Les Bordes d’Aurélie Jeannin

Les Bordes d’Aurélie Jeannin

Gagné dans le cadre d'une Masse critique Babelio privilégiée, ce roman d'Aurélie Jeannin m'a d'emblée intriguée. Paru chez Harper Collins il y a une semaine, je l'ai également vu passer sur les réseaux sociaux, souvent assorti de la mention " Coup de cœur ". Pour ma part, je ne saurais dire s'il s'agit d'un coup de cœur, pas parce que je n'ai pas aimé, mais parce que ce roman m'a profondément bouleversée, à tel point que je ne peux pas lui coller d'étiquette pour l'instant.

Voici, avant tout, la quatrième de couverture :

Les Bordes, c'est un lieu et c'est une famille. En l'occurrence, sa belle-famille qui ne l'aime pas. Elle, Brune, le bouclier. Mère responsable, tenant solidement sur ses deux jambes, un œil toujours fixé sur le rétroviseur ou l'entrebâillement de la porte, qui guette, anticipe, tente de maîtriser les risques. Ce week-end, comme chaque année en juin, elle prend la route avec ses deux enfants pour rejoindre Les Bordes et honorer un rituel familial.
Pour celle qui craint chaque seconde l'accident domestique, Les Bordes ressemblent à l'enfer. Trop de jeux extérieurs, trop de recoins, de folles libertés. Trop de silence et de méchancetés à peine contenues. Trop de souvenirs. Aux Bordes, Brune saura-t-elle esquiver le pire ? Est-il possible pour une mère de protéger ses enfants ?
Derrière la mécanique du drame hasardeux et l'absence de bourreaux,
Les Bordes dresse un portrait de la famille, de la parentalité et de la maternité sans fard, grâce à une héroïne aussi troublante qu'humaine.

Les Bordes d’Aurélie Jeannin

Cette plongée dans les méandres des pensées de Brune n'est pas de tout repos. On y trouve tellement de choses mêlées : un amour maternel très fort, une pression professionnelle lourde, une vie de couple terne, une vie de famille sombre, des envies...humaines, dans toute leur violence. Brune est - ou se croit devoir être - avant tout une mère. Elle devient, de ce fait, son pire ennemi ; elle se juge, se condamne, se punit, se fait des engagements intenables et se culpabilise. Sa vie est celle de nombreuses mères, celles qui voudraient se conformer aux modèles de la bienveillance et de la fusion quand le quotidien est en réalité bagarres et négociations. Alors, oui, il lui arrive de vouloir être seule, de laisser ses enfants ailleurs, et parfois, de manière bien plus sombre, de les jeter par la fenêtre, mais le pire dans tout cela, c'est le poids de la culpabilité qu'elle ressent après.

Ce week-end-là, c'est le traditionnel week-end dans la belle-famille. Une corvée... Dans ce lieu resté sauvage, les êtres sont froids, distants, détestables, même quand on connaît le drame qu'ils ont vécu. Du trajet en voiture jusqu'au pique-nique en famille, nous devons composer avec toutes les angoisses de Brune, et elles sont nombreuses.

Si toutes les mères craignent naturellement pour la sécurité de leurs enfants, cette tendance devient maladive chez elle. Sa profession de juge d'instruction ajoute à cela la conscience des réalités les plus tragiques et injustes de notre société (tous ces enfants enlevés, violés, maltraités ou tués). Au début, on a tendance à la croire folle et puis on comprend... J'ai compris, mais je n'acceptais pas, jusqu'à ce que le passé nous soit révélé.

Brune est victime d'une maladie, d'un traumatisme et d'une injustice. Elle essaie de sortir la tête de l'eau mais ce retour aux sources est ce qu'il y a de pire pour elle. On sent qu'elle a envie de hurler, mais qu'elle ne le peut pas, on sent qu'elle a envie d'aimer mais qu'elle ne sait pas.

C'est, en cela, un roman oppressant. Bouleversant aussi, dans tout ce qu'il a de sincère au départ, et d'exagéré quand même, à cause d'événements liés à l'enfance. Pour éviter que le pire ne se reproduise, Brune va avoir à cœur d'empêcher le moindre mal. Mission impossible, mais est-il envisageable une seconde de l'accepter ? Les émotions (amour, haine, colère, amertume) affleurent dans ce texte au style incisif et touchant, je me suis sentie concernée, déboussolée, bousculée et dérangée. Mais c'est ça, aussi et surtout, la littérature !

Priscilla


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