Premières lignes #91 : Esme

Premières lignes #91 : Esme

Premières lignes est un rendez-vous initié par Ma lecturothèque. Le principe est simple, tous les dimanches, je vais vous citez les premières lignes d’un ouvrage.


1. COMME POUR TOUT DANS LA VIE, JE FAIS AVEC

Sexe faible.
Sexe docile.
Sexe accueillant.
Sexe humide.
Sexe serré.

Voilà toutes les nuances du désir qui traverse les petits yeux de Dick lorsqu’il me salue. Son sourire à peine retenu ne trompe personne, toutefois, jamais sa convoitise n’a franchi cette limite.
Pense. Mate. Mais ose me toucher, et ton nez risque d’en subir les conséquences. Ou tes couillles… ou les deux.
Circle, mon ancien patron, sait de quoi je parle.
– Je te confie la boutique, chérie. Un peu de dépaysement ne me fera pas de mal. Tu te souviens de ce qu’on avait convenu ? Tu pourras gérer la station toute la semaine ?
Je jette un oeil à l’horloge murale. Midi.
– Je croyais que tu partais ce week-end ?
– J’ai quelques courses à faire avant le départ. Mais si tu as peur que je te manque, il n’y a pas de problème , je peux…
– T’inquiètes, Dick ! Je m’occuperai de cette station-service comme s’il s’agissait de mon trésor le plus cher.
Dans le cadre de la porte, sa silhouette ventripotente m’oppresse.
« Du dépaysement », mais oui, bien sûr ! Me prend-il pour une idiote ? Pense-t-il que je n’ai pas vu le petit manège de Lucinda, cette quinquagénaire léopard, paumée au point de sucer le tenancier d’une station-service perdue pour une semaine de vacances tous frais payés ? En plus, il faut se le farcir ! Il a beau avoir dix ans de moins qu’elle, son crâne dégarni, sa stature constamment affaissée et son air mi-pervers mi rabougri n’ont absolument rien de séduisant. Bref, je lui souhaite bon vent aux Bahamas !
Une fois qu’il déserte les lieux, je respire. Je ne suis pas rassurée pour autant, car malgré ses fantasmes lubriques, il est ma protection, posté derrière le comptoir de sa boutique pendant que je sers les clients venus faire le plein.
Rares sont les véritables déconvenues, cependant, je n’échappe jamais aux scanners appréciateurs de ces putains de messieurs.
Comme pour tout dans la vie, je fais avec.

Premières lignes #91 : Esme


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois