Au sol

Au sol

En deux mots
Claire a réussi sa vie. Des études brillantes puis son métier d’avocate, un mari attentionné et un fils qui grandit. Claire a raté sa vie. Un rythme infernal, des tâches ménagères de plus en plus lourdes à supporter, une routine qui l’étouffe. Alors Claire craque. Est internée. Et cherche une porte de sortie.

Ma note
★★★★ (j’ai adoré)

Ma chronique

La vie avec Jackson Pollock

Charlotte Milandri fait ses débuts – réussis – de romancière. En imaginant une avocate au bout du rouleau, elle construit aussi un hymne à la création et souligne la force de l’art, capable de sublimer toute vie. Alors l’ordinaire cède la place à l’extraordinaire.

Les apparences sont trompeuses. À regarder le CV de Claire, on découvre tous les ingrédients d’une vie réussie. De brillantes études l’ont mené à une carrière d’avocate. Elle a épousé Julien, a mis au monde leur fils Paul qu’elle aime profondément. Leurs familles respectives sont sans histoire, ou presque. Seulement voilà, derrière le vernis, l’histoire est tout autre. Claire a tenu son ménage à bout de bras. Elle a expérimenté jusqu’à satiété la double charge de travail, executive woman et mère. Sans oublier son rôle d’épouse accomplie. Fatigue et lassitude rythment désormais ses journées, contrairement à son mari qui a conservé toute son énergie. «Elle a cru qu’elle y arriverait, qu’à vivre, dormir, manger, coucher avec lui tous les jours, ça infuserait en elle la capacité à vivre de Julien, (…) Elle pensait que ça suffirait, qu’elle deviendrait normale.» En vain.
On appellera ça une dépression faute de mieux. Plus d’envie, plus de désir. Une vie entre parenthèses qui va mal finir. Claire rêve de renverser la table, mais sombre dans un trou noir qui va la conduire en asile. Dans un monde où elle se sent protégée. «Je veux, comme ces gens qui ne sont pas normaux, ne plus me contenter, ne plus voir vos gueules fatiguées tous les jours, il faut déjà que je supporte la mienne.»
Au bout du tunnel, c’est un souvenir d’enfance qui va faire apparaître la lumière. Cette forte émotion ressentie devant un tableau lors d’une sortie scolaire. Et cette même émotion des années plus tard au MoMa à New York, cette conscience que l’œuvre de Jackson Pollock face à laquelle elle se trouve – Number 7 (œuvre reproduite en couverture du roman) – est bien davantage que de l’art. «Ravage de noir, de blanc, de brun. Les formes hypnotiques, les contours déchirés. Les couches de peinture, les paquets par endroits, le relief. On voudrait toucher. Passer la main et comme sur un mur crépi que l’on n’a pas lissé, jouer avec le risque d’éraflure. Miettes de cerveau contre miettes de peinture.» Une sortie à Beaubourg lui permettra-t-elle de trouver un nouvel élan?
Oui, les apparences sont trompeuses. J’ai rencontré Charlotte Milandri après avoir intégré l’association des 68 premières fois qu’elle a créé, puis dirigé de longues années avec passion. J’ai admiré sa folle énergie, ses belles initiatives comme celle pour laquelle elle s’est beaucoup battue, faire rentrer la littérature et les auteurs dans les prisons. Et à chaque fois, je me fais une fête de la retrouver à l’occasion d’une soirée parisienne qui rassemble les lectrices et lecteurs avec les romancières et les romanciers pour des échanges formidablement enrichissants.
Quand elle a annoncé l’an passé qu’elle passait la main, j’ai compris que c’était pour vivre une nouvelle aventure. Je l’ai imaginée éditrice, elle qui a tant lu et qui a tant échangé avec les créateurs. Si elle a bien emprunté cette voie, elle a aussi choisi d’écrire. Mais là où je m’attendais à une ode à la littérature, je trouve bien davantage de l’art-thérapie. Un livre passionné, qui va davantage explorer les zones d’ombre, celles d’une femme blessée qui collectionne les tubes de peinture en attendant le jour où…
Petit message personnel en guise de conclusion: très chère Charlotte, toi qui as si bien su défendre les premiers romans, je peux te garantir que celui que tu nous offres ici mérite amplement sa place dans la sélection des 68 premières fois !

Au sol
Charlotte Milandri
Éditions des Équateurs
Premier roman
248 p., 20 €
EAN 9782382846056
Paru le 30/08/2023

Ce qu’en dit l’éditeur
Découper les courgettes en cubes réguliers, préparer le poulet du dimanche, sourire, oui, merci, tout va bien : cette vie-là, Claire n’en peut plus, n’en veut plus. Elle, la petite fille autrefois si docile, la jeune femme bien comme il faut, l’avocate toujours irréprochable, toujours discrète, crève de cette vie sans couleurs, sans passion, sans surprise. Elle voudrait hurler pour faire s’écrouler les murs immaculés de cette maison où rien ne fait plus écho, claquer la porte, sentir son corps désirant, faire enfin naître le feu allumé dix ans plus tôt dans les flammes de la folle création d’un homme : Jackson Pollock.
Dans un premier roman frontal, Charlotte Milandri raconte la sauvagerie retrouvée d’une femme refusant de se contenter de ce que l’on donne, de cette domestication imposée, et nous entraîne, avec passion et violence, dans sa conquête de l’extrême, jusqu’à la brèche. Une ode à nos sauvageries retrouvées.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Blog Born to be a livre

Les premières pages du livre
« La maison est calme.

Paul est un enfant du soir. Claire veille des heures sur son sommeil qui peine à arriver, le matin le garde endormi.
Elle se lève dès le premier œil ouvert, glisse sur le parquet, évite les lattes qui grincent, passe dans la chambre de l’enfant, respire la quiétude du corps encore chaud.
Ne surtout pas le réveiller. Retarder le premier maman qui en appellera des dizaines d’autres.
Robinet. Verre d’eau. À grandes gorgées.

Elle prend le sac à dos noir préparé la veille près de la porte pour limiter les mouvements, les frottements des tissus, les portes de placard à retenir pour ne pas que le bruit sec retentisse. Elle tourne la clé dans la serrure, enfile son gilet une fois dans la rue.
Courgettes. Quatre. Pommes de terre. Un kilo. Tomates. Six.
Oignons. Deux. Carottes. Une botte. Les fanes ? Coupez-les.

Elle charge son sac, méticuleusement, du plus lourd au plus léger. Elle sent dans son dos l’arrondi des légumes, la carotte qui sort de son rang pour se loger au milieu de sa colonne vertébrale.
Madame, deux dorades comme d’habitude ? Comme d’habitude. On les vide ? Le couteau sur les écailles qui sautent partout, la tête tranchée, la lame qui s’insinue, le geste précis, la chair qui s’en libère. Une poignée de crevettes. Roses pour l’enfant. Grises pour elle dont elle n’enlèvera que la tête et la queue avant de croquer. Un peu de citron.
Un kilo de fraises, une livre d’abricots, des bananes presque vertes. On a des melons délicieux, je vous en mets un ? Claire sourit. Elle charge l’autre sac, celui qu’elle va porter à l’épaule gauche. Ça penche.
Un poulet, bien doré. Elle désigne celui sur la broche. Le boucher s’exécute, retire l’acier du feu brûlant, fait coulisser l’animal. De la sauce ? Oui, que ça dégouline sur les joues de l’enfant.
Épaule droite. Équilibre retrouvé.

Une pièce dans le gobelet froissé de l’homme qui, tous les dimanches, lui sourit. Bonne journée, Mademoiselle. Bonne santé.
Mademoiselle reprend son chemin d’un pas plus alerte que ce matin, alors même que dix kilos lui strient les épaules. Elle regarde sa montre, elle a perdu un peu de temps à la poissonnerie, s’arrête à la boulangerie.
Une baguette. Un croissant. Un pain au chocolat.

Bon dimanche.

Elle hâte le pas, franchit le seuil, tend l’oreille. Paul dort encore.

Les carottes dans le bac à légumes. Les pommes de terre dans la caisse en bois en dessous du plan de travail. Les oignons, à côté. Le poisson et les crevettes dans le bac de gauche. Le poulet posé à côté de la cuisinière.
Elle sort le bol jaune de Paul, celui qu’elle lave à la main chaque jour pour qu’il soit propre pour le matin suivant. Elle pose une tasse sous la cafetière.
Une assiette, le croissant d’un côté de la table.

Une assiette, le pain au chocolat, collé au bol jaune, de l’autre.

Elle commence par les oignons. Ça ne la fait plus pleurer les oignons, les émince finement. Elle aime l’odeur qui lui restera sur les mains.
Les courgettes. Couper les deux bouts.
Longues bandes vertes.
Sève. Filaments. Mains collantes.
Gratter la paume.

Les tomates.

Une croix dessus.
Les plonger dans l’eau bouillante. Les retirer.
Se brûler la pulpe des doigts. Tirer la peau.
D’un pan.
Le jus qui tente de s’échapper. Les poser dans le saladier.

Maman.

Maman.

Atteindre le lit avant le troisième maman. Embrasser le front, les joues. Un câlin rapide. Déjà, enfiler les chaussons qui déserteront les pieds à la première occasion, un sous le canapé, l’autre dans la cuisine.
Faire couler le lait, une cuillère de chocolat, chauffer une minute, faire tomber la paille dans le bol. La bouche mastiquant. Les miettes qui surnagent.
Frigo. Verre de jus d’orange. Shoot de sucre.

On va jouer, maman ? Claire s’assoit à même le tapis, bat les cartes, les distribue. Elle fait semblant quand arrive le moment de la bataille de saisir la carte du dessus alors qu’elle déniche celle du dessous, l’enfant doit gagner. Il s’arrête au milieu de la troisième partie, elle rassemble le jeu, le remet dans la boîte. Un puzzle ? Un puzzle. Les coins d’abord, il commence par le centre, le chat bleu, s’agace quand ça coince. Il suffit de tourner mon chéri. Encore, voilà.
Le pas de Julien qui s’approche, le baiser déposé sur son front, la main dans les cheveux de Paul. Déjà dans la cuisine, le café qui coule, le merci habituel pour le croissant.
L’enfant dans sa chambre. Maman, je ne trouve pas le bonhomme rouge, tu sais celui avec son sac ? Fouiller les caisses, le trouver. Voir le sourire de l’enfant. Dans cinq minutes, ce sera le bleu, le vert, le jaune. Tous les sortir, ce sera fait.
On s’habille Paul. Refus. Viens, on compte jusqu’à trente, il faut gagner avant. L’empressement tout à coup. Tee-shirt, slip, short. Pas de chaussettes, il fait chaud. Elle pose le pyjama sur le lit après avoir tiré la couette. Reste un peu, Maman. Elle s’assoit sur les dessins d’animaux recouvrant le drap. Elle le regarde s’affairer avec la vie qu’il s’invente. On ferait comme si j’étais un aventurier. Et toi une princesse que je dois délivrer. Fais comme si, mon chéri.
Julien sort, le sport du dimanche. Avec un peu de chance, il sera là à midi. Midi trente au plus tard. Sinon, il faudra mettre du beurre sur un morceau de pain pour faire patienter Paul. Je vais faire cuire les courgettes, je reviens. Elle sait que l’enfant ne tiendra pas cinq minutes, qu’il viendra sur la table derrière elle, des crayons et des feuilles. Elle mettra de la musique, elle aura le temps d’une chanson à elle, avant qu’il ne demande des comptines, des crocodiles qui s’en vont à la guerre ou des petits escargots qui portent sur le dos leurs maisons.
Huile d’olive chaude. Oignon.
Remuer. Translucide.
Courgette. En carrés réguliers. Sel. Estragon.
Remuer. Couvrir. Veiller.

Allumer le four. Poser le poulet dans un plat. Faire couler la sauce au fond. 120 degrés.
Les tomates. Les couper en quartier. Huile. Vinaigre. Sel. Dans un verre, ciseler le persil cueilli dans le pot au bord de la fenêtre. Juste pour elle, pas de vert Maman, pas de vert Claire. Toi, si tu veux.
Maman, dessine-moi un avion. Tenter. Il n’est pas très beau, ton avion, Maman.
Tiens, ils sont pour toi. Trois dessins. Tu reconnais ? Claire hésite. Enfin, maman, un jardin, la mer et nous. Un gros rond et un trait. Je suis quoi moi ? Ben le trait, maman.
J’ai faim. 12 h 03. Pas le croûton maman. Enlever le croûton, couper une tranche. La beurrer. Mais tu mangeras hein ?
Julien. 12 h 35. Les tomates, un peu Paul. Le pain qui sauce l’assiette. Le poulet qu’elle découpe. Ailes. Cuisses. Blancs. La sauce dans un bol, une cuillère dedans. Les courgettes dorées. Un dessin de plus et elles attachaient à la casserole. Une glace pour le dessert. Rien pour moi.
Débarrasser. Rincer. Laver. Les miettes dans la main. Poubelle. Place nette.
Comme un dimanche matin.

Claire doit accélérer la cadence, les escaliers deux à deux. Elle cherche dans son sac sans fond la carte, sa photo, son numéro de matricule presque, le sésame pour n’avoir pas à vider ses poches. Elle enlève sa ceinture, ouvre en grand le sac pour que l’homme au gilet orange vérifie qu’elle n’est pas dangereuse. Elle contourne le portique, les alarmes, le rouge pour une pièce oubliée dans une poche.
Son ventre se digère lui-même, rien à se mettre sous l’acide depuis des heures, toujours le même dérèglement. La veille, Claire ne peut jamais rien manger, elle prépare des belles assiettes pour les hommes de la maison, je n’ai pas arrêté de grignoter, n’avale que deux ou trois radis. Julien tente de la rassurer, tu es la meilleure, tu vas gagner encore demain, pas de stress.
Elle traverse la salle des pas perdus, parfois les mots ne mentent pas, se dirige vers la salle du fond, celle qui aujourd’hui accueille les affaires civiles, là où il y a quelques jours une femme en prenait pour vingt ans. Elle a suivi, de loin, l’affaire, les médias assoiffés de sang sur les lèvres, les normaux qui se rassurent de leur normalité mais qui ne résistent pas au sensationnel, l’avocate qui avait joué la carte de la victime agissante, de ce qu’elle avait subi enfant pour expliquer la dérive, les babines acérées, le besoin de vengeance, la femme qui plante l’homme, à froid, avec préméditation, sans remords, sans regret, il n’avait qu’à pas me tromper avec l’autre. La pute. Elle n’a jamais osé Claire enfiler la robe pour ces cas-là, elle se dit ce matin qu’elle aurait dû, mettre les mains dans la merde et tenter de prouver qu’elles sont propres, comme un enfant à qui on dit de se laver les mains avant le repas et dont on accepte le mensonge.
Elle caresse la joue de Julien, lui sourit quand il sort la litanie de compliments, elle s’en fout de la cause qu’elle défend, de l’entreprise qu’elle va sauver d’un gros chèque à décaisser alors qu’elle passe son temps à faire du fric en niant l’humain. Elle sait que ce n’est pas ça qui lui vrille les tripes, ce pourquoi ses dents ont grincé toute la nuit, au réveil la mâchoire à débloquer. Parfois, son propre bruit la réveille, le vacarme que ça fait de frotter ce qui ne doit pas l’être. Le marteau et l’enclume, c’est le dentiste qui lui avait dit : je ne sais pas ce que vous faites avec vos dents, on dirait qu’elles sont coincées entre le marteau et l’enclume. S’il n’y avait que les dents, docteur.
La porte est ouverte, le restera, le spectacle est public, gratuit. Prenez vos tickets. Les derniers rangs sont occupés par ceux qui pensent pouvoir comparaître seuls. Manteaux fatigués. Pochette cartonnée sur les genoux. La convocation relue dix fois. Le regard que déjà on baisse. Attente du moment où l’on vous sonnera. Devant, faites place aux gens en noir. Claire sourit de loin à ses collègues. Consœurs, il faut dire consœurs, Claire. Plutôt se mordre la langue au sang. Personne ne la connaît, elle ne va jamais aux soirées d’entre-soi, elle l’a fait une fois, ne recommencera pas. Elle déteste faire partie de cette corporation, appartenir à un groupe, se sentir fière de son nom sur une plaque dorée. Le jour où il a fallu la visser, elle a descendu le coin droit, à peine perceptible, que ce ne soit pas bien aligné avec le reste. Les vis aux quatre coins. Les trous dans la vieille pierre du cabinet. Vous devez être fière, on va fêter ça. Le champagne à dix heures du matin, le refus qu’elle ne fait pas durer, elle avalera la coupe, la vomira une heure après. Avec le croissant trop gras. La chasse qu’elle tire dès qu’elle entre dans les toilettes, l’eau qu’elle fait couler. Masquer le bruit de ce qui sort et ne devrait pas. Cinq ans et comme si hier. Claire sent que ça va arriver ce jour, où un doigt la pointera. La gueule ouverte, les lèvres découpées jusqu’aux oreilles. Le rire qu’on ne peut pas éteindre, qui vient sous la peau, qui fait taire tous les bruits, se figer tous les sangs. Il ressemblerait au Gwynplaine d’Hugo. L’homme bon derrière le monstre. Claire, son exacte opposée. La grande brune, joli chemisier, souliers vernis, pantalon noir, les yeux à peine maquillés, les lèvres nues et derrière, la bête.

Elle attend le grand déballage.

Elle serre la main que lui tend l’avocat venu d’un autre barreau, la chambre dans laquelle il a dû passer la nuit, le dossier travaillé jusqu’à tard, le petit déjeuner buffet pour être là, à l’ouverture de l’arène. Son adversaire pour la partie qui démarre. Premier acte. Place à ceux qui viennent de loin, les avocats jouant à domicile peuvent patienter, on sert les invités en premier. Quant à la plèbe sans défense, ils perdront la journée entière sur ces bancs, tant qu’à prendre un jour de congé pour se faire piétiner, autant jouir du spectacle, jusqu’au tomber du rideau.
Claire pose son sac au pied du banc, en extrait la boule noire, la déplie, la remet à l’endroit. Un bras. L’autre. Le bouton tout en haut. Le cou recouvert. La glotte serrée. Descendre. Deux. Trois. Quatre. Claire s’arrête en chemin, ne pas avaler les trente-trois boutons qui la composent. Ton chemin de croix. Pas de tromperie sur la marchandise. En fermer une vingtaine, laisser ceux du bas ouverts, porte de sortie, pas encore close. Le rabat blanc, comme un bavoir pour recueillir les postillons, les résidus de crachats de ce qui va se dire. Vous voulez l’impétueuse, la fonctionnelle, la caresse, l’audacieuse ? Elle a regardé la vendeuse, elle était fière des noms de ses robes, Claire s’est demandé quel esprit avait eu envie d’accoler ces mots à une robe d’avocat. Elle a saisi la première, a dit celle-là. L’audacieuse, bon choix. L’épitoge à balancer dans le dos.
Pas les trois coups sur le plancher mais la sonnerie. Il faut se lever, les primo participants suivent le mouvement. La juge entre, actrice principale, tous les regards sur elle. Standing ovation avant la première réplique. Les noms défilent, elle fait l’appel, absent mot d’excuse, sans c’est radié, hors liste, définitivement. Cinquante dossiers à se bouffer dans la journée, l’usure contre laquelle il faut se battre, la rouille que ça dépose, l’huile qu’il faut mettre chaque matin pour avaler la pourriture des autres.
C’est lui qui commence, celui qui a passé sa nuit à l’Ibis-Mercure, si son cabinet est généreux. Maître, vous faites court, quinze minutes maximum. Le regard qu’il lance à Claire. Elle ne l’a pas prévenu lors de leurs échanges qu’ici on n’aime pas les longs discours, les manches qui volent. Capter l’attention avant que la juge pense à sa liste de courses, au petit dernier qui a fait une connerie hier et le week-end à prévoir. Il déroule, l’accusation, petite femme fragile face au système, trop d’horaires, un flicage, et le truc qui déraille. L’accident de travail. La faute impardonnable, inexcusable de l’employeur. Ils savaient, ils n’ont rien fait, n’ont pas tenté d’éviter, ils ont laissé couler, ils ont même mis la main dans le dos assurer la chute. Claire enchaîne sans attendre que la juge lui donne la parole, éviter le Maître qui lui est destiné et qu’elle ne veut pas entendre, ça lui fait une décharge dans le cou à chaque fois. Elle contredit chaque point, démontre la fragilité de la femme, son incompétence crasse, les tâches qu’elle refusait, son retard chaque matin – on a tous des enfants à emmener à l’école Madame la Présidente, hochement de tête, c’est gagné, Claire.
Elle note sur le dossier bleu la date à laquelle le jugement sera rendu, elle serre la main de celui qu’elle affrontait il y a quelques minutes, bonne journée. Claire le voit hésiter à lui proposer un café. Si on se connaissait, on le ferait, on se raconterait les blagues du milieu, on balancerait sur les clients, on se raconterait la dernière victoire, on tairait le beau plantage, on se marrerait sur les derniers flirts de la petite confrérie. Claire est déjà dehors.
L’apnée qu’il faut faire cesser. La boutique dans laquelle elle entre, le tube de peinture qu’elle choisit. À chaque audience, le même rituel, un tube de gouache qu’elle n’ouvrira pas, qu’elle posera dans l’armoire de son bureau, celle qui ferme à clé. Pantone 2347C. Couleur du jour. Le vendeur lui sourit, il n’a jamais interrogé cette femme qui le mercredi matin vient acheter un tube, lui tend la somme exacte en monnaie, et fourre le tube dans un grand sac noir.
Un de fait. Un jour de plus. Ou de moins, elle ne sait pas comment elle compte, Claire.
Retour au cabinet.
Tube dans l’armoire ça commence à faire. Facture en paiement.
Date du délibéré à surveiller. Même si elle sait.
Au suivant.

La balançoire grince.

À chaque retour vers l’avant de Paul, les jambes bien tendues pour l’élan, elle grince, couine. Le cliquetis.
À qui pourrait-elle dire, Claire, que ce bruit lui est insupportable ?
Comme tant d’autres. Mais celui-là, elle entend le bruit de ses chaînes, quand le chien est allé au bout de son périmètre et qu’il ne peut pas poursuivre l’exploration. Reviens dans ton cercle, sur ce sol mille fois piétiné ; plus rien ne pousse sur un terrain mille fois piétiné. Ça serre la gorge aussi. Si trop dangereux, c’est même une décharge que tu te prends. Recule. N’avance pas, plus.
Tu tentes de rogner la ferraille. Tu ne sais pas encore l’impossible. Le fer. La rouille qui coule sur les lèvres. Tu ravales le goût métallique qui ne s’évanouira qu’au moment de manger.
Elle sourit à Paul chaque fois qu’il dit : Maman, je vais toucher le ciel. T’as vu, tu vois, j’y suis.
Elle sourit. Oui, mon chéri. Le ciel. La Lune. Les étoiles. Tu auras tout, le jour où je lâcherai ta chaîne. Je me plains de la mienne et j’en tricote une. Le ciel. Vise juste. Elle le voit sauter en plein vol. T’as vu, maman.
J’ai vu oui. Et la balançoire qui continue son manège grinçant. Elle s’en approche, la plaque, vite.
Le toboggan. Silencieux. Elle sur ce bloc de béton, pas de banc. Ne pas prendre le risque du dossier sur lequel se reposer. Demeurer en veille. Pour rester là. Avec Paul. Dans cette vie choisie, lui dira-t-on. Elle doit rester.
En équilibre. Qui vive.
Ne pas s’adosser.

C’est ça depuis six ans, ne pas s’adosser. Elle revoit le sang qui dégueule
Les pleurs la nuit

Le lait qui monte pas, un effort, Madame.
Elle a dit non, la dame. Filez-lui un biberon, tout petit, celui qu’on fout dans la bouche en plastique des poupées. Sans consentement. Il est où le bouton off ? Le tiroir de piles qu’on peut d’un coup de tournevis ouvrir. Et plus rien. Fin du bruit, des faux cris, du faire comme si.
Le petit corps dans le berceau de plastique. Et elle à côté.

Les sachants, les on en a vu passer des bébés, Julien quand il était petit, les pas comme ça, les vous devriez. Et elle à côté.
Qui regarde les gestes faciles des autres, les hésitations de Julien, le petit qui passe de bras en bras. Paul, c’est joli Paul. Un brin classique mais joli. Elle voulait un prénom plus écorché, Claire. Avait proposé Melvil. Elle aime bien l’équivoque du prénom, Julien n’a pas caché que lui non. Paul, comme le grand-père parti trop tôt. Le taiseux qui aimait à côté.

La poitrine qui se tend à ne plus supporter un drap dessus.
Les médicaments qu’il faut avaler. Ça va passer Madame. Vous êtes sûre que vous ne voulez pas lui donner. Ça vous aiderait à dégonfler. Elle dit toujours non, la dame.
Elle le regarde et ça ne vient pas, le truc qui doit. Parce qu’un corps sorti du sien, parce que son vagin explosé par une tête trop grosse, des bras qui s’accrochent, des jambes qui déjà voulaient frapper.
Et le quatrième jour. Après une nuit loin de lui, vous devez vous reposer Madame, vous n’en pouvez plus. On va le prendre, vous n’allaitez pas en plus donc c’est facile pour nous. Vous allez dormir. Prenez ça, sous la langue, ça sera plus efficace. Le retour à six heures dans sa chambre, petit bocal de plastique sur roulette. Et lui dans un pyjama blanc, un bonnet sur la tête, le visage qui déjà a connu la douleur, la faim et le chaos que c’est d’être au monde.
Le quatrième jour, l’indifférente devient louve, lionne, hyène. N’approchez plus de son corps. Il n’y a que lui. Moi.
Et le reste, à la porte. Personne dans le périmètre. Laissez-moi son cou, son odeur, la douceur de son duvet. Laissez-le contre mon sein, ma peau.
Attention, je mords. C’est ce qu’on aurait vu écrit sur la cage. C’est ça qu’on verrait sur la médaille de sa laisse.

Oui Paul, on rentre. Une glace. Chocolat. Partout sur le tee-shirt. Les mains collantes. Le mal de ventre. Trois boules, c’est trop. Enfin, Claire, à quoi as-tu pensé ?
À le rendre sucré.

À lui adoucir les souvenirs.

À détourner son regard des yeux tristes de sa mère. À lui faire croire que le ciel est à portée de main.
À le gorger de cette odeur d’enfance. Sable. Gravier. Chocolat. À lui fabriquer un présent papier bulle.
À tout faire pour qu’il ne se rende pas encore compte qu’il lui manquera des bras autour de lui.
Plus tard.

Elle regarde Julien, les gestes faciles, le sourire sincère, le rire qui parfois fuse, les discussions sur le temps qui passe, qu’il fait, les prochaines vacances et cette idée d’agrandir la maison. Elle sourit, passe son temps en cuisine. On lui dira que c’était délicieux, qu’il ne fallait pas s’embêter, des saucisses et des chips auraient suffi, qu’il faudrait qu’elle prenne le temps de s’asseoir, on dirait qu’elle a des puces sur sa chaise. Tu devrais te ménager Claire, profite, reste avec nous. Un autre verre, Claire ? Elle a passé sa matinée à cuisiner, le tajine, les antipasti achetés chez l’Italien, disposés dans les bols à pois. La salade de fruits et le gâteau fait maison. Pour les enfants, des glaces qui laissent des couleurs sur la langue. Les premiers soleils. La terrasse plein sud, la grande table qu’elle orne d’une nappe colorée. La table pliante un peu plus loin pour les enfants. Ils sont dix à table, le même nombre à celle des enfants, la survie de l’espèce est assurée. Elle aime Claire le nombre, la grande tablée, veiller à ce que chacun ne manque de rien. Jamais de repos. Les enfants. Les verres. Et le pain, il y a assez de pain ? Le fromage qu’il faut sortir du frigo sans quoi il sera trop froid. Les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, le mouvement naturel. Elle tente, Claire, de s’y intéresser vraiment, d’avoir un avis sur la maison de vacances à louer, de savoir si un poêle à bois est mieux qu’un à granulés. Elle aimerait que ce soit la seule question et que ça occupe des jours. Regarder les études sur le sujet, comparer, y passer des heures. Arrive un moment où elle décroche, où elle veut leur hurler qu’on s’en fout, que ça ne sert à rien tout ça, qu’ils sont ridicules, petits, minables, elle avec. Que ça sert à quoi de se farder la vie si c’est pour se demander si les murs sont gris souris ou pigeon, si le parquet il est faux ou véritable. Elle a cru qu’elle y arriverait, qu’à vivre, dormir, manger, coucher avec lui tous les jours, ça infuserait en elle la capacité à vivre de Julien, qu’il ne la blesserait pas et qu’il l’emmènerait du bon côté, de celui où on n’entend pas les mâchoires qui déchiquettent le poulet pourtant tendre, où l’alcool sert juste à devenir joyeux mais pas à se noyer. Elle pensait que ça suffirait, qu’elle deviendrait normale. Laisse-toi faire Claire, arrête un peu ton cirque, profite de la vie, du soleil sur ta peau, des rires des enfants gorgés de sucre. Un autre verre, Claire ? Elle n’en boit jamais trop Claire, trois et elle arrête. Tu es raisonnable toi, c’est vrai. Raisonnable, voilà.
Tu sais quand même bien faire semblant, tu ne gagneras pas un prix d’interprétation à la fin, tu sais.
Jeanne entre dans la cuisine, je te trouve fatiguée, Claire, ça va ? Sa question préférée. Celle qui n’écoute rien de l’autre, celle dont on attend juste un oui merci et toi. Ne pas s’aventurer. Tu deviens méprisante, Claire. À te murer, tu fais ta précieuse ridicule. Tu pourrais lui dire, ça ne va pas, fatiguée oui. Fais-le. Tu attends quoi ? Tu sais bien que tu finirais par dire : je mens, à tous, à toi, à lui, à moi. Je ne vois que vos bouches en action, vos corps en décomposition, le genou qui va s’écorcher, l’enfant qui hurle qui deviendra grand si vite, la course vers la chute. Ça va oui, un peu tendu au boulot mais ça va. Il faudrait qu’on aille déjeuner toutes les deux un jour, ça serait sympa. Oui. Elle dit oui, Claire. Jeanne est déjà repartie. Claire dispose la salade de fruits dans des bols, une part de gâteau à côté, une feuille de menthe au-dessus, un ourson en guimauve pour finir. Elle pourrait les bouffer par dix ces oursons, le glaçage qui craque et le doux derrière. Elle voudrait que tout ressemble à ça. Mais rien, juste du sucre en barre, et le ventre qui dans une heure dira le trop-plein. Julien, derrière elle. Elle sursaute. Tu sais j’habite aussi ici. Ça le fait rire Julien, ce sursaut quand il entre dans une pièce. Parfois on dirait que tu n’es pas là. C’est ça, parfois on dirait que je ne suis pas là.

Personne ne sait où Claire se trouve.
Elle imagine les flottements, les yeux qui s’activeraient aux quatre points cardinaux, les cœurs qui se serreraient un peu.
Elle flirte avec le Et si ?
Au cabinet, ils savent juste l’agenda barré pour le jeudi après-midi, pas de compte à rendre.
Si on interrogeait Julien, il dirait qu’elle est au bureau justement, la grosse réunion du jeudi qui s’éternise toujours. Le rituel instauré avec Paul, le jeudi c’est papa.
Ils chercheraient, s’inquiéteraient. 30 appels en absence sur le téléphone placé en mode avion.
Si un jour, elle éternisait le temps en marge, il faudrait quelques heures pour qu’ils réagissent, qui penserait en premier à la disparition ? Ils se rassureraient : Paul, on ne fait rien de tel avec un enfant. Et puis elle est si sage, Claire, si responsable.
Claire s’imagine le scénario à chaque fois qu’elle s’installe dans le siège gris, côté fenêtre, quand le train est double, étage du bas. Au plus près des rails. Pendant cinq minutes, elle imagine le sans elle. Les vingt ans qu’il faut pour passer de la disparition à la déclaration d’absence. La force de Julien dans l’épreuve, la tristesse de Paul qui pourtant demanderait chaque matin, elle revient quand maman ?
Chaque jeudi, Claire prend le train. Trois heures quarante-deux de trajet. Un aller-retour. Rien entre les deux. Dix minutes de battement à la gare, le temps de se rendre de la voie 7 à la voie 4.
Elle aime la tête contre la vitre, le paysage que l’on capte à peine, le regard qui ne suit plus le rythme. Claire connaît les accélérations, le moment où, vitesse maximale atteinte, elle sent presque le plaqué de son corps sur le siège. Ça rassemble tous les bouts d’elle le train, ça fait se coller entre eux les fragments qui s’entrechoquent le reste du temps. Les écouteurs dans les oreilles. Le son poussé à son maximum. La seule chose qui change, c’est le choix de la musique, selon l’humeur. Des récurrences, Vivaldi les jours de puissance, Barbara les jours de creux, et si le vertige tient sa ligne, elle laisse faire l’aléatoire. Elle ne fait rien pendant ces heures de rail, pas un livre ouvert, pas un dossier à finir. Juste la tête contre la vitre, la musique, et la vie qui file à sa propre vitesse. C’est ce qu’elle se dit Claire, que sa vitesse de croisière c’est 320 kilomètres par heure. Mais que ça ne tient pas la distance une vitesse pareille, les artères qui se boucheraient, les nerfs qui ne trouveraient plus leur souplesse, que la vie sans regarder le paysage c’est pas possible, qu’il faut prendre le temps, profiter, savourer les petits moments du quotidien.
Elle voudrait savoir se contenter, apprécier les heures qui passent dans un après-midi qui s’étire sans voir la mort qui s’invite, se reposer sans penser que chaque heure doit être habitée sinon perdue. Elle aimerait le coucher de soleil, le rose cliché, les rires de son fils qui court sur la plage. Elle a essayé de s’asseoir par terre pour se mettre à hauteur, pour faire aller des Playmobil et croire quelques minutes que les gens s’aiment, s’embrassent, se marient, travaillent, font des enfants en gardant le sourire figé. Elle veut bien les bouffer les manuels de développement personnel si ça marche d’ingurgiter de la merde pour endormir les troupeaux. »

Extraits
« Ravage de noir, de blanc, de brun. Les formes hypnotiques, les contours déchirés. Les couches de peinture, les paquets par endroits, le relief. On voudrait toucher. Passer la main et comme sur un mur crépi que l’on n’a pas lissé, jouer avec le risque d’éraflure.
Miettes de cerveau contre miettes de peinture. » p. 60

« Tout va bien, puisque tout sera Normal.
Ils seront malheureux. Normalement.
Je veux faire la pute.
Je veux, comme ces gens qui ne sont pas normaux, ne plus me contenter, ne plus voir vos gueules fatiguées tous les jours, il faut déjà que je supporte la mienne.
Je veux partir quand tout se ternit, je veux décider ça un matin et le faire. Ne pas planifier, attendre. Je veux l’inconfort, le dangereux, le fatigant, l’épuisant, l’écorchure et la morsure.
Je veux la retourner la table sur laquelle vous êtes en train de manger, faire taire vos bouches.
Et si je le faisais ?
Si là, d’un geste, je soulevais la table? Verre de vin rouge sur nappe blanche. Sauce de poulet sur jupe.
Bris de porcelaine sous vos chaussures. Des cris.
Puis le silence. Moi. Debout.
Sans un mot.
Je sortirai. Vous aurez à dire alors. Je deviendrai le centre de vos discussions. Elle est folle.
Vous me trouverez mille excuses. La fatigue, le stress. Moi, je l’ai toujours trouvée un peu bizarre, Claire. Elle a dans le regard quelque chose qui fait peur. Vous auriez tout ramassé, chacun serait rentré chez soi. Non, vous seriez restés. » p. 94

À propos de l’autrice
Au solCharlotte Milandri © Photo DR

Avocate de formation, évoluant en droit du travail et des affaires pendant quinze ans, Charlotte Milandri a opéré un virage à 180 degrés pour trouver sa place dans l’univers du livre. Fondatrice de l’association des 68 premières fois autour des premiers romans qui met en avant des jeunes auteurs et développe des actions en univers carcéral, auteure d’un blog L’insatiable, modératrice notamment du parcours littéraire imaginé avec le théâtre de l’Etoile du Nord, elle a décidé de mettre en adéquation passion et vie professionnelle. Elle a suivi la formation Pratiques et recherche en atelier d’écriture à Nantes et dispense des ateliers d’écriture en univers carcéral. Après avoir lu plus de 600 premiers romans, elle a désormais la charge du service éditorial de l’École Les Mots afin d’accompagner les apprentis auteurs dans le déploiement du processus créatif. Son premier roman, Au sol, est paru le 30 août 2023. (Source: Les Mots)

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