Là où chantent les écrevisses - Delia Owens *****

Voilà, j'ai acheté et lu Là où chantent les écrevisses en connaissance de cause, à savoir que je ne prenais aucun risque à me faire du bien tant cette histoire est encensée par la blogosphère (enfin la partie de la blogosphère que je fréquente). Oui j'ai volontairement pris aucun risque parce qu'il n'y a pas de mal à se faire du bien, parce que mon cerveau mérite de lire une telle œuvre complète, somptueuse, subtile, riche avec une héroïne sublime dans sa différence et dans son courage, une survivante comme je les aime. Bref, vous l'aurez compris, j'ai été absolument conquise et je sais déjà que Là où chantent les écrevisses est mon livre de l'année 2022 (oui, 2022 vient à peine de débuter et c'est déjà fini pour mon podium. En ces temps de Jeux Olympiques chinois, c'est ballot mais c'est ainsi !)

Là où chantent les écrevisses - Delia Owens *****

Là où chantent les écrevisses narre l'histoire de Kya, une toute jeune fille abandonnée à son père violent et alcoolique, par sa mère qui le fuit pour espérer vivre. On y découvre les élans de survie de la petite méritante qui va déployer des trésors d'ingéniosité pour survivre, se protéger des ondes malfaisantes (et on verra qu'elle va en rencontrer un certain nombre).

Si on avait à résumer en un mot Là où chantent les écrevisses, le mot solitude conviendrait assez bien. je pense même que ce roman exploite ce thème à fond et montre à quel point l'isolement social et physique que subit Kya façonne son caractère et son comportement anthropologique, son rapport aux autres (les autres au sens large : les animaux, la faune et la flore des marais, les humains). 

Sans rien dévoiler du livre exceptionnel qui doit garder tout son mystère à tout lecteur tenté, Là où chantent les écrevisses est un roman complet : on passe du romanesque, à la poésie, au polar ; on voyage et on apprend la contemplation du silence ; on s'émeut de la rencontre de toutes les solitudes des incompris ou ostracisés (Kya, Tate, Jumping). Dans ce roman, il y a des images fantastiques : les premières approches par des plumes, les premiers mots lus, les remplissages de bidons d'essence pour bateau sources d'émancipation retrouvée, le mariage vu par les oies sauvages... Et puis, il y a Kya une héroïne globale, mouvante et émouvante, ambiguë, géniale.  

J'ai tout absolument tout aimé dans ce roman naturaliste. Delia Owens, dont Là où chantent les écrevisses est le premier roman (et quel roman !), a un vrai don pour rendre son histoire plausible et cohérente, l'enrichit d'informations scientifiques sans paraître pompeuse. Chaque élément contribue à ancrer l'histoire dans le réel. Il y a  un travail bibliographique et scénaristique monstrueux : le récit ne manque pas de souffle et se visualise parfaitement. Il y a un travail remarquable aussi sur les thèmes : mine de rien, Delia Owens parle de la séparation physique entre les hommes et les femmes dans les bars, l'absence de fréquentation entre les Noirs et les Blancs dans les années 1950 aux États-Unis, de la violence scolaire et des codes sociaux, du déclassement social avec un mariage malheureux, de la nature fragile et pure, encore et toujours. Avec Kya, on navigue dans le marais, on l'explore : les oiseaux deviennent ses amis, et les nôtres par la même occasion. On peut reprocher l'angélisme de Delia Owens, l'extraordinaire capacité de Kya à dépasser tout, à survivre à tout si petite si frêle. On peut lui reprocher mais je ne le ferai pas parce que Delia Owens m'a complètement embarquée avec elle dans son monde, dans celui de Kya, elle m'a offert des moments rares de lecture que je voudrais vivre souvent, elle m'a surprise, elle m'a scotchée : j'adore sa façon de glisser un indice et puis de le noyer (bravo d'ailleurs au traducteur Marc Amfreville), j'adore sa façon de rythmer l'intrigue en mettant deux histoires parallèles (l'évolution de Kya, l'enquête sur le décès d'un homme), j'adore surtout sa façon de raconter.

J'ai volontairement traîné ma lecture pour ne pas quitter Kya, Tate, Jumping, Mabel trop tôt et j'ai quitté ce beau monde avec un vrai déchirement. C'est plutôt bon signe (oui, je sais être maso !).

Un conseil : lisez ce roman ! 

Editions du Seuil

Traduction remarquable de Marc Amfreville

Evasion musicale : Lovely - cover d'Albina Grčić et de Filip Rudan

Le hit original (interprété par Billie Eilish et Khalid) ci-dessous :


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