Dark Bane, tome 1 : La Voie de la destruction - Drew Karpyshyn

Dark Bane, tome 1 : La Voie de la destruction - Drew KarpyshynDark Bane1, Drew Karpyshyn

La Voie de la destruction

 Editeur : Pocket

Nombre de pages : 395
Résumé : Pour échapper à un sinistre destin dans les mines d’Apatros, Dessel, un mineur à la constitution exceptionnelle, décide de rejoindre les rangs de l’armée Sith. Sa vivacité d’esprit, sa remarquable maîtrise de la Force et ses faits d’armes brillants attirent sur lui l’attention des Maîtres du Côté Obscur qui l’envoient sur Korriban, berceau des Sith. Il y poursuit son enseignement et embrasse alors sa nouvelle identité : Bane, apprenti hors pair et esprit dissident, dont le seul but est de créer une nouvelle ère de pouvoir absolu. Et pour servir ses sombres desseins, il n’hésitera pas à sacrifier sa propre confrérie, afin de mieux la faire renaître de ses cendres… - Un petit extrait -

« Il était le seul Seigneur Noir des Sith, le dernier de son espèce. La charge de reconstruire l'ordre lui incombait maintenant. Mais cette fois-ci, il ferait comme il l'entendait. Au lieu d'une multitude, il n'y aurait que deux Sith : un Maître et son apprenti. Le premier pour incarner le pouvoir, le second pour le convoiter. »
- Mon avis sur le livre -

 Peu après Noël, tandis que je me promenais dans mon paisible petit village, une scène m’a longuement fait réfléchir : deux enfants, sabres laser flambants neufs fièrement dressés, étaient en plein conciliabule pour décider en avance de l’issue du combat à venir … A vrai dire, ils n’ont pas eu à débattre bien longtemps : le petit Sith en herbe a déclaré « je suis le méchant, je suis plus fort, je gagne », et le petit Jedi a vivement approuvé « ouais, les gentils ils gagnent jamais », avant de protester « mais la prochaine fois c’est moi le méchant ! ». Les gentils ne gagnent jamais, les méchants sont les plus forts. Quelle drôle de philosophie pour des enfants de sept ans ! Lorsque j’avais leur âge et que les autres enfants et moi jouions à Star Wars au terrain de jeu (avec des branches en guise de sabres laser), tout le monde voulait être un brave et noble Jedi, et non un vicieux et sanguinaire Sith : certains rentraient même chez eux en boudant si le tirage au sort les avait désigné comme méchants ! Les choses ont décidément bien changé, en l’espace de quinze ans : visiblement, désormais, les enfants sont bien plus fascinés par le Côté Obscur que par le Côté Lumineux ! Mais en observant les romans de l’Univers Etendu … je pense qu’on peut dire que ce n’est pas seulement les enfants : on suit bien plus de « héros » Siths que de Jedi ! Et je me demande bien ce qu’il faut en conclure sur notre monde …

Comme son ivrogne de père avant lui, Dessel trime du matin au soir au cœur des mines, à extraire à coup de marteau-piqueur le si précieux mais si résistant cortosis. Comme son ivrogne de père avant lui, Dessel trime nuit et jour pour tenter de rembourser sa dette à la Compagnie Minière. Mais contrairement à son ivrogne de père, Dessel compte bien quitter cette planète désolée un jour ou l’autre : il le sent au plus profond de son être, son destin n’est pas de pourrir ici. Prenant son mal en patience, Dessel attend le jour où prendra fin cette existence de misère et de servitude : son étrange instinct ne lui a jamais fait défaut. Mais voici qu’un jour, Dessel est contraint de fuir précipitamment Apatros : pour éviter que la justice de la République ne lui mette le grappin dessus pour avoir assassiné l’un de leurs officiers (peu importe que cela soit de la légitime défense), le mineur rejoint les rangs de l’armée Sith. Devenu sergent de la Marche Obscure, troupe d’élite de la Confrérie des Ténèbres, Dessel est cette fois-ci bien loin d’anticiper le nouveau tournant que va prendre son existence : lorsqu’il est mis aux arrêts pour insubordination (peu importe que sa mutinerie ait évité un échec cuisant à la Marche Obscure), l’ancien mineur ne voit pas d’autre issue que la mort … Mais à sa plus grande surprise, le voici envoyé à l’Académie Sith de Korriban, pour faire partie de l’élite de la Confrérie des Ténèbres : un Seigneur Sith. L’ascension de Dark Bane a commencé …

Qui dit « Star Wars » dit généralement « action » : on s’imagine aussitôt des batailles spatiales trépidantes, des combats acharnés au sabre laser, quelques explosions spectaculaires pour faire bonne mesure … Si c’est là tout ce que vous venez chercher dans un roman estampillé « Star Wars », je crains que celui-ci ne vous apporte pas entière satisfaction : l’auteur nous offre ici un récit qui se rapproche bien plus du roman initiatique qu’autre chose, même s’il nous accorde quelques scènes de bagarre pour ne pas trop nous dépayser. La sempiternelle lutte entre le Côté Lumineux et le Côté Obscur n’occupe ici qu’une place secondaire, à l’arrière-plan : le véritable enjeu est tout ailleurs, bien moins ostensible, bien moins visible. Tandis que cette guerre s’éternise et s’enlise, tandis que d’un côté comme de l’autre les forces se rassemblent et misent sur la même stratégie, celle de la force du nombre, pour prendre l’ascendant sur son adversaire, le jeune Dessel, devenu Bane, entame son apprentissage. Il traine derrière lui les souvenirs âpres d’une enfance abusée, d’une vie toute entière de rude labeur, de misère, d’avilissement, de servitude. Il aurait pu, comme tant d’autres, comme son propre père, se laisser briser par cette existence morne et monotone, pénible et humiliante. Sombrer dans l’alcool, dans la frénésie des jeux et le cercle vicieux des dettes qui n’en finissent pas de grossir jusqu’à perdre tout espoir de pouvoir les rembourser un jour. Jusqu’à perdre tout espoir tout court.

