Michèle Lesbre est née à Tours en 1939. Enfant, elle a vécu à Poitiers qu'elle décrit dans La petite Trotteuse où elle évoque la destruction par les bombardements de la gare et de l'immeuble où habitait sa famille. Institutrice, directrice d'école, elle fait du théâtre avec son ami Léo dont elle parle dans son dernier roman Rendez-vous à Parme. Il vient de mourir et de lui léguer une caisse de livres contenant notamment La Chartreuse de Parme. Ses romans sont assez brefs (150 pages environ) mais nombreux (près d'un roman par an depuis 2001). Elle y évoque ses souvenirs et va à la rencontre des gens, des paysages, d'histoires possibles peu souvent advenues. Les plus aboutis me paraissent être Un certain Felloni et Le Canapé rouge.
Felloni est cet homme fusillé par les fascistes avec une quinzaine d'autres innocents pris en otage alors qu'il se rendait en bicyclette à son travail. Durant la longue nuit qui précède sa mort, ses souvenirs doucement déferlent...
Le Canapé Rouge est l'histoire de la narratrice, Anne, mêlée à celle d'une vielle dame, Clémence Barrot, jadis modiste, assise le plus souvent au bout du couloir sur un canapé rouge, telle une gardienne de musée. Clémence confond parfois sa vie avec celle des héroïnes des romans racontés ou bien celles des auteurs de lettres qu'Anne lui a lues. Anne part à la recherche de Gyl, qui a choisi d'aller vivre en Sibérie, au bord du lac Baïkal et dont elle est sans nouvelle. Comme lui, elle prend le transsibérien et partage avec bonheur la vie des autres. Arrivée au terme de son voyage, elle apprend que Gyl vit maintenant avec une autre femme dont il a un enfant. Elle repart sans le voir et émaille son retour d'autres rencontres. Arrivée à Paris elle apprend la mort de la vielle dame qui s'est noyée dans la Seine pour rejoindre son amour de jeunesse, Paul, fusillé à 19 ans pendant la guerre. La vie pour Anne se poursuit avec celui qui lui raconte ce qui s'est passé en son absence.
Références littéraires et cinématographiques, citations, émaillent l'écriture de Michèle Lesbre. On rencontre au fil des pages Bassani, le ferrerais, Antonioni, Marguerite Duras: La sonatine de Diabelli de Moderato Cantabile est une petite musique que l'on entend souvent. Musicalité des phrases, ambiance onirique caractérisent ses romans. Ainsi, dans Un lac immense et blanc, tout se confond... naturellement: un ferrerais inconnu parle avec un serveur qui lui aussi est de Ferrare, ville italienne qu'elle aime entre toutes. Elle mélange les temps, les lieux, les êtres humains, les événements historiques et le fil conducteur dans ces lieux de mémoire se perd dans la neige qui tombe.
Colette Aubourg
Café littéraire de Valréas, jeudi 28 novembre 2019.
