Le trône de fer, tome 2 : Le donjon rouge - George R.R. Martin

Le trône de fer, tome 2 : Le donjon rouge - George R.R. MartinLe trône de fer2, George R.R. Martin

Le Donjon rouge

 Editeur : J’ai lu

Nombre de pages : 541

Résumé : Jouet de perfides intrigues nouées dans l'ombre autant que de grands seigneurs qui n'attendent qu'une occasion pour se rebeller, Eddard Stark, main du roi, tente d'y faire régner l'ordre et la justice au nom de son souverain... Mais ses efforts semblent vains. Car comment protéger le roi Robert Baratheon des complots alors que celui-ci n'aspire qu'à braver le danger ? Comment imposer la paix à des barons qui ne rêvent que de batailles et de pouvoir ? Et de plus, comment résister à cet engrenage infernal alors qu'au-delà des mers, une armée s'assemble pour fondre sur le royaume ?

- Un petit extrait -

« La plupart d’entre nous ne possédons pas tant de force d’âme. Que pèse l’honneur, contre l’amour d’une femme ? Que pèse le devoir, contre un nouveau-né qu’on étreint…, ou contre le souvenir d’un frère qui sourit ? Du vent, des mots. Des mots, du vent. Nous ne sommes que des créatures humaines, et les dieux nous ont créés en vue de l’amour. C’est là notre auguste gloire, là notre auguste tragédie. »
- Mon avis sur le livre -

 Prudence est mère de sureté, assenait mon arrière-grand-mère. Suivant ses conseils avisés, j’attends généralement d’avoir lu et apprécié le premier tome d’une saga avant d’acheter les tomes suivants : inutile de dépenser de l’argent pour des livres que je ne lirais jamais, ou alors à contrecœur ! Il m’arrive cependant, de temps à autre, de piétiner allégrement cette prudence savamment entretenue, et de tenter un coup de poker … C’est ce qui s’est passé pour Le trône de fer : alors même que je n’avais aucune certitude que le premier opus allait me plaire, j’ai tout de même acheté le coffret contenant les trois premiers tomes. Je dois avouer qu’à la fin du premier, je le regrettais quelque peu : ça n’avait pas été une mauvaise lecture, loin de là, mais ça ne m’avait pas non plus transcendée autant que je l’espérais vu la popularité de la saga et de la série … Toutefois, possédant donc le deuxième tome, j’ai décidé de donner sa chance à ce dernier, et j’ai drôlement bien fait, car il est clairement meilleur que le premier !

Cela faisait bien longtemps que le Royaume des Sept Couronnes n’avait pas connu pareils troubles ! De partout, la discorde sème ses graines : jeux de pouvoir, soifs de vengeance et rêves de gloire germent dans les cœurs et les esprits des puissants de ce monde. Ici, c’est Catelyn Stark qui détient le rejeton Lannister, ce dernier étant menacé par la folie furieuse du petit sire des Eyrié. Là, c’est Eddard Stark qui se débat avec son foutu titre de Main du Roi, obligé de gouverner à la place de ce dernier qui s’en va chasser le sanglier alors que sa propre femme lui fait des enfants dans le dos – plus ou moins littéralement – et que le mystère qui entoure l’assassinat de son prédécesseur s’apprête à être levé. Ailleurs, c’est le jeune Robb Stark qui, du haut de ses quinze ans, veille farouchement sur le domaine et l’honneur familial et de voit contraint de prendre de lourdes décisions pour son jeune âge. Encore plus loin, c’est Jon Snow qui se trouve à la croisée des chemins : l’heure de prononcer ses vœux approche, mais le jeune bâtard se débat encore avec sa conscience pour savoir ce qu’il doit faire …

Tandis que le premier tome restait très introductif, présentant progressivement au lecteur quelque peu perdu la foule immense de protagonistes qui font et sont l’histoire (et l’Histoire), ce deuxième opus rentre enfin dans le vif du sujet : la guerre. Terminés, les ronds de jambe à la Cour. Achevés, les luttes à l’épée de bois. Envolés, les tournois festifs. Tout n’est désormais plus que trahisons et machinations, tandis que chacun œuvre dans l’ombre pour assouvir ses sombres desseins et dissimuler ses obscurs secrets. Car autour du trône, rien n’est jamais ce qu’il semble être : on ne peut se fier à personne, même et surtout pas à soi-même. Car que valent vos belles valeurs, que vaut votre bel honneur, quand la survie de ceux qui vous sont chers est en jeu ? quand on vous promet miséricorde pour mieux vous poignarder dans le dos une fois que vous vous serez parjuré ? comment faire le bon choix lorsque votre cœur est tiraillé entre deux voies opposées ? existe-t-il seulement une bonne décision à prendre, ou n’est-ce qu’une illusion pour soulager notre conscience ? Chapitre après chapitre, nous voyons nos protagonistes se débattre avec ces divers questionnements, avec leurs doutes, leurs espoirs, leurs peines. On en plaint certains, et d’autres moins, mais une chose est sûre : on tourne chaque page avec une appréhension et une fascination croissantes.

Car disons-le clairement : d’un côté, on ne peut qu’être effrayé par cette escalade de violence et on la déplore, mais de l’autre, on sent bien que la guerre est inévitable, qu’il faut qu’elle éclate comme l’orage qui couve pendant des semaines de canicules avant de déverser son tonnerre fracassant sur le monde. Le Royaume est gangréné par les ressentiments et les ambitions, par l’amertume et la convoitise. Il y a les derniers Targaryens, exilés au loin, bien décidés à reprendre le trône qui leur revient de droit. Il y a la reine et ses inavouables secrets qui ne rêvent que de voir la couronne sur la tête de son rejeton. Il y a les Stark qui se débattent entre leur honneur et leurs impulsions belliqueuses. Il n’y a, finalement, ni gentils ni méchants : il n’y a que des hommes et des femmes convaincus que leur voie est meilleure que celle du voisin, il n’y a que des hommes et des femmes qui font tout ce qu’ils peuvent pour survivre et/ou assouvir leurs pulsions et passions. C’est une histoire qui ne montre clairement pas le meilleur de l’être humain, qui montre bien plus le côté sombre qui se cache au cœur de chacun : dans un monde impitoyable où le fort survit et le faible meurt, où les rivalités entre les maisons dictent les agissements de chacun depuis des générations, où les alliances se font et se défont selon ce que chacun peut en retirer personnellement, il faut se battre pour rester en vie. Il faut vaincre, à n’importe quel prix.

Quand on y réfléchit, cela peut sembler assez horrible d’apprécier ce genre de récit. Mais je pense vraiment que si on se laisse tellement happer par cette histoire, c’est avant tout parce qu’elle est remarquablement bien menée et racontée. Alors bien sûr, la fluidité de la traduction laisse toujours à désirer, mais cela n’empêche désormais plus de savourer pleinement ce remarquable roman-choral, où les destinées individuelles s’entremêlent pour former une immense trame. Si cela peut perturber au début, il y a vraiment quelque chose de fascinant à suivre cette grande Histoire en suivant les petites histoires de chacun, du plus puissant au plus humble. On apprécie tout autant suivre Catelyn ou Robb que Bran et Arya, quand bien même ces deux derniers ne jouent pas un rôle actif dans cette intrigue et ne sont finalement que des victimes collatérales de ces cruels jeux de pouvoir et de vengeance. On se sent quelque peu privilégié d’avoir une vue aussi globale de toute cette affaire, alors que chacun des protagonistes n’en connait qu’une infime partie. Et le plus incroyable finalement, c’est que subtilement mais joliment, on sent que la narration s’adapte intimement au personnage dont nous suivons le moins de vue : c’est très discret, justement car c’est bien fait !

En bref, vous l’aurez bien compris, je suis vraiment heureuse d’avoir laissé sa chance à cette saga alors que le premier opus ne m’avait pas pleinement convaincue … En effet, ce deuxième tome a su rattraper le coup : c’était vraiment super palpitant ! On se laisse vraiment porter et transporter par cette histoire aussi sombre que puissante : on se laisse prendre au jeu, finalement, et on meurt d’envie de savoir comment toute cette sombre histoire va bien pouvoir se terminer. On commence vraiment à comprendre qu’il ne faut s’attacher à personne, que l’auteur n’hésitera jamais à tuer allégrement des personnages jusqu’alors principaux, qu’il n’épargnera personne et surtout pas son lectorat. Et c’est justement parce qu’on subit les mêmes pertes que les personnages qu’on se sent étrangement si proches d’eux, alors que nous n’avons absolument rien en commun avec eux. Mais le plus dingue, c’est que même si on sent que ce n’est que le début, que le pire reste encore à venir, on ne peut tout de même pas s’empêcher d’avoir envie de découvrir cette suite. Parce qu’une fois qu’on s’est laissé happé par Le trône de fer, rien à faire, on ne peut plus faire marche arrière …


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois