Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite Sauvagesse | An Antane Kapesh

J'ai entendu parler de ce livre la première fois autour de 2005. Je le connaissais comme un livre très pertinent, mais très difficile à se procurer. En effet, ce livre publié en 1976 était épuisé et jamais réimprimé, jusqu'à ce que l'autrice Naomi Fontaine fasse des démarches auprès de la famille d'An Antane Kapesh et de Mémoire d'encrier.

" La première écrivaine de ma nation n'est pas une conteuse, comme on pourrait s'y attendre. Elle est une essayiste. Dans cette œuvre fondatrice, Kapesh se dit fière de ses racines. Fière malgré l'incroyable impasse historique qui nous a fait devenir petits aux yeux des nouveaux arrivants. Fière malgré la haine, le mépris, les préjugés et les réserves. Fière parce qu'elle possédait, ce que peu possèdent désormais, la connaissance du territoire. Elle savait vivre à travers les espaces sans carte et sans boussole. Sans frontière. Elle puisait dans ses savoirs la force de se tenir debout à une époque où mon peuple était victime de son propre doute. Ce qui, d'après l'arrogance de certains, ne représentait qu'une manière de vivre primitive, elle en a fait sa couronne. Sa dignité. "

Extrait de la préface de Naomi Fontaine | Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite Sauvagesse | An Antane Kapesh | Mémoire d'encrier

Le livre est en innu et en français, comme on peut le voir dans l'image ci-dessous.

Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite Sauvagesse | An Antane Kapesh

La réédition de Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite Sauvagesse fut l'occasion d'améliorer les textes afin d'augmenter leur lisibilité et leur véracité.

" Presque quarante-cinq ans plus tard, quand il a été question d'une réédition de l'ouvrage d'An Antane Kapesh, j'ai examiné ma précédente traduction d'un œil critique. J'avais entre-temps amélioré ma maîtrise de l'innu parlé et acquis une certaine expérience de l'écrit en langue française, j'ai donc pu mesurer l'ampleur des maladresses, des approximations et même carrément des erreurs que comportait la traduction publiée en 1976. Aussi ai-je ressenti la nécessité de la revoir entièrement. Mais cela ne s'est pas fait sans que j'aie recours, encore une fois, à des locutrices innues très bilingues, notamment Judith Mestokosho et Céline Bellefleur.

Cette nouvelle traduction se trouve considérablement améliorée grâce aussi à la disponibilité d'un outil de taille, le nouveau dictionnaire innu-français-anglais de 27 000 entrées, qui fut achevé en 2012 et qui est disponible en ligne. "

extrait de la note de La traductrice josé mailhot, à la fin du livre | EUKUAN NIN MATSHI-MANITU INNUSHKUEU / JE SUIS UNE MAUDITE SAUVAGESSE | AN ANTANE KAPESH | MÉMOIRE D'ENCRIER

Avant d'aller plus loin, une petite clarification sur le titre du livre, qui peut susciter des réactions.

Dans cet essai, An Antane Kapesh s'exprime sur plusieurs sujets qui ont des impacts sur la vie des Innus, comme l'alcool, la chasse, l'éducation et comment les Innus sont dépeints dans les médias et dans les films.

Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite Sauvagesse | An Antane Kapesh

Je laisse les mots de An Antane Kapesh parler d'eux-mêmes. Je n'ai rien de plus à ajouter, mis à part qu'il faut lire son livre dans son entièreté. Ses textes sont puissants et mes propres mots sont inutiles.

Voici donc quelques extraits tirés de l'essai Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite Sauvagesse :

" Depuis que j'ai entendu mon père et les autres Indiens raconter cette histoire, il y a une seule chose qui m'a rendue heureuse et très fière : c'est toujours l'Indien qui a pris soin, à l'intérieur des terres, de tous les étrangers qui ont eu l'idée de venir dans notre territoire. Et jamais nous n'avons entendu raconter qu'un des étrangers dont les Indiens ont pris soin ici dans le bois, et qui se trouvait pourtant seul, ait été maltraité et offensé par eux de la façon dont le Blanc, lui, nous traite, nous les Indiens.

C'est la raison pour laquelle aujourd'hui je dis : avant qu'un seul Blanc ne vienne ici dans notre territoire, nous étions déjà civilisés. Depuis que le Blanc est notre voisin, presque chaque jour nous l'entendons dire : " Les Indiens ne sont pas civilisés. " Depuis qu'il est notre voisin dans notre territoire, nous les Indiens, nous constatons souvent que le Blanc est moins civilisé que nous. "

" Mon père a quatre-vingt-onze ans et il fait la chasse depuis quatre-vingt-trois ans. De toute évidence il vaudrait mieux que ce soit lui qui soit garde-chasse, ici à l'intérieur des terres : il s'agit de son territoire à lui et ce sont ses animaux à lui avec lesquels on s'amuse et qu'on gaspille aujourd'hui, et c'est lui qui était ici le premier. Avant que le garde-chasse ne s'amène à l'intérieur des terres, chaque Indien était lui-même son propre garde-chasse.

Si le garde-chasse blanc ne connaît rien ici à l'intérieur des terres et s'il ne connaît pas les animaux indiens, il ne sert à rien qu'il vienne à l'intérieur des terres pour contrôler la chasse des Indiens et surveiller leurs animaux. Si le garde-chasse ne connaît rien ici à l'intérieur des terres et s'il ne connaît pas toutes les espèces d'animaux indiens, nous, les Indiens, n'en avons que faire et nous ne voulons pas le voir. "

Dans l'extrait ci-dessous, j'ai ajouté des précisions [crochets] pour faciliter la compréhension.

Merci à Naomi Fontaine, à José Mailhot, à l'équipe de Mémoire d'encrier et à ceux et celles qui se sont impliqués d'avoir rendu Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite Sauvagesse disponible.

À lire parce que An Antane Kapesh nous parle et que nous nous devons de l'écouter.

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Fondatrice et blogueuse en chef

Libraire, chroniqueuse culturelle et animatrice, ma vie tourne pas mal autour des livres!

Je lis de tout, et partout. Sur papier et sur ma liseuse numérique.

Je parle de mes lectures simplement, comme j'en parle avec mes amis devant un verre ou une tasse. Sentez-vous bien à l'aise de vous préparer un breuvage. 😉

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