Ils ont tué Leo Frank. Xavier BETAUCOURT et Olivier PERRET – 2020 – (BD)

Ils ont tué Leo Frank. Xavier BETAUCOURT et Olivier PERRET – 2020 – (BD)

Thèmes : Etats-Unis, Racisme/xénophobie, Antisémitisme

Alonzo Mann se sait sur sa fin.

Voilà pourquoi il veut, à nouveau, raconter une histoire. Pas n'importe laquelle. Une histoire qui a ébranlé sa vie comme l'Amérique et qui se perpétue encore aujourd'hui, sous d'autres traits.

Ainsi se livre-t-il à deux journalistes, Jerry Thompson et Robert Sherbane, et remontons-nous le temps jusqu'en 1913.

A Atlanta, Géorgie, dans la nuit du 26 au 27 avril 1913, dans l'usine de crayon de Leo Frank, le corps sans vie de Mary Phagan, 13 ans, est retrouvé par Newt Lee, le veilleur de nuit, qui est noir.

Les policiers se rendent rapidement sur place, trouvent deux feuillets aux côtés de Mary, ne font aucun relevé et saccagent traces et preuves.

L'emploi de la jeune fille est retracé, c'était jour de fête (Confederate Memorial Day) et les seuls présents à l'usine venaient y prendre leur salaire hebdomadaire, comme Mary, auprès du patron.

L'enquête est vite menée, surtout bâclée et des conclusions, hâtives, sont rendues.

Les soupçons se portent sur deux hommes : Leo Frank, le patron, juif, " nordiste ", dont l'attitude froide et détachée, qu'il gardera tout au long, le dessert.

Ou sur Jim Conley, un balayeur noir, toujours à quémander des sous pour aller boire, et dont la version des faits ne variera jamais au cours de ses multiples interrogatoires et comparutions, alors qu'il ment de manière éhontée sur d'autres faits.

Qui donc est le coupable ?

Si la couverture et le titre de ce roman graphique nous offrent un possible, ils nous questionnent surtout.

Qui sont ces " ils " ? Et le désigné coupable l'était-il vraiment ?

Ainsi suivons-nous l'enquête, les témoignages qui accusent ou disculpent, les images qui se forgent, le parti pris des policiers comme du procureur général d'Etat (Dorsey) qui joue sa carrière, comme le déchaînement des médias qui surenchérissent à coups de scoops, d'éditions spéciales, de unes racoleuses, de rumeurs relayées, et non démenties.

Dans un état sudiste, alors que la Guerre de Sécession est encore dans beaucoup d'esprits, que la ségrégation bat son plein, le coupable semblait tout désigné : Jim Conley, le balayeur noir.

Car tout cela n'a qu'un seul but : entériner la culpabilité de Leo Frank, le juif.

Antisémitisme contre racisme, ce simulacre de procès va voir une haine se déchaîner plus que l'autre, l'opinion publique excitée et influencée, et les préjugés et stéréotypes composer les plaidoiries.

Et même si sa peine fut, plus tard, commuée par le Gouverneur de Géorgie, Leo Frank fut pendu. Par "Ils".

Et Alonzo Mann dans tout ça ? Il avait 14 ans. Il y était. Et dans l'usine ce 26 avril 1913 et appelé comme témoin au procès.

Mais on ne l'a pas écouté, on ne lui a pas posé les bonnes questions, il n'a pas su dire. Et quand il l'a voulu, il a été constamment évincé pour toutes sortes de raisons.

Ce roman graphique nous narre des faits réels qui se sont déroulés sur plus de soixante-dix ans.

Les auteurs font le lien entre le passé et l'actualité et le conclue avec un exemple très récent pour nous rappeler que les xénophobies et obscurantismes, quelques soient leur nom, sont toujours là, s'exprimant sans scrupule ni retenue.

Il se ferme sur un petit dossier photographique.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois