Gros-Câlin de Romain Gary, alias Émile Ajar

Gros-Câlin de Romain Gary, alias Émile Ajar

Romain Gary (sous le pseudo d'Emile Ajar)

Mercure de France

1974

214 pages en poche

" La vie est une affaire sérieuse à cause de sa futilité. "

Monsieur Cousin vit avec un python à Paris, il travaille dans les statistiques, il aligne les chiffres, c'est ennuyeux mais ça occupe l'esprit, il est célibataire et amoureux d'une collègue de travail, une guyanaise.

Il vit simple, il pense simple, il est décalé, ses réflexions sont étonnantes parce qu'elles cachent un mal-être existentiel terrible. Il arrange les situations à son compte, il interprète les signes des autres à sa sauce et c'est ce décalage qui prête si souvent à sourire, mais sourire jaune.

Sous des allures de texte burlesque, loufoque, un peu déjanté, se cache un texte pathétique, un drame intérieur terrible. Bien sûr, j'ai eu souvent un sourire aux lèvres mais qui se muait en grimace, de compassion, de pitié, ou peut-être de reconnaissance, compréhension. Qui n'a pas, un jour, ressentit cette solitude extrême (même de manière éphémère) ? Qui ne s'est pas senti, un jour, isolé au milieu de la foule ?

Ses collègues, ses voisins se moquent ouvertement de lui, l'appellent Gros-Câlin, nom qu'il a donné à son python, c'est criant de désespoir. Et puis cette schizophrénie latente qui éclatera à la fin du roman, on ne saura plus qui est qui, l'homme deviendra python, apothéose de la solitude, je me parle à moi-même, je suis moi, je suis lui.

Matérialisation de l'inadaptation du personnage dans la société, le python est aussi celui qui lui permet d'assouvir ses fantasmes, qui lui permet de combler son manque d'amour. Cet homme est pathétique parce qu'il souffre de n'être pas aimé. En mal de câlins, il se serre dans ses propres bras, il aime quand le python l'enlace, l'enserre, il va voir les " bonnes putes " pour être embrassé (dans le sens d'être pris dans les bras de l'autre).

Ce sont les mots virtuoses de Romain Gary qui donne au texte toute sa grandeur, qui joue sur les effets, je n'ai certainement pas saisi toutes les subtilités, mais qu'importe, je me suis laissée porter par la musique des phrases, la répétition des leitmotivs, les jeux de mots. C'est inventif, parfois poétique, ça frise l'absurde. C'est à lire. J'ai adoré.

" Mes parents m'ont quitté pour mourir dans un accident de la circulation et on m'a placé d'abord dans une famille, puis une autre, et une autre. Je me suis dit chic, je vais faire le tour du monde. "

" L'amour est peut-être la plus belle forme du dialogue que l'homme a inventé pour se répondre à lui-même. "


wallpaper-1019588
Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois