Watchmen n°1

En ce début 2020, Urban Comics lance une nouvelle collection, DC Originals, qui propose des comics dans le format de publication original, à savoir en issues. Afin de la lancer, il opte pour la maxi-série culte de Alan Moore et Dave Gibbons, Watchmen. Critique du premier épisode de 32 pages disponible pour 4€90.

Pour celles et ceux qui ne le savent pas, les comics sortent d'abord sous forme de fascicules - ou issues - aux États-Unis. Il s'agit donc de petits livres avec couverture souple - et fragile - de quelques pages contenant des histoires de 24, 32, 48 ou 64 pages en fonction. On les trouve maintenant dans les comicshops avant que ces numéros soient rassemblés sous forme d'album. C'est donc sous cette forme que Urban Comics publie à nouveau Watchmen. Bien que ça soit un choix discutable d'éditer à nouveau la mini-série - surtout si peu temps après une nouvelle édition commentée, j'avoue bien aimer l'initiative pour la collection. À défaut de 2 épisodes par mois, cela est aussi une bonne occasion de découvrir le comic book pour celles et ceux qui ne l'ont jamais lu.

À l'instar de l'initiative qui veut revenir aux sources de l'œuvre, j'ai décidé d'écrire les critiques de ces issues comme je les aurais écrites si je découvrais le comic. Bien évidemment, cela va être compliqué d'oublier le fait que j'ai déjà lu - plusieurs fois - ladite oeuvre mais je trouve l'exercice intéressant.

Dans ce premier numéro, nous découvrons que le Comédien, un justicier au service du Gouvernement, a été défenestré. Son ancien allié, Rorschach, mène l'enquête en allant voir d'autres anciens justiciers. En effet, il est persuadé que leur vie est en danger dans ce monde où les vigilantes sont hors-la-loi.

Ce premier épisode est devenu un modèle du genre. Alan Moore arrive à introduire beaucoup de choses sans que cela soit lourd dans la forme. En effet, en commençant son histoire sur le lieu du crime, il arrive à introduire les personnages uns à uns ainsi que les bases de son univers. Nous apprenons dans ces pages que la plupart des justiciers ont dû remballer leur masque et cape dans cette uchronie où l'Amérique a gagné la guerre du Vietnam. Moore nous présente également une partie du passé de ce monde en dévoilant que les vigilantes que nous découvrons vivants ici ne sont pas les premiers, d'autres agissaient des années auparavant et avaient formé un groupe, les Minutemen. Sauf que l'ambiance était loin d'être au beau fixe.

Nous comprenons donc les enjeux de cet univers et cernons déjà certains personnages. Clairement, Rorschach est celui le plus développé, Moore n'écrit pas un anti-héros mais véritablement un salaud en costume avec de nombreux préjugés sur tout ; un tantinet misanthrope, un tantinet raciste, sexiste et homophobe, il n'a rien pour plaire. Et justement, Moore semble refuser d'écrire des super-héros tels qu'on les connaissait en 1986, il montre ainsi qu'il ne suffit pas de porter un masque pour être un héros. C'est pour cela que le terme "justicier" ou "vigilante" colle mieux à ces personnages parce que cela n'implique pas quelque chose de forcément positif.

Moore insiste sur le fait que Rorschach est une pourriture, il en fait même un personnage qui pue littéralement. Il est donc difficile de s'identifier au personnage, Moore voulant écrire un personnage abject et cela sert à son histoire puisque les autres personnages ne l'apprécient pas. Il se retrouve donc seul à enquêter sur la mort du Comédien mais parce qu'il semble être en plein délire paranoïaque.

Le style d'écriture est franchement excellent. Moore est un scénariste hyper talentueux et intelligent, il le sait et peut ainsi être pédant voire condescendant, mais, lorsqu'il écrit, il a un style simple pensant plutôt à la structure pour amener les éléments essentiels afin de tout comprendre les enjeux. C'est donc un style simple pour un épisode qui ne l'est pas.

J'aime ce style d'écriture, j'aime aussi ce qui m'est présenté dans cet univers. C'est d'ailleurs assez triste de voir que Moore arrive à placer certaines allusions sur le féminisme et la condition de la femme et que, près de 35 ans plus tard, ces problèmes sont toujours d'actualité. D'ailleurs, ce premier épisode de Watchmen est très politique, pas seulement parce qu'il est une uchronie mais aussi par les choses dénoncées... qui peuvent être transposées dans notre quotidien. Je parlais du féminisme mais, il y a aussi un discours abject de la part de Rorschach que nous pouvons bien trop souvent lire en ligne.

L'épisode a donc un fond très intéressant, et la forme suit le mouvement. Tout d'abord, la couverture est la première case de l'épisode. Ensuite, chaque page - sauf celle des crédits - suit un schéma précis. En effet, il s'agit d'un gaufrier soit un ensemble de 9 cases réparties sur 3 lignes et 3 colonnes. Cela est une technique qui permet à Moore de mieux gérer le rythme. Et cela donne une fluidité de lecture fort agréable. Dave Gibbons semble être complètement à l'aise avec cette forme, son style narratif est alors bien mis en avant. Les transitions se font avec élégance et cela permet même des effets comiques plutôt réussis.

L'épisode se termine avec un petit extrait de "Sous le Masque", la biographie du premier Hibou, qui dévoile les dessous des Minutemen, le groupe de justiciers qui officiaient dans les années 50. Ce livre est au centre de l'action puisque l'auteur dévoile notamment que le Comédien a tenté de violer Sally Jupiter, seule femme de l'équipe. Ces pages ne sont que le début du livre et l'auteur fictif, Hollis Masson de son vrai nom, explique comment il a eu l'idée de son livre et comment il est passé de policier à justicier.

Watchmen n°1


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