Autant en emporte le vent (Tome 2) de Margaret Mitchell

Par Livresque78

Me revoilà pour vous parler de mon deuxième voyage et avant-dernier voyage en compagnie de Scarlett, Rhett, Mélanie, Ashley et les autres dans la Géorgie de la guerre de Sécession. J'avais beaucoup aimé le premier tome d 'Autant en emporte le vent, dont vous retrouverez ma chronique ici. J'ai été encore plus emportée par ce second opus.

Nous retrouvons Scarlett aux prises avec la débâcle d'Atlanta, l'arrivée des Yankees et l'accouchement difficile de Mélanie. Ce triple événement aura des conséquences assez violentes sur le tempérament de notre héroïne qui, déjà, n'avait pas grand-chose de l'héroïne idéalisée. Elle devient plus froide, plus manipulatrice, plus cupide, mais aussi plus forte, plus courageuse et plus résiliente que jamais. Abandonnée par Rhett Butler dans une situation plus que dangereuse, Scarlett retourne dans la plantation familiale de Tara pour y trouver l'amour et le soutien de sa famille. A la place, elle en deviendra le principal soutien, le seul pilier. Habituée aux fastes d'une vie riche, aux fêtes et aux problèmes superficiels, Scarlett va devoir s'improviser maîtresse de maison, de plantation et chef de famille.

Dans ce tome, elle affronte la pauvreté, la cruauté, le sacrifice de sa morale (déjà douteuse j'en conviens), de son honneur afin de servir le seul nouveau but qu'elle s'est fixée : ne plus connaître la faim. Un grand nombre d'épreuves vient jalonner la route de cette jeune femme profondément égoïste. Sa rage, sa haine des Yankees ne sont pas le fruit de convictions patriotiques ou idéologiques. Scarlett reste égocentrique et ne fait des concessions que pour satisfaire à ses propres ambitions. Elle devient pour cela femme d'affaires et une femme d'affaires sans scrupules.

Quant à l'amour, il est relégué au second plan, par la force des choses. La guerre, le retour d'Ashley, les retrouvailles avec Rhett et même son deuxième mariage ne font que l'endurcir davantage.

Quant à la peinture de la fin d'un monde, elle est, selon moi, ce qui constitue l'essentiel de ce deuxième tome. Les conséquences de cette guerre de Sécession sont nombreuses.

Evidemment, avec la polémique actuelle, il m'est encore plus délicat de livrer mon ressenti. Je le ferais néanmoins, en espérant ne pas susciter une levée de boucliers.

Bien sûr, les sudistes sont esclavagistes et, en cela, le roman est gênant puisque les " bons " personnages sont les esclavagistes. Toutefois, j'ai trouvé cette description du rapport aux gens de couleur très intéressante. On sent bien que, malgré leur idéologie profondément condamnable, les Sudistes sont plus proches des Noirs que les Yankees ne le seront jamais. L'affranchissement ne va pas sans heurts, à tel point que certains esclaves refusent de quitter leurs maîtres parce qu'ils se sentent protégés avec eux, parce qu'ils ne vivent pas dans la rue. D'autres, très justement tentés par la liberté, sont abandonnés par une société qui leur demande de trouver du travail et un logement dans un monde qui, quoi qu'on en dise, continue à les considérer comme inférieurs. Scarlett est très souvent outrée par les propos des Yankees sur les Noirs qui affirment ne pas leur faire confiance pour garder leurs enfants ou s'occuper de leurs affaires, alors qu'elle-même, élevée par Mama, n'imagine même pas confier ses enfants à quelqu'un d'autre.

La naissance du Ku Klux Klan est elle aussi mentionnée, mais comme un réel danger, un danger dont Scarlett elle-même s'effraie. Dans un contexte de guerre sanglante et barbare, les anciens esclaves veulent à juste titre se venger de leurs maîtres et certains le font d'une manière vraiment cruelle (qui vaut largement le traitement qu'on leur a infligé pendant des années), ce à quoi les anciens maîtres répondent eux aussi par la violence tout aussi aveugle et cruelle.

Y a-t-il un jugement de valeur dans ce roman (jusqu'au deuxième tome en tout cas) ? Je ne le pense pas. L'autrice prône-t-elle un rétablissement de l'esclavage ? Certainement pas. J'ai vu, dans ce texte, la fin d'un monde. Une fin à laquelle personne n'était préparé, ni les Blancs, ni les Noirs, ni même les Yankees. Dans une perte de repères généralisée, la tendance de l'homme est toujours de s'accrocher au " C'était mieux avant ". Je crois vraiment qu'il faut recontextualiser. Je n'ai pas été choquée une seule fois par le propos du livre et pourtant, vu le contexte actuel, je suis restée attentive afin de me forger mon opinion. Scarlett, pour moi, condamne la folie barbare, quel que soit son clan ; c'est très important ! Dès le début, elle se fiche de la guerre parce qu'évidemment elle ne peut pas se rendre compte de ce que sa façon de vivre a de moralement condamnable, ce qu'elle veut retrouver, c'est une forme de stabilité. Elle ne craint pas les Noirs, ne les juge pas et finalement elle a beaucoup plus peur des Yankees que du reste de la population.

En tout cas, je suis toujours aussi surprise de la qualité de ce roman. Je m'étais toujours imaginée un récit à l'eau de rose, nous en sommes loin. L'épique est très présent, bien plus que l'amour. Et j'ai hâte de découvrir le troisième et dernier tome afin de voir comment tout cela va finir, tant pour l'épique, que pour le sentimental.

Priscilla