Guillaume Lavenant : Protocole gouvernante

Lavenant GuillaumeGuillaume Lavenant, diplômé de l'INSA de Lyon, reprend des études en lettres modernes à Rennes, en 2001. En 2007, après son master de lettres, il partage son temps entre son métier d’ingénieur, l'écriture théâtrale et la mise en scène au sein du collectif nantais Extra Muros. Son premier roman, Protocole gouvernante, vient de paraître.

Dans une banlieue pavillonnaire tranquille, un couple aisé engage une gouvernante pour s’occuper de leur fillette Elena. La jeune femme qui s’immisce timidement, en apparence, dans leur intimité, va apporter le chaos…

Si vous aimez les romans pas banals vous allez être servis, et si je le dis, vous pouvez me croire car il en faut beaucoup pour m’épater. Mais attention, on peut être épaté sans pour autant être entièrement satisfait…

Ce qui fascine dans ce livre – qu’on pourrait qualifier de thriller – c’est bien entendu et comme le souligne tous ceux qui l’ont lu,  son écriture et la formidable astuce de narration employée par l’écrivain. Tout le roman, de la première à la dernière ligne, est un récit en « voix off » débité sur un ton injonctif par un inconnu – dont on ne saura jamais rien – intimant des ordres à la gouvernante, tirés d’un protocole qui semble avoir été rédigé par un certain Lewis.

J’ai vu deux parties dans cet ouvrage. La première et la plus longue, marie les banalités de la vie courante, de la vie de tous les jours. Les deux parents travaillent, la fillette va à l’école, les repas et les courses, le voisinage, etc. des évènements sans intérêt aucun. Sauf qu’ils sont vus par la gouvernante, ou plus exactement, prévus et annoncés à l’avance par la mystérieuse voix off qui s’adresse à elle. Au fur et à mesure, le lecteur va être intrigué, étonné puis inquiet car un malaise non identifié commence à s’abattre sur le récit comme le brouillard sur la lande. La gouvernante n’est pas là par hasard, tout a été combiné dans un but qu’on ne connait pas mais qui ne peut qu’être néfaste ou aux conséquences graves. La seconde partie du roman débute vers la page 140, une brusque accélération des évènements dans tous les sens du terme : le calme angoissant devient tohu-bohu frénétique autant qu’incompréhensible et le restera jusqu’au bout.

Et nous touchons-là aux limites de ce bouquin. Car à l’inverse des thrillers qui après nous avoir apeurés proposent des épilogues au moins explicatifs, ici, le lecteur en reste pour ses frais avec des interrogations plein ses poches. Chacun tentera d’apporter une lumière sur cette parabole volontairement obscure : qui est Lewis qui semble être le cerveau de tout ce micmac ? De quel club fait-il partie et qui sont ses membres, Beatz, Strand, Sky etc. ? Quel est ce complot qui on l’apprend tardivement, touche de nombreux autres foyers ? 

Je pense avoir lu un roman social, voire même politique. Une métaphore sur nos vies étroites, les banlieues pépères avec nos petites vies réglées comme du papier à musique et qui ne comprennent rien quand surgissent des mouvements incontrôlés, en apparence anarchiques… suivez mon regard… ! Peut-être suis-je complètement à côté de la plaque. Cette difficulté à interpréter le sens de ce roman en fait sa grande force mais aussi, pour certains, sa faiblesse. Un roman à lire, car terriblement déroutant et innovant. En sortirez-vous comblés, ça c’est une autre histoire…


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois