La Liseuse

La Liseuse

En deux mots
Quand Jeanne débarque à l’université, la belle rousse fait tourner bien des têtes. Mais c’est Ferdinand qui réussit à conquérir «La Liseuse», le surnom donné à la jeune fille qui ressemble au tableau de Jean-Jacques Henner. Ensemble, ils partent admirer la toile qui va s’immiscer dans leur vie. Et panser les blessures.

Ma note
★★★ (bien aimé)

Ma chronique

La belle rousse et l’étudiant passionné

Une belle rousse nue occupée à lire. Jean-Daniel Verhaeghe raconte comment le tableau de Jean-Jacques Henner prend vie pour Ferdinand, étudiant amoureux, et signe un conte teinté de mélancolie sur la force des arts et la puissance des rêves. Envoûtant.

C’est au Lycée Voltaire, où ils sont tous deux inscrits en khâgne, que Ferdinand va croiser Jeanne. Sa beauté et le mystère qu’elle dégage le subjugue. Celle qui va très vite être surnommée
«La Liseuse», en référence au tableau de Jean-Jacques Henner qui représente une jeune fille à la crinière rousse, va finir par accepter de prendre un café avec Ferdinand avant de s’éclipser. Un peu comme un astre qui apparaît puis disparaît, elle va ainsi alimenter les rumeurs et enflammer l’imagination de Ferdinand qui déjà se nourrissait de films. Car il rêve de cinéma et préfère les séances de la cinémathèque aux salles de classe. Peut-être est-il après tout le mieux placé pour comprendre que les absences de Jeanne. Un vide qu’il comble en se rendant au musée dialoguer avec «La Liseuse».
Prenant alors un tour fantastique, le roman nous fait alors plonger dans l’intimité de ce trio. Les rêves du narrateur amoureux, la relation de Jeanne avec son père qui lutte contre la maladie – ce qui explique en partie ses absences – et la rousse du tableau qui sort de sa toile pour s’offrir quelques libertés et distiller quelques conseils.
Si Jeanne finira bien dans les bras de Ferdinand, leur passion sera finalement aussi éphémère, s’achevant par un drame. Un peu comme un feu de bottes de foin, comme celles qu’il a choisi de collectionner – œuvres d’artistes inconnus pour la plupart – et qui vont envahir son appartement. Là encore, l’art et la passion se marient. Là encore, les tableaux prennent vie. Car Ferdinand n’aime rien de mieux que d’inventer la vie qui va autour de ces représentations.
Aussi, tout en essayant de se consoler de la perte de Jeanne dans les bras de Béatrice, il va poursuivre sa collection.
Jean-Daniel Verhaeghe a trouvé le style qui épouse parfaitement ces atermoiements du cœur, de courts chapitres, quelquefois un seul paragraphe, pour raconter la surprise, la passion, ici une interrogation, là un émoi, ici le désir et là la peine. Avec le romancier, on se laisse emporter dans ce tourbillon qui mêle l’art et l’amour, l’amour de l’art et l’art de l’amour. C’est allègre et c’est mélancolique, c’est enthousiasmant et c’est désespérant. Comme la vie, non?

La Liseuse
Jean-Daniel Verhaeghe
Serge Safran Éditeur
Roman
140 p., 15,90 €
EAN 9791097594862
Paru le 2/06/2023

Où?
Le roman est situé en France, principalement à Tours ainsi qu’à Paris.

Quand?
L’action se déroule de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Ferdinand, au lycée Voltaire, à Paris, aime Jeanne qui ne le sait pas encore. En khâgne tous l’appellent «la Liseuse» en référence au tableau La Liseuse de Jean-Jacques Henner et rêvent de partager les lectures de cette belle jeune fille rousse. Mais Jeanne est secrète, fuyante, inaccessible. Elle décide même de partir à Angkor sur les incitations de son père, banquier en quête d’évasion.
Avec Ferdinand ils se retrouvent par hasard au cinéma et découvrent leur goût commun pour les films de Fritz Lang. Pourquoi m’appelle-t-on « La Liseuse » demande-t-elle ? Ferdinand lui propose d’aller voir « son double » au musée Henner. Leur histoire peut commencer… Histoire pleine de tendresse et de mélancolie qui fleure le fantastique et l’appel vers des contrées lointaines magnifiées par les récits de voyages de Pierre Loti.

Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
Blog L’élégance des livres

Les premières pages du livre
« Un message de « La petite encadreuse » avertissait Ferdinand que son tableau était prêt, restauré et encadré. Avant de rentrer chez lui, en sortant de la gare de Tours, il ferait un détour par le magasin pour récupérer « ses meules ». Depuis des années, au hasard des brocantes, des vide-greniers, voire des antiquaires, Ferdinand achetait des toiles représentant des meules de foin, il en possédait à présent une petite trentaine de tous formats, dans différents paysages, sous des lumières variées et des cieux plus ou moins cléments, l’une d’elles représentait deux meules en flammes entourées de paysans qui, avec des baquets d’eau, tentaient d’éteindre l’incendie, des femmes et des enfants formaient une petite chaîne pour alimenter en eau les barriques. Ce fut le premier tableau que Ferdinand acheta, il était tombé amoureux de cette scène paysanne qui semblait illustrer, à l’insu du peintre dont le nom était illisible dans le coin gauche de la toile, celle décrite par Flaubert dans Bouvard et Pécuchet: «Il y avait, autour de la plus grande, trois cents personnes peut-être, et sous les ordres de M. Foureau, le maire, en écharpe tricolore, des gars avec des perches et des crocs tiraient la paille du sommet afin de préserver le reste… Bouvard contemplait l’incendie en pleurant doucement. Un vieux ramassa des brins qui brûlaient pour allumer sa pipe. Des enfants se mirent à danser.» Ce fut dans un déballage de bord de route, en allant dans les Cévennes, que Ferdinand acheta ce tableau qui fit le bonheur de sa journée et fut le premier à grimper le long du mur de l’escalier de sa maison tourangelle. Il aimait ces meules aux toits pointus ou arrondis qui témoignaient d’un temps à jamais perdu; à présent de tristes rouleaux souvent enveloppés de plastique bleu essaimaient dans nos champs, faisant fuir les peintres des campagnes, témoins naïfs et désuets de cette vie «d’avant».
La devanture de «La petite encadreuse» était à peine plus large que deux fois la porte d’entrée, déjà étroite. Par la vitre on pouvait voir une petite femme s’affairant à fixer un châssis ou à confectionner une marie-louise. L’encadrement choisi par Ferdinand était toujours le même, une baguette vieil-or de 2,5 cm. Ce qui lui importait était que Madeleine = c’était son nom retrouve les couleurs et la luminosité de la toile enfouies sous des années de poussière. Acheté souvent pour quelques poignées d’euros, le prix de la restauration multipliait par dix le prix du tableau.
Comme à son habitude, Ferdinand ne voulait pas voir le travail effectué par Madeleine, il la féliciterait lors de sa prochaine visite, quand il lui apporterait un nouveau trophée. Son sac sur le dos, encombré à présent par le tableau – il n’en avait pas encore de cette dimension -, il regagnait par les rues du vieux Tours sa maison à l’ombre de la cathédrale.

Ferdinand avait souvenir de deux, peut-être trois meules, d’arbres courbés par le vent et d’une plaine sans couleur, quelques ombres venues d’on ne sait où noircissaient la terre retournée. Posé sur la table de la cuisine, le tableau, à vrai dire un autre tableau lui apparut. Il découvrit non pas deux, mais cinq meules qui se perdaient dans la perspective du champ, un soleil qu’il n’avait jamais vu crédibilisait leurs ombres, les arbres réapparus au bord du chemin semblaient résister à un fort vent. Les couleurs avaient repris un nom. La fraîcheur de ces tableaux peints par quelques amateurs amoureux des paysages ravissait Ferdinand presque autant que les vingt-cinq tableaux de Monet immortalisant à jamais son champ voisin à Giverny. La facture était bien plus gauche, la lumière plus rare, mais dans le regard du peintre on retrouvait le même bonheur d’être là devant ce paysage et de tenter de le fixer après l’avoir cadré. Il pouvait retrouver la même émotion que dans les tableaux d’Eugène Fromentin découvrant le Sahel. Ferdinand regretta qu’un tel travail ne puisse se faire sur ce tableau pour lui rendre des couleurs, il avait dépassé la trentaine et aurait bien besoin d’une restauration.

Le dictionnaire donne cette définition du mot «restaurer»: rétablir dans sa forme première et quelques lignes plus loin l’on peut lire «restaurer: faire manger — restaurez-vous avant de prendre la route».
Mais quelle route ?

Ferdinand alla poser le tableau sur le manteau de la cheminée en lieu et place de celui qu’il avait nommé «Meules dans la brume». Il en était toujours ainsi: avant de l’installer dans l’escalier à côté des autres, Ferdinand posait sa dernière acquisition sur la cheminée afin qu’il puisse à loisir le dévisager, l’appréhender, l’examiner, s’inventer la vie du peintre ou des personnages du tableau et les endroits où la toile avait vécu avant d’échouer chez lui. C’était donc aux «Meules dans la brume» d’aller prendre place dans la montée d’escalier. Aux dires du brocanteur, le tableau était l’œuvre du curé de la paroisse, il y a de cela plus de cinquante ans. Le presbytère, désaffecté, avait été vidé et tous les objets non religieux vendus au profit des œuvres de la paroisse voisine. La brume conférait à la peinture un côté inquiétant. Ferdinand avait acheté le tableau avec Jeanne. Jeanne était partie il y a plusieurs années. Il n’était pas de ceux qui savent garder les personnes qui veulent le quitter mais la blessure était toujours là et le tableau, en bon réserviste du passé, tenait son rôle de béquille dans le présent, même si depuis Béatrice avait réussi à le faire marcher sans boîter. Le souvenir de Jeanne fut ravivé à la fin de l’année scolaire par quelques lignes dans le bulletin des anciens élèves du Lycée Voltaire, mentionnant «la mort de Jeanne Auchard dans un accident de train en Inde, à l’âge de vingt ans». Ferdinand n’en apprit guère plus en contactant Jacques Lefèvre, le responsable du bulletin. L’information lui était parvenue par le Quai d’Orsay. Dans ses papiers on avait trouvé une carte des amis du Lycée Voltaire, il se souvenait de cette carte qu’elle gardait toujours, avec sa photo souriante, conquérante, frondeuse, son visage de vingt ans qu’éclaboussaient ses cheveux roux en bataille. »

À propos de l’auteur
La Liseuse

Jean Daniel Verhaeghe © Photo DR

Jean Daniel Verhaeghe, né à Arras en 1944, a réalisé plus d’une soixantaine de films pour la télévision ou le cinéma, principalement des adaptations littéraires: La Controverse de Valladolid, Bouvard et Pécuchet, Le Grand Meaulnes, Le Rouge et le Noir, Le Père Goriot, Les Thibault… Après Le Passé définitif (2018), La Liseuse est son quatrième roman. (Source: Serge Safran Éditeur)

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