Notre part de cruauté. Araminta HALL - 2019

Notre part de cruauté. Araminta HALL - 2019

Notre part de cruauté

Araminta HALL

Traduit depuis l'anglais par Paul BENITA

Editions Préludes, 4 septembre 2019

448 pages

Thèmes : Amour et fin d'un amour, Crime, Thriller psychologique, Manipulation

Notre part de cruauté. Araminta HALL - 2019

Mike aime Verity, et Verity aime toujours Mike. Il en est certain.

Ils s'aiment d'un amour intense, violent, évident mais qui a des règles. Des règles instituées par Verity et qui forment le Jeu.

Pour elle, il s'est plié à tout, sculptant son corps comme elle le désire, lui obéissant sur tout, n'ayant qu'un seul souhait : qu'elle soit heureuse et fière. Elle a suggéré qu'il aille à New York pour servir sa carrière (de trader) et se faire de l'argent, alors il y a été, deux ans. Elle, est restée à Londres, dans le domaine de l'Intelligence Artificielle, à un poste qu'il lui a trouvé.

Pour elle, dès son retour, il a acheté une superbe maison, l'a décoré selon ses goûts, à elle.

Mais le Jeu a évolué, de nouvelles règles sont apparues, il en est persuadé.

C'est de sa faute après tout, à cause d'une petite incartade... Mais cela ne va pas durer, ne peut pas durer... Et ce mariage avec un autre, où il est invité en plus, ce n'est qu'une punition n'est-ce pas ?!

Vraiment?

Et si leur histoire était simplement terminée? Impossible pour lui.

Je me forçais à rester immobile, sachant qu'il serait inconvenant de me retourner pour voir V porter une tenue qui n'était qu'une approximation de celle qu'elle aurait à notre mariage, parce que, bien sûr, elle avait gardé la plus belle robe pour moi.
Je me réconfortais avec l'idée qu'au moins le but de la partie était clair. Nous nous dirigions inévitablement vers notre réunion, même si j'ignorais comment je devais m'y prendre. Tout ce dont j'étais certain, c'était que ce devait être quelque chose de grand, un acte qui prouverait de façon indéniable et irréfutable mon amour éternel pour V.

Dans la première partie du roman, nous découvrons Mike en prison. C'est un peu confus, la raison n'est pas donnée et Mike raconte leur relation, atypique, comme si nous la et les connaissions.

La deuxième partie nous dévoile ce qu'il s'est passé depuis son retour de New-York, quelques mois auparavant, jusqu'au pourquoi de son emprisonnement. Nous en apprenons davantage sur lui, son enfance cabossée auprès d'une mère célibataire et alcoolique, battue par ses "petits amis" de passage, sa mise en foyer puis en famille d'accueil auprès d'Elaine et Barry, qui lui ont offert amour et stabilité, et qu'il voit toujours.

Nous le découvrons au travail où sa réputation ne semble pas être à la hauteur de ce qu'il fournit désormais, en train d'espionner Verity (qu'il appelle V), au sortir de son travail, autour de sa maison. Il provoque des rencontres, boit beaucoup, analyse le moindre geste de V (et surtout si elle porte la main à son cou où devrait se trouver un pendentif en forme d'aigle), et de ses paroles, se convainc qu'elle a voulu dire telle chose en formulant ses phrases de telle manière plutôt que d'une autre...

Turpitudes, espoirs et détresses se succèdent sans cesse.

La troisième partie, nous décrit le procès, et la stratégie mise en place par son avocat pour plaider sa cause.

Car si c'est c'est bien Mike qui a porté le geste malheureux, est-il pour autant l'unique responsable de la tragédie? N'a-t-il pas été manipulé par V? Qui, soit-dit en passant, ne semble éprouver ni tristesse, ni regrets, ni remords, malgré un amaigrissement certain.

Si nous étions séparés, V serait perdue, elle ne saurait pas quoi faire d'elle-même, elle se sentirait seule et abandonnée.

Roman uniquement placé sous l'angle de vue de Mike, cette dernière partie nous offre quelques autres angles de vues par les personnes venues témoigner, et nous éclairant sur les caractères et agissements de Mike comme de Verity.

***

Ce livre se lit plutôt vite et facilement, bien que tout ne soit pas toujours clair et fasse quelques longueurs et redites.

Pourtant, je suis restée à distance.

Mike m'a agacée par son côté passif et uniquement tourné vers V, pour satisfaire ce qu'elle désire, aime, aimerait, à interpréter le moindre de ses gestes comme s'ils avaient tous un sens, une signification, spécialement dédiés à lui. Lui qui s'oublie (ce que cherche à lui faire comprendre sa collègue et voisine, Kaithlyn) s'empêchant de prendre du recul. Tout ceci donne à penser qu'il est plutôt "simple d'esprit" et sans volonté propre. Cela a un côté triste, voire même pathétique.

Notre part de cruauté se veut être un thriller psychologique qui joue tout du long sur les faux-semblants et l'ambigüité du rôle et de la responsabilité de chacun.

Y a-t-il folie, manipulation, harcèlement, mauvaise compréhension, vengeance ?

La morale de cette histoire, c'est que parfois deux personnes ont tellement besoin l'une de l'autre que cela vaut la peine de sacrifier tous ceux qui les entourent pour que ces deux-là soient ensemble.
Nous sommes humais, avec nos défauts et nos erreurs, mais cela n'a aucune importance. Parce que nous aimons, nous sommes capables de pardon. Et nous savons ce qu'est l'amour : la plus douce et la plus cruelle des émotions.

Mais une autre thématique semble aussi être abordée : comment les traumatismes de l'enfance ressurgissent-ils et influent-ils dans notre vie d'adulte ? Comment nous conditionnent-ils ? Est-il possible d'y échapper ? Mike en est-il victime ? Et ce d'autant plus qu'il n'a jamais accepté de " voir quelqu'un ".

Celle-ci semble mieux exploitée.

L'autrice, dans sa postface, a souhaité nous donner la genèse et le pourquoi de son livre. Avec lui, elle veut dénoncer notre société patriarcale et le sexisme banalisé, dans lequel les femmes sont jugées pour des actes (ici le Jeu) qui n'inquiéteraient pas les hommes, en lieu et place de ceux qui pourraient leur être reprochés. Voilà pourquoi elle a utilisé le point de vue masculin, le féminin ayant déjà été trop de fois exploité selon elle. J'ai apprécié sa démarche qui m'a éclairée mais ne peut m'empêcher de m'interroger pour autant.

Car c'est malheureusement plutôt l'inverse que j'ai ressenti.

Soit, je n'ai pas bien saisi son but, et de me demander si j'ai bien compris son livre, soit sa manière de faire n'était pas bonne (et au vu du retour des autres Jurées du Grand Prix des Lectrices Elle, il semblerait que nous soyons plusieurs à nous questionner de la sorte).

Pour conclure, ce livre ne me laissera malheureusement pas grand-chose.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois