C'est lundi, que lisez-vous? #335

Ce rendez-vous hebdomadaire consiste à vous présenter chaque lundi mes lectures passées, en cours et à venir en répondant à trois questions :-)

ALBUM JEUNESSE

C'est lundi, que lisez-vous? #335

Lou et le doudou. Texte de Sandra LE GUEN et Audrey CALLEJA. Éditions Casterman Jeunesse, collection "Les petites étapes de Ma Grande Vie", 3 mars 2021

Une couverture douce et veloutée, un nom de collection qui confiant et bienveillant, un dessin réalisé aux crayons de couleurs, d'abord minimaliste et pourtant plein de détails, quelques mots de l'autrice à la fin et un format idéal pour une histoire d'apprentissage mignonne comme tout.

Lou adore son doudou Bébert, un doudou qu'elle emmène partout et pour tout et qui bien sûr, s'imprègne d'odeurs et taches diverses... Lorsque les parents de Lou décident de le laver, c'est le drame!

Ainsi suivons-nous Lou et Bébert dans leur quotidien, leurs petites habitudes et l'espièglerie de la fillette une fosi son doudou retrouvé.

Beaucoup de douceur se dégage de cet album.

ROMANS JEUNESSE

C'est lundi, que lisez-vous? #335

La Ligue des Amis Imaginaires.Agnès MAROT. Éditions Magnard Jeunesse, février 2021

Lina se sent seule. Elle se connecte à toutes sortes d'heures du jour et surtout de la nuit à des forums divers, sur les réseaux sociaux ou un site de partage d'écrits. Elle y inscrit son malaise, sa solitude, son envie de se défouler. Peu ou pas de réponses lui parviennent, sans que ça ne donne une suite quelconque. Jusqu'à ce message de "Pathetik" sur le forum du jeu des Trois Mousquetaires qui, sans être amical, a le mérite d'enclencher une conversation et de lui faire faire connaissance avec Astria, une jeune fille atteinte de phobie sociale qui habite dans le sud de la France.

Dans le même temps, une réponse parvient à Lina sur le forum d'Ados.com. Elle vient de Shanti, un garçon qui habite Bali et qui apprend le français avec son voisin expatrié qui l'emploie dans sa société de plongée sous-marine. En parallèle, il continue ses études et rêve de quitter son île, pour la plus grande incompréhension de ses parents.

Avec et autour de Lina, une amitié se construit. Entre Astria et Lina, entre Lina et Shanti, un peu plus difficilement entre Astria et Shanti, et entre eux trois, qui forment La Ligue des Amis Imaginaires. Ils s'échangent des recettes, des conseils pour faire face à certaines situations, s'échangent des éléments et expressions culturelles, découvrent d'autres modes de vie, surtout avec Shanti... et se rendent compte que finalement, même si beaucoup de choses les éloignent (à commencer par la distance), leurs préoccupations et espoirs sont similaires.

Ce roman interroge sur ce qui fait l'amitié, de quoi elle se compose, s'il faut se voir en vrai, ou si le virtuel n'a pas finalement plus d'avantages? Par l'abolition des distances géographiques et horaires, par l'ouverture au monde que notre société encourage, nos rapports à l'Autre ont changé, évolué. La définition de l'amitié aussi?

Au-delà de cet aspect premier, c'est l'acte d'écriture et le rapport aux mots qui sont mis en avant. Ils échangent sur des forums en messages privés, par mails groupés ou non, par SMS aussi. C'est tout notre rapport à la communication et à ses différents vecteurs qui est pensé et cela se voit dans la forme. En effet, le roman reproduit l'écran d'une boîte mail, d'un téléphone pour les sms, ou d'une page de blog / You Tube... Les trois ados se rendent vite compte, avec l'aide/l'incompréhension de Shanti qui n'est pas francophone, de l'importance du choix des mots, de leur impact et compréhension. Ils n'utilisent pas de langage SMS et très peu de smileys. Ils se posent de vraies questions existentielles, et si l'anonymat et/ou le fait d'être derrière un écran les met en confiance par rapport aux menaces "traditionnelles", ils en ressentent aussi les limites: lorsque Lina ne leur écrit pas pendant longtemps, ils n'ont aucun moyen de savoir ce qu'il se passe; pas plus qu'ils ne peuvent deviner les émotions réelles des interlocuteurs puisque chacun choisit de dire ce qu'il veut bien partager.

J'ai beaucoup aimé ce roman, sa mise en page comme les questions sociétales qu'il soulève.

C'est lundi, que lisez-vous? #335

20 ans pour devenir... Martin Luther King. Rolande CAUSSE. Oskar Editeur, 2016

La collection a pour ambition de présenter l'enfance des grands noms de l'Histoire, parce que leur engagement a pris racine durant leurs jeunes années, les auteurs nous les retranscrivent avec les exemples reçus, les injustices subis, les prises de position voir d'opposition.

Ainsi Rolande Causse nous emmène-t-elle à Atlanta dans la maison des King, de la naissance en 1929 de Michael King Junior aux prémices de son engagement pour le Mouvements des Droits Civiques en devant Pasteur, comme son père et son grand-père maternel avant lui.

Elle nous décrit sa famille et son histoire, la rencontre entre ses parents, les caractères de chacun, ce que tous et individuellement ont apporté à Michael, le changement de nom et pourquoi, son rapport aux mots, ses différents travails dans différents Etats de l'Amérique, sa vocation...

Et c'est passionnant!

ROMAN

C'est lundi, que lisez-vous? #335

Nickel Boys. Colson WHITEHEAD. Editions Albin Michel, août 2020

Pour écrire son roman, Colson Whitehead s'est basé sur des faits réels de violence malheureusement trop ordinaires à l'égard des Noirs durant la ségrégation, et après, mais surtout de l'histoire d'une maison de correction pour garçon révélée il y a peu et qu'il a découverte en 2014. Il s'agit d la Dozier School for Boys, à Marianna, en Floride.

A partir des révélations faites, il a construit un récit au cœur des années 1960 dans lequel Elwood Curtis, jeune garçon Noir abandonné par ses mère et père, élevé rigoureusement par sa grand-mère maternelle Harriet, intelligent et accepté à l'université, a été envoyé à l'Ecole Nickel suite à un terrible malentendu. Le roman ne s'attarde pas sur le procès, bâclé, mais s'attache à nous décrire ce qui désormais fait la vie d'Elwood, où, comment, avec qui.

Il nous décrit les lieux, les différents travaux dans l'école (il s'y trouve une imprimerie grâce à laquelle Nickel gagne beaucoup d'argent) mais aussi en-dehors pour le compte de particuliers Blancs attachés à Nickel par toutes sortes de liens; les privations alimentaires, d'hygiène, d'instruction (Nickel se revendique comme étant une école et reçoit des subventions pour cela!); les différentes attitudes à adopter en présence des différents surveillants; les corrections en cas de manquements au règlement que personne n'a jamais vu mais que tous se doivent de connaître; les supplices (l'Allée des Amoureux, les cellules, la Maison-Blanche, le Fond...); les différents moments qui rythment la vie de l'école et l'année (les Festivités de Noël illuminées et qui engrangent de généreuses sommes d'argent; le match de boxe annuel, Blanc contre Noir); les trafics et détournements dont l'administration profite pleinement; les rapports entre les garçons... Elwood est un garçon calme, rigoureux, loyal, solide. De par l'éducation prodiguée par sa grand-mère et les épreuves rencontrées, il a une haute idée de la justice, les paroles de Martin Luther King l'accompagnent dans ses actes et, confronté à de nombreux dilemmes, y penser l'aide à tenir, à se fixer un objectif et à affronter. Pourtant, c'est cela aussi qui lui amène bien plus de problèmes que de consolation.

Ainsi se construit le roman qui débute à notre époque avec la découverte d'un cimetière illégal sur le terrain de l'Ecole, fermée trois auparavant. Des questions se bousculent, des témoignages émergent, des rencontres entre anciens "pensionnaires" avec pèlerinages s'organisent... A New-York, Elwood s'interroge sur ce besoin de remuer le passé, de revenir en ces lieux honnis, à cette emprise du passé sur le présent... Nous le retrouvons dans la dernière partie qui répond à ses questions, pour faire lien et œuvre de résilience.

Lors de ma première lecture, en septembre, à la sortie du roman, j'avais été déçue. Je ne retrouvais pas le souffle, l'envolée littéraires ressenties avec Underground Railroad (et que je retrouve en écrivant ces quelques mots). Peut-être en avais-je trop attendu, et cette déception me faisait culpabiliser, car Nickel Boys décrit (certes sous le couvert de la fiction) des choses atroces qui se sont réellement passées, qui perdurent et résonnent toujours dans les individus, familles et société actuelles, de manière tangible ou plus subtile. Et Colson Whitehead nous le décrit très bien dans sa dernière partie. Au-delà, il écrit sur tous ces traumatismes de l'enfance et de la jeunesse qui conditionnent la vie adulte, l'enferment dans des impossibles.

Je n'étais pas la seule à ressentir cela. Je me souviens que le roman avait beaucoup fait parler de lui, non pas à cause de son sujet (qualifié de redondant suite à Underground Railroad - mais n'y a-t-il pas encore tant à dire? Je doute qu'un tel sujet puisse être clos), ni pour la qualité de son écriture, mais parce que son auteur avait reçu, à nouveau, le Prix Pulitzer, qu'il avait déjà reçu pour son précédent roman. C'est maigre...

Je savais que je relirai ce roman (d'autant que j'aime relire les livres qui m'ont marquée ou pour lesquels j'ai le sentiment d'être passée à côté, souvent car ce n'était pas le bon moment). Dans le premier tiers de ma relecture, j'ai retrouvé cette distance qui m'avait tant décontenancée alors même que ce que les mots décrivaient me touchaient. C'est dû au choix des mots de l'auteur bien sûr. Peut-être aussi ai-je lu le roman moins vite, et j'ai eu le sentiment d'être plus attentive. Je savais ce qui allait advenir, peut-être est-ce pour cela. Et pourtant j'ai relu des passages entiers que j'avais totalement oubliés. La fin amène une révélation qui apporte beaucoup au récit.

Pour conclure, j'ai aimé ce roman grâce cette relecture qui m'a permis d'être touchée, sans (et je le regrette) être bouleversée. Il s'inspire de faits réels, et rien que pour cela, il je pense qu'il faut le lire.

BD

C'est lundi, que lisez-vous? #335

M.O.R.I.A.R.T.Y Tome 1/2 Empire mécanique. Duval & Pécau, Subic, Smulkowski. Editions Delcourt, août 2018

Un robot qui permet de gagner aux cartes, un être géant mi-homme mi-monstre abattu de sept balles dans une fumerie d'opium, et qui survit! la veuve d'Alfred Nobel qui vient rencontrer des financiers à Londres, Maître Utterson qui vient quérir l'aide de Sherlock Holmes quant au comportement étrange d'un de ses clients et amis, Sherlock qui enquête avec son frère Mycroft, un patronyme non nommé et auquel tout le monde pense, un ciel empli de zeppelin, des fiacres automatiques, une misère sociale... Voici de quoi est fait ce premier tome de M.O.R.I.A.R.T.Y qui entremêle des personnages de fiction à des scientifiques bien réels, avec une réalité historique, un univers steampunk, dans une intrigue policière et fantastique. Et c'est passionnant!

J'ai été embarquée dans cette histoire, enchantée d'y découvrir les multiples références et la manière dont elles s'enchâssent dans le récit. Le dessin m'a moins plu. les arrières-plans sont peu ou pas travaillés, les traits des visages comme des décors ou lieux à peine esquissés, il ne m'a pas toujours été possible de différencier les personnages ou d'en déceler leurs expressions faciales ou corporelles. Leurs traits sont souvent figés, ils m'ont fait pensé à des statues, le mouvement ne semble pas fluide, saccadé plutôt.

En contre partie, le travail sur les couleurs est superbe. Elles nous immergent dans cette atmosphère glauque, suintante, enfumée.

Je vosu en parlerai davantage en mars.

2/ Que suis-je en train de lire en ce moment?

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Les Croix de bois. Raymond DORGELES. Le Livre de Poche, 2010

Je le recommence aujourd'hui!

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Le Rouge et le Noir. Stendhal. Editions Belin - Gallimard, collection "Classico-lycée", mai 2019

Je reconnais n'avoir pas avancé dans ma lecture de ce roman qui est au programme du Bac Français de ma fille.

3/ Que vais-je lire ensuite?

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Royal Special School - Tome 1 - Frissons et plum-pudding. Nancy GUILBERT et Yaël HASSAN. Gulf Stream Editeur, 2021

Présentation de l'éditeur: "Foggy Island, Écosse. La Royal Special School, tout le monde en dit le plus grand bien. Pourtant Rose, qui vient d'y faire sa rentrée, est sur ses gardes.
Son grand frère, ancien élève, l'a prévenue : " la Royal, c'est l'enfer ! " Rose s'interroge : la colère de Marcus est-elle liée à la disparition inexpliquée de son ami Niven, dont tout le monde refuse de parler ?
De son côté, Virginia, jeune apprentie cuisinière, fait d'étonnantes rencontres qu'elle attribue d'abord à son imagination débordante. Qui sont ces drôles de personnages qui rôdent dans les couloirs ?
Bravant pièges, punitions, trahisons, Rose et Virginia vont tenter de percer les sombres secrets de la Royal Special School..."

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois