Mille Femmes Blanches, Jim Fergus

De Jim Fergus

J’ai mis du temps à vouloir parler de ce livre, simplement parce que je ne savais pas si j’aurais les mots pour les décrire. Il y a des lectures comme ça, qui vous emporte telle une feuille d’automne dans un courant d’air. On lit et on oubli le temps qui passe, le travail du bureau qui soûle, et l’hiver qui arrive. Oui, il y a des livres comme ça, dont il faut faire le deuil une fois refermés et posés sur l’étagère.

Les livres de Jim Fergus, Mille Femmes Blanches et la vengeance des mères, sont de cette veine-là. Et où d’autres en parler si ce n’est sur ce blog qui évoque la place de la femme.

Mille Femmes Blanches

De son nom anglais One Thousand White Wooman : the Journal of May Dodd, le roman de Jim Fergus débute par un fait historique véridique.

Histoire vraie de Mille Femmes Blanches ?

Le gouvernement américain et le peuple cheyenne avaient effectivement conclu à un échange pour améliorer les relations et l’adaptation des  » peuples sauvages » avec la société blanche : 1 000 Femmes blanches contre 1 000 chevaux indiens. »

Bien sûr, dans la vraie histoire de l’Amérique, l’échange n’a jamais eu lieu, mais l’idée évoquée dans la presse avait déclenché un gros scandale.

Seulement imaginons que l’échange avait eu lieu… si seulement si… Jim Fergus nous racontait l’histoire fictive qui en aurait suivi.

On suit donc un convoi de femmes venant des prisons ou des hospices psychiatriques qui traversent ensemble la moitié des USA pour se retrouver en territoire indien. Elles vont donc quitter au fur et à mesure la civilisation pour s’enfoncer dans des terres sauvages et inconnues.

Quand elles arrivent enfin dans la réserve indienne, elles vont devoir se marier et s’intégrer à cette nouvelle culture à l’opposé de la leur. On suit leurs difficultés à communiquer, à établir les premiers contacts, à apprendre la langue, à comprendre les us et coutumes, à travailler. C’est à travers le journal intime de May Dodd que nous suivons un groupe de personnes attachantes et incroyablement fortes pour tenir la distance.

Une histoire de Femmes mais pas que…

Il est rare pour un homme de savoir décrire les Femmes avec autant de précision, de singularité, de caractère et de pluralité. Rarement une communauté féminine n’a été si finement décrite. Chacune a son propre langage, allant de l’humour, de la vulgarité des slumps, à un niveau de langage plus travaillé, la description leur reste fidèle tout au long du livre.

La violence des Américains contre les Indiens

On le sait et on l’attend, mais avec résignation, presque en voulant reculer le moment. L’armée américaine va attaquer. Le fait est amené lentement, toujours en douceur, comme quelque chose qui s’impose, contre lequel on ne peut plus rien. Et c’est ça qui plaît, une violence qu’on n’a pas envie de subir.

Mais lentement, l’attaque se dessine et au moment où elle éclate dans le livre, elle n’est pas décrite dans l’horreur et les cris, sans exagération, avec pudeur. Il en ressort encore une fois la bravoure et la solidarité de ces femmes blanches ou indiennes qui vont chercher à fuir ou se battre.

La question de la civilisation

Dans les deux livres, il y a un thème qui nous occupe et qui fait gigoter nos méninges. C’est cette question de la civilisation. Né dans son sein, raison pour laquelle on dirige des guerres et qu’on pardonne aux vainqueurs leurs atrocités. De Jules César à l’extermination des aborigènes, tout cela rentre dans l’Histoire par la grande porte, car nous leur avons apporté la civilisation (roulement de tambour, minute de silence, le mot civilisation rayonne d’un soleil sans égal).

Hors, on se rend bien compte, que la civilisation n’est qu’une question de camp et de mauvais argument, car là où il se tient des femmes et des hommes, il y a civilisation.

Grand bouche tout de l’histoire, le terme civilisation signifie dans notre langage « confort, hiérarchie permettant à deux vieux bonhommes blancs de décider de l’avenir d’un peuple si hétéroclite et lois jubilatoires et taillées pour le pouvoir d’une poignée. » Les femmes sont mal placées dans ce décor, les minorités également, en contrefont sur la photo.

Chez les cheyennes ou plus tard les lakotas, il y a aussi une civilisation basée sur une méritocratie (culture du mérite), de la solidarité (les plus riches aident les plus pauvres) et de la démocratie (même si le pow wow n’est pas ouvert aux Femmes).

Les romans nous invitent donc à repenser ce schéma sociétal qui nous incombe, en proposant une autre vision de la démocratie, celle d’un peuple dit barbare mais qui pourtant est bien plus animé de l’idée de solidarité que d’autres.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois