Le Purgatoire de la Folie

Par Wolkaiw


SERVICE PRESSE
Titre : Le Purgatoire de la Folie     Auteur : Christelle Rousseau     Sorti le 13 avril 2019     Lu en avril     Évidence Éditions (Collection Imaginaire)     Genre : thriller | horreur | fantastique
4eme de couverture
Un couple au bord de la rupture après un drame qui les a frappés de plein fouet.
Afin d’essayer de surmonter cette épreuve, Alex et Ingrid déménagent dans une grande maison en Bretagne. Cependant, ils sont loin d’imaginer que l’enfer n’est pas loin.
Peu à peu, Alex pense que sa femme est au bord de la folie, Ingrid, quant à elle, est certaine que la maison cache quelque chose.
Entre folie et réalité, la frontière est parfois mince...
Je remercie une fois de plus Jennifer ainsi que Évidence Éditions pour ce nouveau SP ainsi que leur confiance. 


 ♫ La petite musique pour accompagner cette chronalyse. ♫ Nightwish - Scaretale
- Dépêches-toi un peu, j’en ai marre d’attendre ! Tu étais bien plus pressé lorsqu’il s’agissait de rejoindre ta très chère secrétaire. Ingrid avait insisté sur le très chère, souhaitant ainsi mettre son mari mal à l’aise.
- Chérie, tu ne vas pas remettre ça…
- Ne m’appelles plus “chérie”, tu as perdu ce droit il y a plusieurs mois maintenant.
- Mais enfin, nous sommes mariés…
- Oui, pour l’instant, peut-être plus pour longtemps.

Le Purgatoire de la Folie pourrait aussi s’appeler l’Antichambre du Malheur tant les catastrophes frappent les personnages en pleine face. D’entrée de jeu, le couple formé par Ingrid et Alex vole en éclat, il apparaît au bord de l’implosion, en proie à une crise sans précédent. Un terrible accident a brisé l’harmonie du couple, les plongeant peu à peu dans une profonde dépression, dans une situation si marécageuse que personne n’ose plus y mettre les pieds. Peuvent-ils recoller les morceaux et tout recommencer comme avant ? Rien n’est moins sûr. Les images de la trahison se superposent à celle du drame dans l’esprit d’Ingrid, le dégoût cède la place à l’horreur puis à la tristesse.
Imaginez un instant deux individus vivre ensemble sans se supporter, deux âmes en peine cohabiter dans une même maison sans vouloir croiser l’autre… Acheter un bien immobilier pour prendre un nouveau départ peut-il être la solution ? C’est ce qu’ils espèrent, ce qu’ils vont tenter de faire.... Ingrid, en parfaite amoureuse des belles bâtisses, craque totalement pour une maison qui fait froid dans le dos, le genre que l’on qualifie généralement de maison hantée et qui contribue à alimenter les ragots dans les villages… Pour couronner le tout, le nom de la demeure qu’elle désire acheter signifie “L’enfer” en breton (traduction de : AN IFERN), on peut dire que l’accueil risque d’être chaleureux !

Source : Tabor, Pixabay


- Tu sais bien que cette maison me fait froid dans le dos ! On raconte tellement de choses à son sujet. Vraiment… tu peux encore y renoncer.
- Ma décision est prise et si tu n’es pas content, tu peux aller voir ailleurs, tu ne t’en es pas privé d’ailleurs.
- Je sais que j’ai merdé mais tu ne vas quand même pas passer ta vie à me faire des reproches !
- Je ferai ce qui me plaît, tu n’as pas ton mot à dire.

C’est toujours la même rengaine. Alex la connaît par coeur. Ingrid l’entretient financièrement, étant issue d’une famille riche, lui n’est que le pauvre type qui a fait de sa vie un enfer, un misérable mec qui n’a bien entendu pas le droit de souffrir ; de ce fait, il n’a jamais son mot à dire. À eux deux, ils incarnent un duo de personnages très particuliers et vraiment irritants, à la limite du supportable. Leur relation se dégrade au fil des pages, contribuant à rendre l’atmosphère aussi morose que chargée en électricité. 
- Bon sang Ingrid, tu as encore bu !
- Puis-ce que je te dis que je les ai vu et entendu ! Ils parlaient entre eux.
- Les fantômes n’existent pas… par contre, les effets du cocktail explosif médicaments et alcool sont bien là ! Tu devrais arrêter de boire.
- Si tu n’avais pas sauté ta secrétaire nous n’en serions pas là !

La même scène se rejoue éternellement, et ce malgré leur récent emménagement à Vannes, dans la maison des Enfers. Les crises de jalousie sont récurrentes et pas toujours justifiées. Pourquoi faire une scène à un homme que l’on n’aime plus ? Pourquoi continuer de se voiler la face ? De même, pourquoi prétendre aimer sa femme mais aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte dès que l’occasion se présente ? Le comportement du couple n’a parfois ni queue ni tête. La faute à la maison hantée ? Ou alors à un manque de communication ? Toujours est-il que l’allure du couple est plus que jamais bancale, ils ne se parlent que pour s’accabler de reproches et cela en devient très vite pesant et répétitif. 
Que les personnages se disputent sans cesse c’est un fait, que les altercations tournent toujours autour des mêmes sujets, c’en est un autre. Tout part d’une histoire de coucherie. Oui oui, une banale histoire de sexe. Ensuite, pouf, effet boule de neige. Si seulement cela ne concernait qu’Ingrid et Alex mais non. Il se trouve que les fantômes aussi ont un appétit exacerbé pour le sexe… Cette thématique occupe une très grande place dans l’histoire, tout semble s’emboîter autour de cela et c’est plutôt étrange. L’appétence sexuelle semble être un des fils rouges de l’histoire, agissant comme une lumière que l’on agite dans l’obscurité pour retrouver son chemin. 
- Tu as encore laissé la porte de la cave ouverte ?
- Bien sûr que non ! Tu sais que je déteste cet endroit, aucun risque que j’y mette les pieds
- Ne te moques pas de moi… Et puis, je suis sûre que le vase n’était pas à cette place, c’est toi aussi qui l’as bougé ? Tu cherches à me rendre folle ?
- Mais non ! Puisque je te dis que je n’ai rien fait, bon sang !

Source : JoseTheStoryTeller, Pixabay


Et si la maison récemment achetée pouvoir avoir une influence sur le comportement de ses habitants ? C’est une hypothèse insensée et pourtant, elle semble faire son petit bonhomme de chemin. Depuis des décennies, des meurtres d’une violence inouïe semble avoir été perpétrée entre ses murs… L’autrice éclaire notre lanterne quant à ces crimes et c’est avec plaisir que j’ai effectué quelques sauts dans le passé afin de comprendre l’historique ou plutôt le passif de la vieille demeure. Des portes qui s’ouvrent à la volée, des objets qui disparaissent, des murmures et des pleurs, des taches de sang et des apparitions surnaturelles… la bonne panoplie de la maison hantée, de quoi faire frissonner les nouveaux venus. Tout porte à croire que la maison est un personnage à part entière, qu’elle possède sa propre conscience et tend à enfermer les personnages dans un piège dont elle maîtrise les moindres rouages. Chaque famille ayant résidée à AN IFERN y a laissé quelque chose, vécu des moments terribles, s’est sentie proche de la folie, de ce point de non-retour qui a fait perdre la raison à plus d’une personne. La chronologie est très intéressante, ancrée dans différentes périodes historiques (courant du XXeme siècle) et permet ainsi de brosser un large portrait des changements de moeurs, des peurs et tensions de l’époque etc.
Ce livre possède véritablement deux points forts ; la maîtrise du suspense d’une part, la psychologie des personnages d’autre part. Les événements s’enchaînent vite et bien, nous propulsant au plein coeur de la folie, au bord de ce précipice qu’est la démence. Qu’est-ce qui distingue le rêve de la réalité ? L’enfer du paradis ? Devant nous croire tout ce que nous voyons ? Notre cerveau peut-il nous jouer des tours ? Les protagonistes sont noyés sous ce flot de questions auquel s’ajoutent leurs problèmes personnels. Ils sont pris dans un marasme tel que même communiquer devient une torture. Perdus dans les tréfonds d’une situation dont ils ne sont plus les maîtres, nous observons leur embarcation partir à la dérive sans que quiconque puisse les aider à redresser la barre. Ils s’enfoncent progressivement, victimes d’une machination dont ils ignorent tout si bien qu’ils ne remarquent même pas les changements dans le comportement de l’autre, qu’ils en viennent à se considérer comme des étrangers vivants sous le même toit. Le terme de “Purgatoire” dont il est question dans le titre est très intéressant et propose ainsi une autre grille de lecture pour considérer la maison, pour comprendre l’intérêt de ce sinistre lieu. Je prends ici ce terme dans le sens de “temps d’épreuve”, de “souffrir beaucoup”, les personnages sont éprouvés et en quelque sorte mis à l’épreuve, on teste leur résistance, leur mental, leur capacité. Ils ne sont que les pantins, les instruments d’un jeu macabre. 
- J’ai discuté un peu avec le voisin, il dit que la maison a une sale réputation…
- Tu ne vas quand même pas croire cet illuminé ? 
- Il avait l’air de savoir pas mal de choses et il semblait vraiment sincère Ingrid.
- Je ne veux rien entendre ! Je me sens enfin mieux dans cette maison, même si parfois j’ai l’impression que nous ne sommes pas totalement seuls. 

Source : EnriqueLopezGarre, Pixabay


Le style de Christelle Rousseau m’était totalement inconnu et si je devais le décrire, je dirai qu’il va droit au but, qu’il est rythmé et incisif ; non seulement dans le découpage des parties et des chapitres que dans la manière de ponctuer les phrases. Je n’ai pas ressenti de réelle patte derrière les mots et les tournures de phrases, davantage une volonté d’écrire un récit très dynamique et vif, une histoire captivante qui tient du page-turner. L’autrice a en effet opté pour des chapitres courts et une variation des points de vue entre celui d’Ingrid et d’Alex, les deux membres du couple. Ce choix permet d’insister sur les émotions de chacun, de ressentir leur désarroi ainsi que la panique qui s’empare d’eux. Nous entrons dans leur intimité, pénétrons progressivement au coeur de la folie. Je dois toutefois reconnaître qu’ajouter le ressenti de certains autres personnages, comme celui de leur fils ou d’un habitant de la commune de Vannes aurait pu être sympathique. La plume de Christelle Rousseau est assez passe-partout, j’entends par là qu’elle guide et transporte le lecteur sans anicroche, que l’on ne s’attarde pas sur les tournures mais plutôt sur le suspense et sur la psychologie des personnages. Il s’agit de ces plumes qui peuvent vous raconter tout ce qu’elles désirent tant elles se mettent au service de l’histoire afin de faciliter l’immersion, de provoquer l’envie de découvrir la fin, de lire encore et encore à un rythme effréné. 
J’ai pu le constater au fil de mes lectures, il est assez courant de faire des clins d’oeil au monde de l’édition dans ses écrits. Ici, les deux personnages travaillent dans ce domaine, l’une en qualité d’illustratrices, l’autre en tant qu’auteur. Leur profession apporte une petite touche très sympathique à l’histoire et contribue à alimenter le mythe de la maison hantée qui inspire les écrivains les plus chevronnés. Je pense que les lecteurs peuvent se sentir plus proches des personnages, les apprécier d’une autre manière tout en savourant l’intrigue et les nombreux rebondissements.
Avec Le Purgatoire de la Folie, Christelle Rousseau offre à ses lecteurs une histoire intense et addictive, des réflexions sur les notions de confiance et de respect ainsi qu’un bel aperçu de la mince frontière entre rêve et réalité. La folie qui guette les personnages au tournant est semblable à une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, prête à s’abattre à tout instant. Et vous, oserez-vous pénétrer dans cette vieille demeure répondant au doux nom de AN IFERN?