Les terres animales - Laurent Petitmangin
La manufacture de livresParution : 24/08/2023Pages : 224EAN : 9782358879996
Prix : 18.90 €
Présentation de l'éditeur
Il y avait là de petites villes avec leurs églises, quelques commerces, des champs, et au loin, la centrale. C’était un coin paisible entouré de montagnes et de forêts. Jusqu’à l’accident. Il a fallu évacuer, condamner la zone, fuir les radiations. Certains ont choisi de rester malgré tout. Trop de souvenirs les attachaient à ces lieux, ils n’auraient pas vraiment trouvé leur place ailleurs. Marc, Alessandro, Lorna, Sarah et Fred sont de ceux-là. Leur amitié leur permet de tenir bon, de se faire les témoins inutiles de ce désert humain à l’herbe grasse et à la terre empoisonnée. Rien ne devait les faire fléchir, les séparer. Il suffit pourtant d’une étincelle pour que renaisse la soif d’un avenir différent : un enfant bientôt sera parmi eux.
Laurent Petitmangin, toujours aussi bouleversant d’humanité, nous raconte les souvenirs indélébiles, les instincts irrépressibles et la vie qui toujours impose sa loi au cœur de ces terres rendues au règne animal.
L'auteur
Laurent Petitmangin est né en 1965 en Lorraine au sein d’une famille de cheminots. Il passe ses vingt premières années à Metz, puis quitte sa ville natale pour poursuivre des études supérieures à Lyon. Il rentre chez Air France, société pour laquelle il travaille encore aujourd’hui. Grand lecteur, il écrit depuis une dizaine d’années.
Ce qu’il faut de nuit est son premier roman.Ainsi Berlin.Source : La manufacture de livres
Mon avis
C'était un coin de nature paisible. Aujourd'hui la forêt est juste magnifique, les couleurs sublimes, impossible d'imaginer qu'un accident nucléaire a eu lieu, et pourtant ...
Ils ont cinq jeunes ; Fred et Sarah, Marc et Lorna et Alessandro. Ils n'ont pas voulu quitter les lieux après l'accident estimant que leur vie est là surtout pour Fred et Sarah près de Vic. Dans ce petit coin paisible, une communauté d'irréductibles est surveillée par des drones. Un horizon de trois ans, c'est ce qu'ils ont pour vivre en autarcie. De toute façon, foutu pour foutu... ils savent ce qui leur arrivera. Ils respectent les protocoles de sécurité, les mesures des invisibles radiations, la combinaison, le masque .. l'iode, mais à quoi bon !C'était leur choix de rester de ce côté du mur après l'accident, surveillés par les drones. Leur vallée est tellement belle, la forêt magnifique et puis c'est l'amitié et la solidarité qui les animent. Ils sont témoins de ce désert humain à l'herbe grasse, la nature foisonnante qui masquent l'ennemi invisible.Les descriptions de la nature sont magnifiques, elles m'ont fait penser au très bel album d'Emmanuel Lepage "Un printemps à Tchernobyl". La communauté est unie, bien décidée à rester là jusqu'au moment ou "un enfant va naître", ce qui va tout changer, une vie, un nouvel espoir...
L'écriture est limpide, c'est fluide. La tension monte peu à peu dans l'écriture décortiquant les pensées de chacun, Fred pour commencer, s'exprime à la première personne, cèdera sa place à chacun qui tour à tour nous donnera son ressenti. C'est fort, prenant, un très beau récit emprunt d'humanité démontrant que la vie s'impose toujours dans ces terres au règne animal.Un joli ♥ de cette rentrée.
Les jolies phrases
On ne soupçonne rien. C'est le plus terrible de cette vie. Se dire qu'on ne voit rien, et quand on ne voit rien, et quand on voit il est trop tard. On ne discerne pas les radiations. Tout est normal. Bien trop normal, et c'est là le vertige.
On survole un territoire qui n'est que bleus, des bleus résineux, huilés, des trous bleus qui dévorent la lumière, des bleu horizon, des Prusse, des Charron, parfois des ondées de bleu barbeau, qui semblent plus claires.
Notre existence a beau être limitée, forcément limitée, je crois qu'on n'a pas envie de vivre dans un capharnaüm où plus rien n'aurait d'importance. Les choses qu'on range seront là demain, et c'est déjà une bonne raison d'y prêter attention. Cela n'empêche pas les coups de folie, les moments où tout ceci nous gave, où plus rien n'a de sens, et alors ça brûle, ça jette, ça casse, les murs en prennent pour leur grade, mais ce ne sont qu'éclats, on arrive à se raisonner, il y en a toujours un pour cela, souvent Alessandro ou Lorna, et on nettoie derrière, gentiment, patiemment, un peu contrits d'avoir perdu nos nerfs.
Ce sont nos instruments qui donnent la mesure qui nous attend dehors. De longs bips tout en ronflement, des sons saccadés, une syncope de bruits métalliques qui n'en finissent pas dès qu'on met le pied dehors, l'impression de vivre sous respirateur, un carcan entêtant, sans fin, qui dit inlassablement qu'on a beau marcher et chercher, il n'y a jamais, jamais, de zone saine, sauf à l'intérieur des maisons, et encore, je crois qu'on n'a plus trop envie de savoir, on coupe nos engins dès qu'on est chez nous. La vie serait impossible, s'il s'avérait qu'il y a nulle part où aller.
L'air frais me saisit. Ça sent bon. Comme avant. J'en prends plein les poumons. On ne soupçonne rien. C'est le plus terrible de cette vie. Se dire qu'on ne voit rien, et quand on voit, il est trop tard;
Pense aux tranchées, mec. On est dans une putain de tranchée. On est comme eux. On sait que c'est désormais là que ça se passe. On sait qu'on va se faire dégommer, qu'on sorte, qu'on reste, mais c'est trop tard pour faire quoi que ce soit d'autre. Ce sont les tranchées qui nous obligent. Rien d'autre.
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