Mais Dessel a toujours su qu’il n’était pas comme tous les autres : il ne finira pas comme eux, asphyxié par la poussière des mines et les dettes écrasantes. Il en est intimement convaincu : il est promis à un brillant avenir, il accomplira de grandes choses. Il ne sera pas un mineur anonyme parmi des milliers d’autres : on se souviendra de lui. Ce refus de se lamenter sur son propre sort, cette détermination à améliorer sa condition ne peuvent que forcer l’admiration … Mais il y a chez Dessel une noirceur qui ne trompe pas, une violence contenue qui ne fait aucun doute : c’est bien par le Côté Obscur qu’il se laissera attirer. Sa force de caractère s’accompagne d’un mépris dédaigneux pour ceux qui sont plus faibles que lui : selon lui, qui a su gardé la tête haute en dépit de toutes les humiliations, ceux qui se laissent broyer par l’accablement et la lassitude ne méritent aucun respect. Le fort survit, le faible périt. Autant dire qu’il avait déjà tout compris avant même d’intégrer l’Académie Sith … Il ne mettra d’ailleurs pas bien longtemps à saisir que les « Seigneurs Sith » se sont eux aussi égarés, qu’ils ont piétinés les préceptes du Côté Obscur, englués dans leur obstination à anéantir l’Ordre Jedi. Loin de se laisser berner à son tour par les beaux discours et les enseignements vides de sens de ces Maitres aveuglés et fourvoyés, Bane réalise qu’il est de son devoir d’expurger le Côté Obscur de cette gangrène, de le ramener à sa grandeur passée. Lui, Dark Bane, sera le premier d’une nouvelle génération de Sith, puissants, craints, invincibles.

Mais avant d’en arriver là, notre anti-héros doit embrasser tout entier le Côté Obscur. Il doit se débarrasser des derniers reliquats de doute ou de culpabilité, mais aussi les ultimes traces d’attachement ou de loyauté. Il doit se libérer des dernières entraves qui l’empêchent de devenir un véritable disciple du Côté Obscur. Et cela ne se fait pas sans heurt, sans douleur : si Bane s’apprête à devenir l’un des Siths les plus implacables, sournois et ambitieux de toute l’histoire du Côté Obscur, il n’en reste pas moins avant tout un jeune homme avec ses peurs et ses faiblesses. Bane ne se transforme pas du jour au lendemain en Parfait Grand Méchant : cela se fait doucement mais sûrement. Et c’est très précisément cela que j’ai trouvé si intéressant dans ce roman : j’ai beau désapprouver les choix de Bane, je peux les comprendre, car ils ne tombent pas de nulle part. Ils s’insèrent dans un cheminement psychologique très juste et suffisamment lent pour être profond. De Dessel à Bane, de Bane à Dark Bane, la transition se fait très subtilement : aussi surprenant que cela puisse paraitre au vue du contexte, j’ai eu en tête cette image fort poétique de la chrysalide qui se fait papillon, imperceptiblement. On ne peut discerner le moment où s’opère la transformation, même en observant attentivement : on ne peut que la constater le moment venu, lorsqu’il est déjà trop tard pour comprendre comment on en est arrivé là. Je dois vraiment avouer être très agréablement surprise, car je ne m’attendais pas à une telle finesse dans un roman « Star Wars » !

En bref, vous l’aurez bien compris, cette trilogie commence très fort, et même si j’étais plutôt « blasée » à l’idée de suivre encore une fois un disciple du Côté Obscur, je dois vraiment reconnaitre avoir été bluffée par ce premier tome. Je trouve ça fascinant de voir (re)naitre l’Ordre Sith tel qu’on peut le connaitre dans les films, d’apprendre comment est (ré)apparue cette fameuse « Règle des Deux » (que nous allons visiblement explorer plus encore dans le second opus, si j’en crois le titre). On sort vraiment du schéma horriblement manichéen du Bien contre le Mal, des Ténèbres contre la Lumière, on sent qu’il y a une véritable tension à la limite de la dépendance entre les deux : l’un ne peut en réalité pas exister sans l’autre, et en s’efforçant de s’éliminer mutuellement, ils risquent bien, effectivement, de disparaitre l’un et l’autre. Loin de sombrer dans la facilité en nous présentant un Méchant Pur et Dur, l’auteur nous invite à faire la connaissance d’un jeune homme tourmenté, tiraillé entre l’ambition et la certitude d’être amené à faire de grandes choses, et la crainte de son propre pouvoir et de ses propres actions. Certains trouveront assurément cet opus ennuyeux, car l’auteur nous propose effectivement quelque chose de relativement « calme » et donc d’irrémédiablement « lent », mas pour ma part, je l’ai trouvé particulièrement passionnant. Et pour ne rien gâcher, l’auteur a une très belle plume : on est dans un style vraiment soigné, délicat, presque noble, qui ajoute encore plus de profondeur au récit, et c’est fort bienvenu !


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois