Le musée des contradictions d’Antoine Wauters

Le musée des contradictions, Antoine Wauters, Editions du sous-sol, mars 2022, 106 pages.

Moi qui suis pétrie de contradictions, je ne pouvais que me retrouver dans ce livre. La première nouvelle m’a cueillie pour m’emmener là où j’avais envie d’être bousculée. Et la seconde m’a bouleversée par ce qu’elle évoquait de ce que j’avais vécu et fait subir… Vous n’y comprenez rien, c’est normal. C’est tellement personnel. Car, c’est aussi ça la littérature. Des mots qui te remuent parce que tu as l’impression qu’ils ont été écrits pour toi. Alors, en deux mots, pour éclairer votre lanterne : dans ce second texte, un vieil homme fuit avec quelques autres l’Ehpad des Six myrtilles.

« A croire qu’ils se moquent de nous ! Le ridicule des noms de résidence pour vieux, mon amour… »

Ce texte oscille entre vitupérations contre un système et poésie du souvenir, avec une magnifique déclaration d’amour à celle qui n’est plus. « Qui a dit que vieillir, c’est oublier ? »

« Pendant dix ans, ils ont placé des bavoirs autour de chacun de mes repas, mis des pailles dans l’eau à la grenadine de mon vin, et m’ont aboyé dans les oreilles pour que je reste tranquille. Ils disaient que j’étais agité, que j’étais dur de la feuille, que j’avais perdu la boule et que la maladie de la mémoire m’avait atteint. T’ai-je dit que pendant tout ce temps tu n’as pas quitté mes pensées, Lucia ? »

Ces douze textes ne sont pas vraiment des nouvelles, mais plutôt des monologues enragés. Avec l’utilisation du « nous » collectif, l’auteur libère les paroles. Ça bouscule, ça remue, ça dérange, ça gratte, et c’est ça qui est bon !

De l’amertume de l’enfant qui subit la violence d’un père, aux regrets des femmes d’avoir mis des enfants au monde, ce livre est un manifeste pour un monde meilleur. Les mots de Wauters, on a envie de les lire à voix haute, de les cracher à la face du monde pour essayer de redonner du sens à nos vies.

Et cette nouvelle adressée à Dieu de celles qui arrivent au paradis, celles qui ont vécu dans le respect de la religion, dans le silence, qui n’ont pas osé, mais qui n’ont pas écouté non plus leurs enfants, celles qui ont travaillé dans la recherche, sur les textes anciens, loin du présent de notre société, celles qui ne peuvent même pas offrir trois euros à la main tendue qui leur demande, parce qu’il est pauvre, parce qu’il est peut-être chinois ou coréen, parce qu’il les gêne, là, sur leur chemin, parce qu’il est un caillou dans leur chaussure, parce qu’il met en évidence leurs petites contradictions. J’ai envie de la lire, de la déclamer, de l’offrir à voix haute et intelligible à tous ceux dont les oreilles sont prêtes à écouter ce qui dérange.

Questionnements, remises en cause, dénonciations, et surtout des réflexions. Oui, c’est noir, oui c’est désespéré, mais c’est le reflet de notre monde, de notre société, de ce que les hommes ont fait et laissent aujourd’hui à nos enfants, parce que «l’avenir est dans le regret ».


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois