Qui est ce Schtroumpf? (Tebo – Editions Le Lombard)

Un matin, un schtroumpf se réveille sur le toit d’une maison champignon. Complètement désorienté, il n’a aucune idée de la manière dont il s’est retrouvé là. Il ne se souvient d’ailleurs même pas de son identité. Plus étonnant encore: aucun des autres schtroumpfs du village ne semble le reconnaître, même si certains d’entre eux sous-entendent qu’il s’agit peut-être du schtroumpf débile, étant donné qu’il ne ne capte rien de ce qu’on lui dit. Il faut dire que ce schtroumpf inconnu ne parle pas le langage des schtroumpfs. Même quand le schtroumpf à lunettes lui explique que c’est pourtant simple de faire la différence entre un schtroumpf et un schtroumpf, autrement dit entre un escargot et un champignon, le résultat est sans appel: ce drôle de schtroumpf ne capte tout simplement pas la nuance. Et quand lui-même essaie de parler schtroumpf, personne ne le comprend… Et si le schtroumpf inconnu avait été envoyé dans le village par l’infâme Gargamel? Ce ne serait pas la première fois que le méchant sorcier façonne un faux schtroumpf pour essayer de tromper les petits lutins bleus. Mais il n’en est rien: après vérification par le Grand Schtroumpf en personne, il apparaît que ce visiteur mystérieux est bel et bien un vrai schtroumpf. D’où vient-il alors? Pour le découvrir, la schtroumpfette décide de prendre les choses en main. Son idée est simple. « Pour schtroumpfer qui tu es, il faut schtroumpfer d’où tu viens. Tout le chemin que tu as parcouru, on va le faire à l’envers », propose-t-elle. Accompagnée par le schtroumpf costaud et le schtroumpf à lunettes, elle s’élance sans hésiter dans les branches du grand arbre millénaire qui surplombe le village pour essayer de retrouver des indices sur l’identité du schtroumpf amnésique qui ne parle pas le schtroumpf. Mais elle est loin de se douter que leur chemin sera semé d’embûches, de créatures effrayantes… et de vieilles connaissances!

Après Spirou, Lucky Luke ou Thorgal, c’est au tour des schtroumpfs d’être revisités et remis au goût du jour. A l’instar de ce qui s’est fait pour d’autres héros mythiques de la BD franco-belge, Le Lombard a en effet décidé de lancer la collection « Les Schtroumpfs vus par… », une série d’albums one-shots dans laquelle des auteurs triés sur le volet auront carte blanche pour réinterpréter les lutins bleus de Peyo à leur manière. Pour inaugurer cette nouvelle collection, dont l’objectif est de miser sur la qualité plutôt que la quantité, les clés du village des schtroumpfs ont été confiées à Tebo, dont le nom avait été proposé par les héritiers de Peyo eux-mêmes. Et on peut dire qu’ils ont eu du flair, car c’est une vraie réussite! « Qui est ce schtroumpf? » est un album jouissif, dans lequel Tebo parvient à respecter l’univers immédiatement reconnaissable et très codifié des schtroumpfs, tout en le revisitant à sa sauce et en lui donnant un fameux coup de jeune. A priori, on aurait pourtant pu penser que l’humour scatologique et moqueur de l’auteur de « Captain Biceps » (avec Zep) et « Raowl » n’allait pas coller avec l’univers créé par Peyo, mais il n’en est rien. L’auteur français avait déjà démontré sa capacité à moderniser des personnages mythiques dans « La Jeunesse de Mickey » et il refait le coup avec les schtroumpfs, notamment grâce à des dialogues pleins de second degré et de clins d’oeil à d’autres séries. C’est drôle, c’est léger, ça se lit d’une traite. Bref, cela donne l’impression d’une grande facilité. Et pourtant, Tebo a sué sang et eau pour accoucher de cet album.« Quand on me propose les Schtroumpfs, fort de mon expérience sur Mickey, je me dis que ça va être facile », explique-t-il. « Mais en fait, ça fait des mois que je refais les pages. Je retravaille tout en permanence. Des dialogues, des angles, des gueules. » Car en réalité, cela s’avère très compliqué de conserver la lisibilité de son récit quand on doit utiliser le mot « schtroumpf » dans toutes les phrases. A l’image du schtroumpf inconnu, le lecteur peut vite être complètement perdu. Pour éviter ça, Tebo a utilisé une méthode très simple: il a fait relire son récit par son fils de 8 ans. « Du coup, je n’ai gardé que l’essentiel », dit-il. « Je veux que tout soit clair dans l’humour. Il ne faut jamais qu’on s’arrête sur une bulle. » Après cet excellent premier album signé par Tebo, on attend maintenant de voir quels autres auteurs oseront s’attaquer à l’univers de Peyo. Il est notamment question de Zep, l’auteur de « Titeuf », ou de Nob, l’auteur de « Dad », mais rien n’est certain pour le moment.