Comme nous existons, de Kaoutar Harchi

Comme nous existons, de Kaoutar Harchi

Comme nous existons, de Kaoutar Harchi, Actes Sud, 2021, 140 pages.

L’histoire

BlablaKaoutar Harchi mène dans ce livre une enquête autobiographique pour saisir, retranscrire au plus près cet état d’éveil, de peur et d’excitation provoqué, dit-elle, « par la découverte que nous – jeunes filles et jeunes garçons identifiés comme musulmans, que nous le soyons ou pas d’ailleurs – étions perçus à l’aube des années 2000 par un ensemble d’hommes et de femmes comme un problème. » Un livre où l’amour filial et l’éveil de la conscience politique s’entremêlent dans une langue poétique et puissante.Blabla

⭐⭐⭐⭐⭐

Note : 5 sur 5.

Mon humble avis

Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud pour l’envoi de cet ouvrage en échange d’une chronique honnête.

J’ai déjà eu l’occasion d’écouter l’autrice dans le podcast Quoi de Meuf ou la lire dans BALLAST et La Déferlante et j’étais ravie de pouvoir découvrir son premier récit autobiographique.

J’ai beaucoup apprécié la lecture de Comme nous existons, qui m’a énormément touchée par les sujets qu’il aborde mais aussi par l’écriture de Kaoutar Harchi, travaillée pour accompagner et appuyer l’histoire. Au fil des pages, l’autrice nous conte sa famille, à travers ses parents, Mohamed et Hania, mais aussi elle-même et son enfance, ses relations avec elleux et avec les autres personnes de son entourage.

À la lecture, on est plongé⋅es dans la vie de cette famille, avec les deux parents qui font tout pour que leur fille ait le meilleur avenir possible, quel qu’en soit le coût. Kaoutar est ainsi envoyée en collège privé, ses parents suivant les conseils qu’iels entendent à la télévision ou ailleurs qui stipulent que mieux vaut éviter les écoles publiques remplies de « voyous ». Bien entendu ces présumés « voyous » ne le sont que dans les yeux des personnes racistes qui voient dans les jeunes hommes arabes – particulièrement de milieu populaire – un danger.

J’aurais voulu lui parler, lui dire que ces garçons, je les côtoyais, je jouais avec eux, je les aimais bien. Lui dire, aussi, que ce que conseillaient ces gens – m’éloigner de mon monde et des miens – trahissait, au vrai, la haine. Leur haine. Leur haine des garçons arabes, des arabes tout court, et que c’était de ces gens qu’il fallait se méfier. Au fond d’elle, je sais que Hania le savait. Jamais, au vrai, elle n’avait été dupe de ces gens qui, parlant des nôtres – ne laissez pas votre fille fréquenter ces jeunes –, nous révélaient, sans le vouloir ni même le savoir, ce qu’ils pensaient de nous. Mais je vous l’ai dit : Hania avait peur. Je le comprenais à ses yeux qui s’allumaient et s’éteignaient en un même regard. Telle était son expérience de mère arabe, dans ce pays. Une expérience de la peur, et cela d’autant plus fortement à l’approche de moments où une décision relative à mon avenir devait être prise.
p. 28

Grâce aux événements marquants de son enfance et de son adolescence, Kaoutar Harchi nous présente toute la violence qui a pu peser sur sa famille : toutes les injonctions faites à ses parents pour assurer le meilleur avenir possible à leur fille, toutes les agressions racistes « ordinaires » qu’elle a pu subir à l’école avec par exemple cette professeure qui la présente à une classe de terminale comme une bête de foire parce qu’elle est arabe, ou encore la violence de la police. Tous les jeunes, tous les enfants qui sont morts à cause de policiers, et les rassemblements de mères du quartier qui ont lieu ensuite pour manifester contre cette violence. Les événements sont tellement bien décrits qu’on n’a aucun mal à partager la colère de ces femmes, et de ces personnes plus largement.

Si je n’ai pas du tout les mêmes expériences que l’autrice en terme de racisme et de discrimination face à ses origines (vu que je suis blanche avec un nom très blanc), je me suis en revanche beaucoup reconnue dans son vécu une fois qu’elle arrive à l’université et le décalage qu’elle ressent vis à vis de sa famille dans un sens, en atteignant une position sociale plus élevée que ses parents, et dans l’autre sens, vis à vis d’autres étudiant⋅es de milieux plus favorisés qui ont un capital culturel tout autre, et ont toutes les connaissances nécessaires pour arriver là où iels veulent (passer par des grandes écoles par exemple).

Je recommande cette très belle lecture, qui se fait vite mais avec grand plaisir. Et si vous souhaitez en savoir plus, je recommande également l’épisode du podcast Kiffe ta Race où Kaoutar Harchi a été l’invitée de Rokhaya Diallo et Grace Ly pour parler de l’« Assignation raciale, les maux pour le dire », où elle présente notamment son livre.

Petite note sur l’édition elle-même : on regrette que le livre commence par une page « Du même auteur » alors qu’il s’agit d’une autrice… Actes Sud, vous pouvez faire bien mieux !

Trigger warnings : violences racistes, mention de suicide, emprisonnement, morts, islamophobie.


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