La Trahison des Jacobins de Jean-Christophe Portes

Par Livresque78

A chaque fois que j'ai, dans ma pile, un des romans de la saga Victor Dauterive de Jean-Christophe Portes, c'est la même histoire ! J'attends... J'attends d'être disponible intellectuellement, parce que je sais que ça va foisonner, partir dans tous les sens : l'Histoire, les meurtres, les complots, le suspens. Et pourtant, chaque fois, au bout d'un ou deux chapitres, je sens que plus rien ne compte que Victor et ses comparses.

Dans ce tome, tout commence en juillet 1792 et se termine fin août. Et pourtant 400 pages ! Pas une seule pendant laquelle on a l'impression de prendre un cours d'histoire et pourtant quelle précision dans les dates, dans les faits. Je me suis sentie complètement immergée dans cette sombre période qui redevient, sous la plume de Jean-Christophe Portes, ce qu'elle é réellement été : pas un rassemblement populaire uni et justifié au rythme d'une Marseillaise à l'unisson, mais un terrible bain de sang, désordonné et pourri de l'intérieur par des ambitions personnelles et des complots. La trahison des Jacobins, c'est un polar haletant qui me permet de valider la catégorie " Frissonner sous un plaid " dans le menu " Hiver Obscur " du Cold Winter Challenge.

Encore une fois, l'auteur parvient à faire de la variation sur un thème apparemment unique, Révolution française et enquête policière. On retrouve Victor et Olympe comme on les a quittés, désespérés et à la recherche du petit Joseph. J'ai découvert alors un monde que je ne soupçonnais pas, celui du trafic d'enfants. La peinture de Bicêtre, sa maison de Correction, son asile et le quartier du Palais Royal, ses " bijoux ", ses " mignons " m'a glacé le sang. L'Homme y est dépeint comme le barbare qu'il peut être, mais surtout on se rend compte que souvent les plus affreuses réalités sont connues du plus grand nombre et que personne ne réagit. Une grande partie du roman est consacrée à ces enfants, mêlés à la cohue générale parce qu'ils n'ont plus rien, parce qu'ils ne peuvent qu'espérer un monde meilleur...quand on ne les a pas déjà réduits à l'état de jouets, de pantins qui n'ont même la force d'espérer.

Victor Dauterive, âgé alors de vingt ans, est un jeune homme déchiré. Fasciné par Olympe de Gouges, attiré et réfractaire à Charpier, chamboulé par les vrais idéaux révolutionnaires, mais pris de pitié pour la famille royale, méfiant envers l'Assemblée, déçu par La Fayette, Victor doit également se battre entre son envie de retourner Paris tout entière pour retrouver ce Joseph qu'il aime autant qu'il l'exaspère et son désir de vengeance contre ceux qui l'ont torturé, Dossonville et ses acolytes.

Olympe gagne encore en force. Personnage central, autant pour ce qu'elle fait que pour ce qu'elle représente. Elle est le symbole de tout ce qu'il reste à faire, mais aussi la Cassandre de tout ce qui va arriver, cette femme entre deux âges, entre deux mondes, entre deux époques. Amour, amitié, croyances, tout se mélange dans ses sentiments pour Joseph, pour Victor, pour Paris. Elle confère à l'ensemble de l'œuvre une dimension supplémentaire, une dimension humaine.

C'est encore bien du danger qui se dessine sur le chemin de notre héros qui perd peu à peu sa naïveté devant la déchéance et l'horreur de la nature humaine. En devenant un homme, sur bien des points dans ce tome, Victor va devenir une figure qui compte, au lieu de rester l'instrument des Grands. L'on sent bien dans son regard sur tout ce qui se passe les horreurs qui s'annoncent encore avec les décapitations de la famille royale, puis la Terreur et l'on comprend que Jean-Christophe Portes a encore des centaines de choses à nous raconter... Alors pour ma part, je me réjouis ! Parce qu'en plus de tous ces points positifs, chaque opus me semble meilleur que le précédent. Vivement la suite, donc !...

Priscilla

Retrouvez ici mes chroniques sur les précédents tomes : L'Affaire des corps sans tête L'Affaire de l'homme à l'escarpin La Disparue de Saint-Maur L'Espion des Tuileries