La réconfortante "Forêt" de Thomas Ott

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"La forêt" de Thomas Ott. (c) Ed. Martin de Halleux.


Virtuoses de l'édition images de toute grande qualité, mise en page et impression soignées, papier à grain, encrage dense,  les Editions Martin de Halleux entament une nouvelle collection dédiée à des récits en images sans paroles appelée "25 images".  A ses auteurs de remplir le contrat établi par le graveur belge Frans Masereel (1889-1972) dans son livre "25 images de la passion d'un homme" (1918), le premier roman graphique muet moderne. C'est-à-dire créer un format court en 25 images, une par page, en noir et blanc, sans texte.
  réconfortante C'est Thomas Ott, le maître suisse de la carte à gratter, qui inaugure cette nouvelle collection en moyen format avec un album saisissant et de toute beauté. "La forêt"(Editions Martin de Halleux, 32 pages) s'ouvre sur une dédicace, "A mes amours". Il met en scène le cheminement d'un petit garçon confronté à un deuil familial. Le jeune héros passera du malaise de la tristesse à un apaisement réel grâce aux épreuves initiatiques qu'il va passer lors d'une balade en forêt qui se mue en expédition. D'une incroyable beauté plastique et d'une extrême expressivité, les images nous donnent à voir l'itinéraire de ce personnage attachant.

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La fuite vers la forêt. (c) Ed. Martin de Halleux.

Comme le petit garçon paraît seul entre les adultes dans cette maison endeuillée lorsqu'on ouvre l'album! Quand il sort marcher dans la forêt toute proche, c'est comme s'il s'échappait. Sa promenade dans ce lieu symbolisant la femme et son mystère ou la mère primitive va vite prendre la forme d'une quête initiatique. Représentés avec beaucoup de réalisme, les arbres ressemblent à une grotte sombre dans laquelle il se glisse. Il paraît inquiet, scrutant les alentours. Voit-il les animaux dont les yeux brillent qui le regardent? Peut-être pas tant il est attentif à avancer dans ces entrelacs de racines qui serpentent à ses pieds. Au fur et à mesure de sa progression, il fait d'effrayantes rencontres, animales ou humaines, vivantes ou mortes, ayant chaque fois le visage caché. Mais il poursuit crânement son chemin, grimpant, escaladant, avançant, se glissant dans une faille très étroite entre des végétaux enchevêtrés jusqu'à parvenir à une clairière où l'attend un vieil homme souriant. Une rencontre qui le réjouit, une conversation qui l'apaise, un adieu qui lui permet de rentrer serein chez lui.

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La progression. (c) Ed. Martin de Halleux.

Avec ses scènes mettant superbement en scène d'innombrables arbres, patiemment représentés un à un, autant que le gamin en bermuda et chemisette qui chemine vivement entre eux, "La forêt" est un très bel album sur le thème du deuil, abordé de façon originale tant dans le scénario oscillant entre rêve et réalité que dans les somptueuses images. L'artiste joue habilement avec le sens de lecture, la lumière, l'équilibre entre le blanc et le noir, les angles de vue et les perspectives pour nous inviter dans cette histoire pleine d'émotions. Peurs profondes, angoisses intimes et contes classiques se dessinent en filigrane de cet album qui célèbre magnifiquement les ténèbres, physiques ou psychiques, au terme desquels la vie et la mort ne s'opposent plus.
Thomas Ott est un maître de l'image, du noir et de la carte à gratter. En 25 images, il campe cette forêt inquiétante qui deviendra refuge et lieu de réconciliation avec la vie. Chacun interprétera "La forêt" selon sa sensibilité avec ses références personnelles. C'est en tout cas un album magnifique et envoûtant. Une bande dessinée pour les adultes mais également pour les enfants.
Le principe de la carte à gratter est le suivant, nous informe l'éditeur: "Avec un cutter japonais des lignes sont grattées dans la couche noire qui recouvre un carton blanc. L'artiste crée donc son dessin en "dessinant" en blanc sur un fond noir, avec des petites touches de grattage successives. Un travail extrêmement minutieux pour lequel l'artiste n'a pratiquement pas droit à l'erreur." Pour le dire autrement, si on se trompe, il est très difficile de corriger car cela se voit et donc, tout est à recommencer.
La carte à gratter est aussi utilisée en littérature de jeunesse. Hans Binder, Barbara Cooney et Katrin Stanglen par exemple en sont spécialistes.

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