ça dans la bande dessinée européenne (je pense notamment à Jacobs et sa série des Blake et Mortimer) mais il s’agissait alors plus de décrire les actions que de faire réfléchir les personnages sur eux-mêmes.

Si vous cherchez des exemples de comics qui peuvent être proches de de cette œuvre, vous avez bien évidemment Criminal publié depuis 2006 et Incognito publié depuis 2008, tous deux d’ Ed Brubacker. Se plaçant du point de vue des « méchants », ces deux comics ont cette particularité de traiter le sujet de manière froide et décomplexée tout comme le Tueur peut le faire.

J’espère, en tout cas, vous avoir donné envie de lire cette oeuvre. Il serait dommage de passer à côté !

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Le Tueur : premier cycle, Jacamon et Matz, éditions casterman, 2008

Vous trouverez dans cette réédition de 2008 les trois premiers albums du Tueur qui en compte actuellement 12. Le format est certes plus petit que si vous les achetez un à un mais le contenu et le plaisir sont les mêmes à moindre prix !!

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Incognito Tome 1 : projet overkill, Ed Brubacker et Sean Phillips, éditions Delcourt, 2010

Suivez les aventures de Kenneth Lee. Ce jeune homme est ce que l’on pourrait appeler un Super Vilain. Mais, en échange d’une immunité, il donne tous ses anciens coéquipiers à S.O.S et décide de raccrocher. Mais l’adrénaline et son passé finisse par le rattraper…

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Criminal tome 1 : lâche, Ed Brubacker et Sean Phillips, éditions Delcourt, 2007

Si le premier tome de Criminal parle de l’histoire de Léo Patterson, voleur émérite embarqué dans une histoire de braquage qui tourne mal, chaque tome s’intéresse à un personne différent dans le même univers. La volonté est pourtant la même : peindre de manière froide des criminels et leurs états d’âme.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois