Les "vies dessinées" de marco et giulio rincione


 Timed. Derrière ce sobriquet se cache une série de personnages dotés de dons particuliers, reçus après un événement singulier et qui se consument au fur et à mesure qu'ils utilisent leurs pouvoirs. Bref, une habileté particulière, propre à chacun, qui est aussi une condamnation à mort précoce. La bonne nouvelle est qu'il n'est pas nécessaire de lire toutes les histoires de l'univers des Timed pour comprendre les enjeux. Chaque aventure, chaque album est déconnecté des autres et c'est une lecture à part entière, simplement introduite par un petit préambule qui permet de tout saisir. Si nous recommandons particulièrement de se pencher sur ces Vies dessinées, c'est parce qu'elles sont l'œuvre des deux frères Rincione, Marco le scénariste et Giulio le dessinateur. Le premier cité emploie un verbe recherché, élégant et il a tendance à tourner autour des concepts qu'il souhaite développer, comme on le ferait autour d'un épi de maïs à dévorer. Il revient encore et encore sur les obsessions qui nervurent sont récit, à commencer par l'amour, la solitude, la force de la fantaisie, la résilience. Du reste, le protagoniste est un homme qui a acquis le pouvoir de s'imprégner des souvenirs et des pensées des autres, au point d'en devenir fou et de ne pas pouvoir contrôler l'éruption de toutes ces données dans son propre cerveau. C'est la raison pour laquelle il est parti s'installer dans une contrée perdue de l'Irlande, là où personne ne viendra le chercher mais où il va devoir composer avec un fort sentiment de solitude, qui l'amène à s'inventer de la compagnie à travers des personnages qu'il dessine et qui deviennent pour lui plus ou moins réels. En fait, la réalité c'est ce que l'on considère comme telle, c'est la valeur qu'on lui porte, semble nous dire Marco Rincione. Ajoutez à ceci un rapport sentimental qui ressemble davantage à un sacrifice poignant et vous obtenez une histoire touchante, intelligente, mature. D'autant plus que le dessin de Giulio Rincione est extraordinaire. Nous sommes vraiment à la croisée des chemins d'un Bill Sienkiewicz ou d'un Dave McKean; le trait est expressionniste, les planches (dé)construites à merveille, alors que les couleurs et le symbolisme utilisés par l'artiste renforcent l'idée d'étrangeté, de manipulation ou perversion de la réalité, selon l'idée de chacun des personnages et de celui qui lit. Nous avons même droit à une variation intelligente de style, lorsqu'il s'agit de ces personnages inventés par Carl, le protagoniste, qui semblent de simples silhouettes découpées à même le papier blanc et apposées sur les planches peintes. En somme, ce n'est pas exagérer que d'ajouter que l'ensemble est magnifique ! Seul petit défaut, 64 pages uniquement, qui sont trop peu pour développer une histoire qu'on aurait souhaité beaucoup plus élaborée. Mais ce sont 64 pages envoûtantes et qui ne laissent personne indifférent : c'est finalement suffisamment rare pour être signalé. On ne saurait trop que vous recommander de vous jeter sur toutes les œuvres de Giulio Rincione, tant vous aller trouver des trésors précieux. Ouvrage paru chez Shockdom France. 


 
 

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