Philip Roth : La Leçon d’anatomie

philip rothPhilip Milton Roth (1933-2018) écrivain américain, auteur d'un recueil de nouvelles et de 26 romans est l’un des plus grands écrivains de son siècle. La Leçon d’anatomie est le troisième volet du cycle Nathan Zuckerman. Il est inclus dans la trilogie Zuckerman enchaîné (L’Ecrivain fantôme  (1981) – Zuckerman délivré (1982) – La Leçon d’anatomie (1985) – augmentée d’une conclusion L’Orgie de Prague (1987)).

Nous sommes désormais en 1973, quelques années se sont écoulées depuis le précédent épisode, Nathan Zuckerman est un écrivain connu à la vie aisée. Tout pourrait être au mieux – mais avec Philip Roth on sait que cela ne peut être – et effectivement, Nathan souffre comme une bête d’un mal inconnu qui lui cause des douleurs insupportables dans la nuque et les épaules, aucun spécialiste (et il les a tous consultés !) ne peut le soulager, seule solution, vivre avec un col orthopédique et passer la majorité de ses journées allongé sur le sol dans son bureau. Bien entendu il ne peut plus écrire ce qui le contrarie au plus haut point.

Si Nathan a mal partout comme dans la chanson d’Ouvrard, sa zigounette, elle, se porte bien ! Et comme quatre femmes l’aident dans ses tâches quotidiennes, grâce à un emploi du temps réglé en conséquence, Diana la secrétaire qui lui tape ses manuscrits, Jenny la rustique jeune étudiante et peintre, Gloria la brune mamelue qui prépare ses repas et Jaga, l’émigrée polonaise ayant fui son pays, son mari et ses enfants, par ennui, il trouve au moins là, une mince consolation.

Les malheurs vont s’accumuler sur la tête de Nathan, outre sa santé, il va se prendre la tête avec Milton Appel, un critique universitaire qui a cassé son dernier roman, le traitant d’antisémite ; ajoutons le décès de sa mère qui va le convaincre d’abandonner la littérature pour se lancer dans des études de médecine alors qu’il a la quarantaine !

Le résumé est copieux, c’est vous dire si le roman est dense car je n’en ai donné que les grandes lignes. Abruti par la douleur, intoxiqué par les médicaments, la vodka et les joints sensés lui apporter un réconfort qui ne viendra pas, Nathan sombre dans la paranoïa et le délire. Ce qui nous vaut de longues diatribes ou discours sur les Juifs, les femmes et donc le sexe, sa famille, la mort… toutes les obsessions au cœur de l’œuvre de Philip Roth. Mais ce sont aussi des réflexions sur la solitude des écrivains, l’écriture et ceux qui critiquent leur travail, « refusent d’accepter la fiction, de considérer que l’écriture est un acte d’imagination » comme l’analyse Josiane Savigneau.

Et si toutes ces douleurs physiques étaient d’origine psychosomatique, une façon inconsciente d’expier, de faire pénitence, suite à son dernier roman qui lui a attiré les foudres de sa famille et de la communauté juive ? Ecrivain, un métier qui n’est pas de tout repos comme le constate Nathan, écrire l’a fait souffrir, ne plus pouvoir écrire est largement aussi douloureux. Un effrayant dilemme que nul ne peut partager avec lui. Nathan Zuckerman vous paraitra risible, agaçant, révoltant et même pénible selon les séquences mais finalement un homme fait de mille contradictions que Roth se plait à fouiller.


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