La Horde du contrevent – Alain DAMASIO

Par Lamouche

La Horde du contrevent
Par Alain DAMASIO
Chez Folio (SF)

Avertissements de contenu : violence généralisée, violence infantile, torture, sexe.

Un groupe d’élite, formé dès l’enfance à faire face, part des confins d’une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l’origine du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un nœud de courage : la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromètre et géomètre, feuleuse et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d’un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou.


On sait jamais où on va se faire embarquer avec Alain Damasio. Plutôt dans l’année, j’ai lu son roman Les Furtifs, merveille d’inventivité et de poésie. Je me devais donc lire La Horde du contrevent, le roman qui l’a fait connaître.

Alain Damasio joue de nous, on ne sait pas si c’est de la science-fiction ou de la fantasy ce qu’on lit. Ce doit être la première fois que je lis de la science-fantasy (c’est le mot) aussi pointue. Enfin, deuxième fois, Les Furtifs rentrant également dans le genre.
N’ayant lu que du Damasio, j’ai aucun outil de comparaison. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il faut s’accrocher pour réellement entrer dedans. On nous balance comme ça dans la Horde, la Horde qui marche déjà depuis prêt de trente ans, Horde aussi hétéroclite que soudée. Il y a vingt-trois personnages, cela implique donc avoir vingt-trois point-de-vue, vous voyez donc en quoi il est compliqué d’entrer dans ce roman ? Mais une fois la barrière passée, une fois qu’on a assimilé qui est qui, plus besoin de faire des allers-retours entre la liste des personnages et la page que l’on lit.
Alain Damasio a ce style particulier qui est très brut, surtout qu’il écrit pas mal de personnages qui le sont eux-mêmes, cela se ressent dans les mots que nous lisons. Prenons Golgoth, le traceur, celui qui est débout face aux vents les pluies puissants, celui qui fait office de phare de la nuit. Le type est une ordure, il est misogyne, il est aigri par sa quête, il ne veut qu’avancer, avancer et encore avancer. Avancer dans cette traine qu’est leur univers, traine balayée par les vents. Il faut aller à l’extrême-amont, il faut découvrir là où nait ce vent qui déracine tout. Le Golgoth, il a une pensée brute, une pensée qui le traverse de part en part pour venir s’écraser sur le lecteur.
Il y a des personnages plus poétiques, moins brutes, le troubadour Caracole et ses contes merveilleux ou encore Steppe le fleuron qui devient de plus en plus végétal… La poésie est là mais elle se fait écraser par la réalité brute de ce monde qui semble sans fin.

Chose que j’avais déjà reproché à l’auteur dans ma lecture des Furtifs, les hommes ont ici une place écrasantes, les femmes sont désignées comme « femelle », bonne à soigner, à nourrir et à réchauffer, que ce soit en allumant un feu ou en écartant les cuisses. Seule Oroshi, aéromaîtresse, a une vision plus glorieuse. Mais elle n’est presque pas femme, froide et distante, imbibée de connaissances secrètes. La place des femmes dans les romans d’Alain Damasio est problématique ce qui est vraiment dommage. Si la science-fiction offre une terre de critique à la société actuelle, la fantasy peut s’en libérer. Alain Damasio n’a pas fait ce choix et c’est dommage.
La fin de La Horde du contrevent m’a également paru brutale. Brutale parce qu’elle signifie, brutale face à l’idiotie de cette quête. Une fin que j’avais espéré, une fin que j’avais imaginé, une fin fade. J’ai lu qu’Alain Damasio avait prévu de faire de ce romain le début d’une trilogie et je trouve que cela se ressent dans cette fin, fin coup de poings malgré tout. J’aimerai en savoir plus, j’aimerai en lire un peu plus sur ce personnage qui clôture le récit. Je suis laissé sur ma faim, je suis laissé sur mes questionnements et c’est terriblement frustrant !

La Horde du contrevent est un très bon roman, il n’y a pas à dire. Mais il ne fait plus son temps, il m’a cassé à plusieurs reprises dans ma lecture par certains aspects que j’ai cité plus haut. Malgré tout, La Horde du contrevent reste une merveille dans le monde de la littérature de l’imaginaire. C’est un sacré challenge de faire vivre autant de personnages, autant de voix, challenge réussi haut la main par Alain Damasio.