Quand le lion veut sauver l’hippopotame

Mademoiselle Sophie ou la fable du lion et de l’hippopotame (Zabus – Hippolyte – Editions Dargaud)

Romain a 11 ans, bientôt 12. Il est à l’âge où l’on n’est plus tout à fait un enfant, mais pas encore complètement un adolescent. L’année prochaine, il traversera la rue pour rejoindre le gros bâtiment d’en face, celui du collège. Forcément, ça l’inquiète un peu. Mais pour le moment, ce qui l’inquiète surtout, c’est l’évolution physique de mademoiselle Sophie, son institutrice bien-aimée. Depuis qu’il la connaît, elle a toujours été plutôt ronde, mais ces dernières semaines, Romain ne peut s’empêcher de remarquer que l’embonpoint de sa maîtresse d’école préférée semble encore plus prononcé qu’avant. Elle a même de plus en plus de mal à monter les escaliers. Lorsqu’elle arrive devant la classe, elle est complètement essoufflée. Romain s’inquiète de voir les autres élèves se moquer d’elle, même si elle-même ne se fâche jamais et continue à aider tout le monde comme elle l’a toujours fait. Révolté, Romain brûle d’envie de se transformer en superhéros pour voler au secours de son institutrice, mais il n’ose pas intervenir. Et il s’en veut de ne pas avoir le courage nécessaire. Malgré tout, il est déterminé à faire quelque chose, car il devine qu’il y a chez Mademoiselle Sophie un mal-être et une mélancolie qu’il n’arrive pas à comprendre. « Pourquoi est-ce que ce n’est plus comme avant? », se demande le jeune écolier, qui sent que beaucoup de choses sont en train de lui échapper au fur et à mesure qu’il entre dans l’adolescence. Il aimerait bien en parler avec quelqu’un, mais ses parents ne sont pas vraiment à l’écoute, trop accaparés par leur travail, leur téléphone ou la télévision. Heureusement, Romain peut compter sur sa grande sœur Louise, qui lui manque beaucoup depuis qu’elle est partie à l’université mais qui revient à la maison tous les week-ends. Il peut tout lui dire et elle le comprend « mieux que lui-même ». Quand il lui fait part de ses inquiétudes, elle lui suggère de mener une enquête sur mademoiselle Sophie pour essayer de comprendre ce qui cloche. C’est comme ça que le petit Romain va se glisser dans le quotidien de son institutrice et découvrir à quoi ressemble le monde des adultes…

Quand le lion veut sauver l’hippopotame

Le titre complet de ce conte moderne est « Mademoiselle Sophie ou la fable du lion et de l’hippopotame ». Le lion, ou plutôt le lionceau, c’est Romain, un enfant sensible qui perd petit à petit son insouciance en ouvrant les yeux sur les coulisses de la vie des adultes. Quant à l’hippopotame, c’est mademoiselle Sophie, une instititutrice dévouée et généreuse qui se réfugie dans l’alimentation pour enfouir un immense mal-être… Et ce qui est merveilleux dans cette histoire, c’est que c’est le lion qui vient en aide à l’hippopotame. Une nouvelle fois, le duo formé par le scénariste belge Vincent Zabus et le dessinateur français Hippolyte fonctionne à merveille, comme cela avait déjà été le cas pour « Les Ombres » et « Incroyable! », leurs deux précédents albums ensemble. Zabus, qui est lui-même enseignant mais qui est aussi un homme de théâtre, a un véritable don pour s’attaquer à des sujets essentiels que peu de scénaristes osent évoquer. Dans « Mademoiselle Sophie », le scénariste aborde ainsi avec beaucoup de pudeur et d’humanité le thème compliqué de l’obésité, en trouvant les mots justes mais aussi les bons personnages pour nous amener à changer notre regard sur les personnes en surpoids. Zabus nous propose un récit tout en tendresse et en délicatesse. Au passage, il rend aussi un bel hommage à tous ces enseignants qui changent la vie de millions d’enfants à travers le monde et dont on n’imagine pas toujours qu’ils ont une vie à côté de l’école, avec ses joies et ses peines. Le récit concocté par Zabus est magnifiquement mis en images par Hippolyte, dont les dessins sont eux aussi pleins de poésie et de finesse. Comme à son habitude, il a réalisé pour cet album de merveilleuses planches à l’aquarelle, avec de très jolies couleurs qui renforcent le côté authentique et humain de cette BD. Ses dessins créent une véritable ambiance, à l’image de la couverture. Au final, cela donne un album extrêmement touchant qui parle du surpoids, mais aussi du passage de l’enfance à l’adolescence.