Les djihadistes aussi ont des peines de cœur de Morgan Sportès

Par Isa S.

Éditeur : Fayard
Parution : 18/08/2021
Nombre de pages : 416
Genre : littérature française

L'auteur :


Né en 1947 à Alger, Morgan Sportès est l'auteur de 20 livres. Ecrivain traduit dans de nombreuses langues, ce dernier a reçu plusieurs distinctions pour ses ouvrages, notamment le Prix Interallié en 2011. Ses romans "L'appât" (1990) et "Tout, tout de suite" (2011) ont été portés à l'écran.

Quatrième de couverture : 

Septembre 2012. Une grenade est jetée dans une épicerie casher du nord de Paris:  un blessé léger. Les coupables sont une bande de jeunes âgés de la vingtaine. Tous convertis ou revenus à l’Islam. Leur idole est Mohammed Merah. Ils veulent déclencher en France (et en Syrie, contre «  l’hérétique Bachar  ») la lutte armée. Au demeurant ils n’ont ni les moyens intellectuels ni matériels de leur combat. Ce sont des pieds-nickelés du djihad dont tous les coups foirent…

Cette épopée à la fois tragique et burlesque (qui ne précède que de trois ans les attentats du Bataclan) permet à Morgan Sportès de mettre en scène dans une fiction « au ras du réel » une série de personnages dont il restitue, à travers les dialogues à la langue souvent savoureuse, les fantasmes politico-religieux. Il nous convie à leur table, au Kebab du coin, nous faisant partager leurs problèmes économiques ou amoureux : entre l’«  héroïsme de la kalachnikov  » et les couches-culottes du bébé qu’on n’a pas les moyens de se payer. Il nous fait entrer aussi dans leurs familles, déchirées par l’engagement du fils, où les pères, redoutés jadis, perdent pied. Il croque ainsi, dans un style hyperréaliste – et sombrement ironique toujours – une galerie de portraits inquiétants : le visage d’un pays mal connu qui est le nôtre pourtant, la France du XXIe siècle mondialisé.

Mon avis : 

A nous aussi, il nous reprochait de sortir de façon trop découverte, poursuit la mère, Renée. Il se souciait de ce que "les gens" pourraient dire. Moi, je lui rétorquais vertement que je l'acceptais comme il était et qu'il devait m'accepter comme je suis ! Point barre ! "Est-ce que tu veux que ta mère porte la burqa, non ?"

Joël Jean Gilles alias Abbas, métis issu d'une famille de catholiques pratiquants, meurt sous les balles de la police quelques jours après avoir commis un attentat à la grenade contre une épicerie juive. Une victoire pour celui qui désirait ardemment mourir en martyr et un déchirement pour ses parents qui ne comprennent pas ce geste sacrificiel. Enfant plutôt tranquille, ce dernier plonge dans les mauvaises fréquentations et la drogue dans l'adolescence. Ce délinquant à la petite semaine aurait trouvé la lumière et se serait converti à l'islam radical lors d'un bref séjour en prison, suite à une inculpation liée à la vente de stupéfiants. Ce roman nous relate la dégringolade du jeune homme et de "ses frères et sœurs" radicalisés, français de souche pour la plupart et de confessions religieuses initiales diverses, qui ont basculé dans l'intégrisme par désœuvrement, manque de repères, besoin de reconnaissance non satisfait, mimétisme… On suit les différents protagonistes de ce drame annoncé dans leur mode de vie, leurs déambulations, leurs idéologies et leurs projets insensés jusqu'à leur chute finale et inéluctable !
Rédigé à la manière d'un compte rendu journalistique, ce roman réaliste teinté d'humour sombre se lit comme un reportage, émaillé des témoignages de l'entourage, des différents témoins et acteurs de ce drame, de comptes rendus d'audience Immergeant le lecteur dans l'univers d'apprentis djihadistes jocrisses, l'auteur nous plonge avec crudité dans leur quotidien, nous familiarisant avec le langage tribal (parfois plutôt vert) de cette inquiétante fratrie (kouffar, bête de beubar, noichi) et d'anecdotes parfois insolites sur leurs rites et habitus.

Un voyage au pays des radicalisés aussi hallucinant que terrifiant et hilarant. A lire !