Legend, tome 1 - Marie Lu

Legend, tome 1 - Marie LuLegend1, Marie Lu

 Editeur : Le livre de poche Jeunesse

Nombre de pages : 383

Résumé : June est un prodige. A quinze ans, elle fait partie de l’élite de son pays. Brillante et patriote, son avenir est assuré dans les hauts rangs de l’armée. Day est le criminel le plus recherché du territoire. Né dans les taudis qui enserrent la ville, il sévit depuis des années sans que les autorités parviennent à l’arrêter. Issus de deux mondes que tout oppose, ils n’ont aucune raison de se rencontrer... jusqu’au jour où le frère de June est assassiné. Persuadée que Day est responsable de ce crime, June se lance dans une traque sans merci. Mais est-elle prête à découvrir la vérité ?

- Un petit extrait -

« En vérité, la République n'a pas la moindre idée de ce à quoi je ressemble. Elle ne sait pas grand-chose sur moi, sinon que je suis jeune et que mes empreintes digitales ne figurent pas dans leurs bases de données. C'est la raison pour laquelle le gouvernement me déteste. Je ne suis pas le hors-la-loi le plus dangereux du pays, mais je suis le plus recherché. Je suis la preuve vivante que le système n'est pas parfait. »
- Mon avis sur le livre -

 Petit conseil bien avisé : ne jamais me lâcher dans une bourse aux livres, surtout si vous espérez y trouver vous-même quelques livres à vous mettre sous la dent. En l’espace d’un petit quart d’heure, je suis capable de dévaliser totalement les rayonnages « jeunesse », « young adult » et « SFFF », trainant derrière moi deux énormes sacs de courses remplis à ras bord et trois fois plus lourds que moi (car les livres, ça pèse) … Autant vous dire que les organisateurs de la bourse aux livres annuelle de mon ancienne vallée m’aimaient autant qu’ils me détestaient : d’un côté, je faisais rentrer des tas de petits sous dans la caisse et débarrassais les vendeurs d’une bonne partie de leurs livres, mais de l’autre, il fallait me réserver une caisse à moi toute-seule et prévoir du temps pour venir à bout de toutes mes emplettes ! Mais aussi, comment résister à des livres en parfait état à 50 centimes ? Dans certains cas, ils étaient même en meilleur état que lorsque je les achète neuf en librairie, pour tout dire ! C’est le cas de la trilogie Legend : 1€50 pour le lot de trois romans immaculés, semblant sortir tout droit de l’imprimerie ! Si ça, c’est pas de la bonne affaire, faut me dire ce que c’est !

En dépit de ses très nombreuses incartades, June est la petite fierté de la République : elle est la seule à avoir obtenue un sans-faute à l’Examen, est entrée dans la plus prestigieuse université du pays à douze ans au lieu de seize, a sauté la deuxième année et continue à avoir des notes outrageusement mirobolantes … Bien déterminée à servir son pays, la jeune fille sait qu’un brillant avenir l’attend dans les hauts rangs de l’armée. Mais tout bascule le jour où son frère ainé, la dernière famille qui lui reste depuis la mort de leurs parents, est tué au cours d’une banale mission de surveillance à l’hôpital. Chargée de l’enquête, June se met en chasse : elle traque Day, le criminel le plus recherché et le plus insaisissable de tout le pays. En réalité, nul ne sait vraiment à quoi ressemble ce fameux Day dont June admire secrètement les exploits sportifs, mais tout le monde sait quels sont ses crimes : incendie, vol, destruction de matériel militaire, entrave à l’effort de guerre contre les Colonies … Tandis que l’adolescente avide de vengeance se jette à ses trousses, Day n’a quant à lui qu’une seule idée en tête : il doit à tout prix se procurer des remèdes pour son petit frère avant qu’il ne soit emporté par l’épidémie qui décime chaque année les habitants des bas quartiers …

Je pense que j’aurai beaucoup plus apprécié ce livre si je n’avais pas lu auparavant un si grand nombre de dystopies young-adult … En effet, ce n’est pas un mauvais roman dans l’absolu, mais il est tellement « classique » pour ne pas dire « banal » voire « cliché » qu’il m’a laissé ce petit arrière-gout de « déjà vu et revu des dizaines de fois ». Prenez les deux protagonistes : d’un côté, vous avez la jeune fille surdouée issue des milieux aisés, patriote endoctrinée jusqu’au bout des ongles, prête à donner sa vie pour servir son pays, et de l’autre, vous avez le rebelle mystérieux, né dans les quartiers pauvres, défenseur de la veuve et de l’orphelin … Je suis sûre que vous aussi, rien qu’en lisant ça, vous vous doutez déjà que ça va se terminer en romance complétement improbable et rocambolesque. Et c’est vraiment, à mes yeux, le plus gros défaut de cette histoire : d’avoir sombré dans cette mouvance absolument ridicule de faire systématiquement tomber amoureux deux adolescents que tout oppose, et surtout que tout destinait à se haïr pour ne pas dire s’entretuer. Mais vous comprenez, June est si belle que Day « en oublie tout le reste », et June n’a « jamais rencontré quelqu’un d’aussi beau » que Day … non mais pitié, pas ça, ils me semblaient tous les deux assez intelligents et réfléchis pour ne pas devenir gaga à la vue de l’autre !

Mais si on excepte cet énorme défaut, le reste est plutôt fort sympathique. Le contexte n’est qu’esquisser, décrit suffisamment pour que le lecteur ne se sente pas perdu, mais suffisamment peu pour maintenir un peu de mystère et d’incertitude … Nous comprenons rapidement que la « République » est un régime militaire et totalitaire qui se défend de l’être, que l’épidémie touche les plus pauvres alors que les riches reçoivent un vaccin chaque année, que les Colonies et les Patriotes sont les ennemis jurés de la République … Nous ne savons pas comment ni pourquoi les Etats Unis d’Amérique ont cédé leur place à cette République, nous ne savons pas vraiment comment est apparu cette épidémie et même ses symptômes précis, nous ne savons pas l’idéologie des Colonies ni même la philosophie des Patriotes … Nous savons juste que June fait partie de la fine fleur de la République et que Day fait partie des hors-la-loi qui s’opposent à cette même République. Cela peut sembler frustrant, au premier abord, de n’avoir que si peu d’informations, d’explications, mais c’est finalement fort efficace : notre attention ne se porte que plus naturellement encore sur nos deux jeunes héros, qui malgré un manque frappant de défauts n’en restent pas moins particulièrement attachants.

Et cela d’autant plus que, d’une certaine façon, ils sont tous les deux victimes. C’est très flagrant pour Day, qui a eu la malchance de naitre au mauvais endroit, « là où pullulent les mauvais gènes », qui n’a jamais su faire profil bas et rentrer dans le moule pour ne pas s’attirer d’ennui … On ne peut qu’avoir de la peine pour ce jeune homme qui a dû se résoudre à changer d’identité, à laisser sa famille croire qu’il est mort, à les observer de loin sans pouvoir les aider, mais qui, malgré tout ce qu’il a vécu, prend sous son aile une petite orpheline myope comme une taupe, sort du guêpier une jeune fille dont il ne connait absolument rien … Il fait certes un peu trop « Robin des bois », mais ce petit côté chevaleresque le rend finalement fort sympathique aux yeux du lecteur. Et en face de lui, nous avons June. Au début, on ne peut que la trouver tout bonnement insupportable, cette adolescente privilégiée, qui prend tout le monde de haut car elle est plus intelligente et plus douée que la moyenne. Mais il y a un petit quelque chose qui la rend profondément humaine et particulièrement émouvante : c’est son amour pour son frère ainé, et cette tristesse qui la ravage à la mort de ce dernier. Et même si cette souffrance se transforme en colère, même si cela va la pousser à faire des choses terribles qui vont faire souffrir d’autres personnes, on ne peut que compatir à sa peine …

Surtout que, comme on peut s’en douter lorsqu’on débute une dystopie, et comme on le soupçonne assez rapidement, June va découvrir que les choses sont rarement telles qu’elles semblent l’être, que les choses sont rarement aussi manichéennes (d’un côté le bien et les gentils, de l’autre le mal et les méchants) que ce qu’on a toujours voulu lui faire croire. Si certaines « découvertes » et « révélations » sont quelque peu évidentes et donc très prévisibles, si ce n’est pas sur le fond que le lecteur est surpris, c’est par la forme : j’ai beaucoup apprécié comment June, doucement, va se rendre compte que les choses sont beaucoup plus complexes, et qu’elle ne doit plus croire aveuglément tout ce qu’elle considérait comme absolument acquis. C’est quelque chose que j’aime beaucoup chez June : elle est certes surdouée, elle est certes intelligente, mais elle n’en reste pas moins assez naïve, assez innocente finalement. Et même si certains trouveront sans doute qu’elle est trop candide, je trouve cela très touchant, parce que ça montre bien qu’au fond d’elle, elle est douce et gentille, puisqu’elle ne soupçonne jamais le mal, le mensonge, chez autrui. Et c’est ce que j’ai trouvé le plus intéressant, finalement, voir comment June va doucement se rapprocher de la vérité que l’on devine au bout du tunnel …

En bref, vous l’aurez bien compris, ce que je reproche à ce premier tome, c’est vraiment d’être tombé dans les pires travers de la dystopie young adult avec cette romance tirée par les cheveux … Mais pour le reste, j’ai plutôt bien aimé, car même si un bon nombre de révélations restent très prévisibles pour le lecteur familier du genre, c’est suffisamment bien écrit pour que l’on se laisse totalement prendre au jeu. J’aime énormément l’alternance de points de vue entre les chapitres, j’aime aussi beaucoup le fait que ces-dits chapitres soient très courts : on est vraiment dans un récit très dynamique, très rythmé. Il n’y a aucun temps mort, aucune longueur, bien au contraire, on pourrait même trouver que tout va un tantinet trop vite, que les choses se dénouent bien trop rapidement … On aurait finalement apprécié que le récit compte une petite centaine de pages supplémentaires pour mieux poser les choses, mieux les approfondir, car on reste dans quelque chose d’assez superficiel, sans doute parce qu’il s’agit plus d’une introduction que de l’histoire à proprement parler … Affaire à suivre, mais une chose est sûre, j’ai justement très envie de découvrir la suite, donc c’est que l’affaire est gagnée pour l’autrice malgré ces quelques détails un petit peu dérangeants !


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois