Campagne (7)

Le lendemain matin, Tim se leva avec une énorme gueule de bois. Il se servit donc une bonne aspirine en guise de petit déjeuner ainsi qu’un grand verre d’eau. La chaleur étouffante de la maison le fit filer sous la douche rapidement. Alors qu’il enfilait son short, il entendit toquer à la porte de façon discrète. Le jeune homme dévala les escaliers, manquant tomber à plusieurs reprises. Quelle ne fut pas sa surprise en trouvant Will derrière sa porte.

« – Je apporte kit anti crevaison !

– Dites donc, on peut dire que vous êtes efficace vous!

Tim laissa entrer Will et le fit s’installer à la table de la cuisine. Il lui proposa un café que Will déclina poliment. Le vieil homme semblait inspecter la maison de ses petits yeux curieux.

– C’est la première fois que je rentre chez Jules… Il me manque un peu sometimes. Sa mort…a été si….so…you know…

Tim hocha la tête d’un air entendu mais en réalité, il ne savait rien de ce qui concernait la mort de Jules. Cependant, les multiples références à une tragédie commençait à le faire sérieusement s’interroger. Will caressa le matou qui traînait dans la cuisine et amena Tim a une superbe voiture de collection. Ce dernier fit plusieurs fois le tour de la voiture, n’osant monter à l’intérieur de peur d’abîmer ce petit bijou. Néanmoins, l’anglais l’encouragea d’un geste de la main et c’est ainsi que Tim, tout fraîchement arrivé de Paris se mit à discuter avec Will fraîchement arrivé de Londres.

– J’ai fuit les brouillards de Londres avec ma femme, expliqua t’il en passant les vitesses de son petit bijou moteur. Je travaillais dans les assurances. Ma femme quant à elle était pédiatre dans un grand hôpital. Un jour, nous sommes venus en vacances dans la région et hip! Ni une ni quatre, nous movions ici!

Tim écoutait l’accent chantant de Will. Son usage très personnel des expressions françaises le faisait sourire.

– Aujourd’hui, je fuis ma femme qui essaie désespérément de me faire planter un potager! Damn vegetables! And you? Pourquoi es-tu ici?

– Problème de boulot…Besoin d’air…

Tim resta évasif. Il préférait nettement ne pas raconter sa vie aux gens. Il était du genre a adoré savoir pleins de choses sur les autres mais il se livrait rarement. Un silence s’était installé. Will avait bien compris que Tim ne désirait pas en dire plus et cela avait jeté un froid. Tim se perdit donc dans la contemplation du paysage qui s’offrait à perte de vue. Lorsqu’il aperçut au loin sa vieille voiture, il la montra à Will d’un geste fébrile. Les deux hommes se garèrent sur le bas côté et commencèrent à s’occuper de la roue crevée. Tout en s’évertuant à utiliser le kit, Tim lança:

– En tout cas, il n’y a pas à dire, dans ce village, vous êtes plus qu’accueillants, ça me change de Paris! Là bas, j’ai dû croiser mon voisin deux fois en 5 ans. Ici, Madeleine et Rissou m’ont ouvert grand les bras! C’est rare des gens comme ça.

– Madeleine et Rissou sont exceptionnels! Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Le décès de leur fille les affecte énormément…Je pense que c’est bon, tu vas pouvoir rouler!

Will tapota l’épaule de Tim et se dirigea vers sa propre voiture. Le jeune homme était intrigué par les propos de l’anglais.

– Ils avaient une fille?

Will, qui était déjà installé dans sa voiture, lança à Will à travers la vitre ouverte: « Little boy, si tu veux en savoir plus sur les autres, il faut que tu apprennes à en dire plus sur toi. » Et sur cette phrase, il démarra et laissa Tim les bras ballant dans un nuage de poussière.