Le premier roman d’Aurélie Foglia, « difficile à retenir »

« Elle ne supporte plus le poids de l’air ni de porter son nom. » (p. 16) Lorsqu’une femme de lettres divorce, se pose la question du nom auquel se rattache son œuvre. Aurélie Foglia a d’abord publié en tant qu’Aurélie Loiseleur, nom aérien qui a propulsé ses premiers recueils poétiques (Hommage à Poe, 2007 ; Entrée en matière, 2010). En 2019, elle donne son premier roman, l’auto-fiction du divorce d’une certaine Dolorès.

Le livre consiste en une succession de ce que Régis Jauffret appellerait des microfictions : en trois ou quatre pages, une saynète où l’intimité met en danger la civilité. L’empathie, lorsqu’elle devient trop difficile pour les personnes, se déporte sur des objets, comme une théière : « Si elle n’avait pas divorcé jamais sa théière n’aurait pris une telle importance dans sa vie. Elle a besoin de ce ventre pour la rassurer. Pose sa main sur le renflement » (p. 139). Ou bien une vitre cassée d’abribus : « Il y a quelque chose de si vulnérable dans les choses, qui en fait des victimes toutes désignées : il n’y a personne, on peut y aller » (p. 24).

Le divorce d’une femme de lettres en vue est-il un scoop ? Ai-je lu ce livre comme un ragot littéraire ? Comme scoops, on pourrait faire mieux. La mère de l’héroïne, qui lit avidement les gossips people, semble elle-même étrangère au divorce de sa fille, qui voudrait lui dire en face : « J’ai tout plaqué. Sauf que tu ne l’as pas lu dans le journal » (p. 52). Cette mère seule, triste et dégingandée, trop grande pour sa mère, comme elle paraît loin du lyrisme génial de Grand-Monde (Corti, 2018) ! Dénouement est à l’œuvre d’Aurélie Foglia ce que le compagnon de consolation de Dolorès, Jean, est à son mari perdu : « Quand il passe on ne le remarque pas, personne. Il est difficile à retenir. Elle l’aime pour ça, d’un amour qui ne va pas de soi » (p. 170). Telle est aussi l’affection paradoxale qu’on peut avoir pour un livre aussi dénué d’ambition, un livre qui, d’une certaine manière, « a échoué » (p. 188). Voilà sa réussite. Somme toute, le livre permet peut-être d’approcher ce conseil presque irrecevable que délivre une connaissance de l’héroïne, tôt dans le roman : « Tu as de la chance. Tu ne te rends pas compte. Un chagrin d’amour. Un vrai, un grand. On en a combien dans une vie ? Zéro, un ou deux à tout casser, après au revoir, on n’est plus bon pour souffrir. Alors profite » (p. 62).

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Lire ailleurs : les avis de Domi c lire, Ma collection de livres, ainsi que le site et la page Facebook de l’autrice.

Aurélie Foglia, Dénouement, éd. José Corti, 2019, 240 p., 18€.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois