Un manque de père tel le gouffre de Padirac

Un manque de père tel le gouffre de Padirac

Marie-Hélène Lafon. (c) Jean-Luc Paillé.


Un manque de père tel le gouffre de PadiracFigurant dans les premières sélections des prix Femina, Renaudot et Jean Giono, se déroulant entre le Lot, le Cantal et Paris, "Histoire du fils" de Marie-Hélène Lafon (Buchet-Chastel, 171 pages) est une des excellentes découvertes de cette rentrée littéraire 2020. Peut-être même le meilleur livre à ce jour de la romancière originaire du Cantal mais installée à Paris. Elle y est professeure de lettres classiques. Une auteure féconde puisqu'elle affiche déjà treize romans et recueils de nouvelles chez cet éditeur, en moins de vingt ans! Sans compter les titres, dans d'autres registres parfois, qu'elle a publiés ailleurs.
Au fil des chapitres heureusement datés car ils ne suivent pas l'ordre chronologique, on découvre ce fils, André, et ses proches. Gabrielle, sa mère qui ne l'élève pas et qu'il appelle "ma mère". Hélène, sa tante, à qui il dit "maman", qui l'élève avec son mari Léon et leurs trois filles. Son père? Inconnu de lui. Et pas sûr que lui-même sache qu'il a un fils.
"Il a un père inconnu, et il serait donc lui aussi un fils inconnu."
André qui porte le nom de sa mère va évidemment tenter de découvrir le nom de son géniteur. Mais à son rythme, quand il sera prêt. Il l'aura finalement ce nom, non de sa mère, et dans des circonstances particulières. Va-t-il alors essayer de retrouver cet homme, de le rencontrer? C'est une des questions qu'aborde ce roman subtil qui nous promène entre trois générations et des secrets de famille, de familles même, qui sont soigneusement enfouis. Qui nous fait côtoyer deux mondes aussi, celui des nantis dont les enfants vont longtemps à l'école, et celui des autres, qui travaillent souvent pour les premiers.
Marie-Hélène Lafon, d'une écriture limpide et fluide, dans un texte coulant d'une page à l'autre sans quasiment de paragraphe, s'appuyant sur de belles images de nature, habitude prise dès ses premiers romans, nous entraîne dans cette prenante histoire familiale où un petit garçon, tout choyé qu'il est, attend chaque été sa maman qui vient passer quelques semaines en leur compagnie. Où cette dernière n'est sans doute pas aussi mauvaise qu'on ne pourrait le penser. Où les uns et les autres font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils sont et ce qu'ils savent. Où il y a beaucoup d'amour à donner malgré les difficultés de la vie.
Cent ans vont filer dans ce très beau roman, poignant, touchant, qui suit le parcours d'André et de ceux qui l'entourent, qu'il le sache ou non. Une lecture tendue qui court de 1908 à 2008. Le petit garçon grandit, avance dans la vie, rencontre l'amour avec la délicieuse Juliette mais a toujours ce quelque chose qui lui manque. Ou plutôt ce quelqu'un. Ce père inconnu auquel il ne peut renoncer.
"André aimait Léon, mais il ne l'avait pas mis à la place du père qui était restée vide, vacante et vertigineuse (... )"
Ce père lui-même rongé par un terrible chagrin d'enfance. Le lecteur en sait souvent davantage que les personnages. Et c'est là que cette "Histoire du fils" révèle toute sa force. Elle suit sa ligne, retrouver un père, le connaître, le comprendre, l'entendre et évidemment le juger, une fois toutes les pièces réunies. Cette quête qui va se poursuivre de génération en génération est habilement menée par Marie-Hélène Lafon qui nous rappelle, par le biais de ses personnages, que nous sommes tous humains.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois