
L’autre jour, je me suis retrouvée drette en face d’une caissière, dans un supermarché bondé. Elle avait des ongles horribles. De faux ongles. Longs. Étincelants. Ça se voyait qu’elle en était fière. Je lui ai dit qu’ils étaient beaux. Le sourire qui a illuminé son visage valait mille piastres. J’ai menti, c’est vrai. Mais ce compliment ne m’a rien coûté. Et il a sans doute égayé un brin de sa journée. Pis si elle a vu l’état de mes ongles, elle a dû se dire que je devrais courir me faire faire une manucure! Passons...
Il y a Thomas, mon voisin d’en face. L’hiver, en plus de déblayer sa neige, Thomas déneige mon balcon et mon auto – je me fais des muscles en déneigeant ma terrasse. Je ne lui ai jamais rien demandé. Il le fait comme ça, juste comme ça. Peut-être, aussi, que la petite madame monoparentale a l’air ben essoufflée. Même si ce jeune retraité pétant de santé avec ses soixante-dix ans est un peu hyperactif, rien ne l’oblige à pousser sa grosse pelle vingt minutes de plus pour moi...

Les pistes de réflexion qu’il amène sont du gros bon sens, mais du gros bon sens que nous avons souvent tendance à pousser en dessous du tapis. S
oyez gentils ou l’art de remettre les pendules à l’heure… C’est le genre de livre qu’il fait bon lire et relire et que j’aimerais avoir en douze exemplaires pour l’offrir aux airs bêtes que je croise.Soyez gentils: petit éloge de la bonté à l’usage des générations, George Saunders, trad. Pierre Demarty, Fayard, 64 pages, 2019.★★★★★Dans le même ordre d’idée, j’ai eu envie de relire une petite plaquette toute jaunie de David Foster Wallace: C’est de l’eau(Au diable vauvert). J’apprends que ce texte est en fait l’allocution qu’il a prononcé devant les finissants de Kenyon College en 2005. Je sais aussi qu’il était ami avec George Saunders. Ben dans ce texte, il y a un passage qui se passe à l’épicerie. Ce passage a changé ma vie. Rien de moins. Il y est encore question de gentillesse, de bonté et de bienveillance.
Tout ça pour dire que la gentillesse devrait être remise à l’ordre du jour, devant l’individualisme, l’égocentrisme, l’égoïsme et bien d’autres -isme.