Celle qui n'avait pas peur de Cthulhu

Celle qui n'avait pas peur de Cthulhu
Celle qui n'avait pas peur de Cthulhu
Qu’est-ce qui est vert, pèse 120 000 tonnes, pue la vase, n’a pas vu le ciel bleu depuis quarante siècles et s’apprête à dévaster le monde ? Ingrid n’en a aucune idée. Et elle s’en fout. Autant dire que lorsque des hurluberlus lui annoncent qu’elle est le Centre du pentacle et que la résurrection de Cthulhu est proche, ça la laisse de marbre. Jusqu’à ce que les entités cosmiques frappent à sa porte...
Celle qui n'avait pas peur de Cthulhu
Pourquoi ce livre ? Découvert avec Le Club des punks contre l’apocalypse zombie, Karim Berrouka est devenu une référence en matière de lecture déjantée et réfléchie. Depuis je fais le tour de sa bibliographie, mais c’est bien les punks cités qui emportent ma préférence.
Ce n’est pas Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu qui changera ce favoritisme. Car c’était très divertissant mais il me reste un arrière-goût amer, je n’ai pas retrouvé les critiques approfondies de notre société. Pourtant il y en a, c’est certain, mais elles sont plus discrètes, diluées dans la narration. Reste donc le côté déjanté, propre aux romans de cet auteur. Eh bien malheureusement j’ai été une fois de plus déçue sur cette caractéristique reconnue (pourtant j’étais en vacances lors de ma lecture donc j’étais réceptive !). Déjantée, ça l’est, mais de façon assez peu crédible. Que cinq communautés - sectes ! - tournent autour de l’ ”héroïne” donne du rythme, du rebondissement et un peu de manipulation, de sorte qu’on n’est jamais au bout de nos surprises. Mais l’effet est gâché par les pensées, répétées plusieurs fois au cours du roman, d’Ingrid, qui admet que les personnages sont totalement timbrés mais que ça insuffle un vent de folie, d’action, de hasard dans sa vie et donc elle les suit sans réfléchir, alors même qu’elle ne se sent pas concernée par leurs théories. De fait, quand elle commence à s’impliquer, je trouve que c’est retourner sa chemise trop précipitée, de façon trop peu cohérente. Énième déception. A cause de ces deux constatations, je ne me suis pas sentie impliquée dans ma lecture. J’ai lu le roman avec plaisir, c’est divertissant et rythmé, on ne s’ennuie pas une seconde. Mais je n'ai pas forcément eu le sentiment de voguer dans un roman de Karim Berrouka.
Pour le côté Cthulhu, il faut être extrêmement patient. Dans une grande partie du récit, le retour de ce démon horrifique sert surtout de prétextes pour les cinq sectes d’approcher, d’aborder, de se mettre Ingrid dans la poche. On ronge notre frein tout en souriant à plusieurs reprises, il faut le reconnaître. En revanche, la fin à partir de l’apparition du monstre est parfaite. J’ai perçu toute la documentation de l’auteur autour de ce mythe et il a parfaitement rendu compte des descriptions horrifiques de Lovecraft, à un point où j’avais l’impression d’être plongée dans le roman originel. La fin rattrape le résultat assez mitigé de ce qui précède.
Ingrid n’est pas une héroïne qui m’a convaincue. Je comprends que sa vie soit peu clinquante et attirante mais elle a des idées et des actes qui ne concordent pas… D’un côté, elle juge les différentes sectes comme des fous voire des cons selon les personnages et leur croyance, or elle se dit “oh c’est pas grave, ça apporte de l’action à ma vie” et donc elle les suit. C’est tellement pas cohérent que j’ai grimacé à chaque fois que le paradoxe était assumé dans la narration. De là, je n’ai pas pu m’attacher à cette héroïne trop changeante, peu réfléchie. Par contre j’ai bien aimé Tungdal, qui connaît une belle évolution. Je ne pensais pas que cet ancien ex reviendrait autant dans l’intrigue, avec un rôle majeur. D’abord fou, il apporte en fait bon nombre de solutions et de conseils, j’ai beaucoup apprécié cette pirouette. Quant aux sectes elles-mêmes, il y en a trop selon moi. Ok, plus il y en a, plus le rythme s’impose et plus on peut jouer sur les rebondissements. Mais j’étais perdue dans qui était qui, qui pensait quoi, qui voulait quoi. Ça a fini par casser mon rythme de lecture et ça a accentué mon détachement à l’ensemble.
Le style d’écriture fut en revanche fidèle à mon souvenir. D’une part ça se lit tout seul, c’est très rythmé, efficace. D’autre part, ça amplifie le côté déjanté par cette remarque totalement décalée, burlesque. C’est notamment pour cette facilité de lecture que je suis allée au bout de ce roman.
Celle qui n'avait pas peur de Cthulhu
Une lecture divertissante mais décevante. Cthulhu est trop discret selon moi, davantage un prétexte qu’une réelle partition à l’intrigue. Ingrid est une héroïne inconséquente, détachée de tout mais qui veut quand même le fin mot de l’histoire. Trop de sectes également, si bien que c’est difficile de jauger le degré de critiques pour ne pas alourdir le texte. Or ici c’est l’inverse, les remarques acerbes sont trop ponctuées pour être véritablement mordantes. Bref, beaucoup de défauts pour une intrigue rythmée et un style efficace. Ce n’est pas le meilleur de l’auteur, je conseille de ne pas commencer par celui-ci. De mon côté il me reste un roman à lire, je le tenterai probablement l’an prochain.
Celle qui n'avait pas peur de Cthulhu
14/20
Celle qui n'avait pas peur de Cthulhu

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois