De l'eau pour les éléphants

Par Wolkaiw

LECTURE DÉTENTE

Titre : De l'eau pour les éléphants
     Titre original : Water for elephants
     Auteur : Sara Gruen
     Sorti en 2006
     Lu en août
     Éditions Le Livre de Poche
     Genre : historique
4eme de couverture :
Durant la Grande Dépression, dans les années 1930, les trains des petits cirques ambulants sillonnent les États-Unis. Jacob Jankowski, orphelin sans le sou, saute à bord de celui des frères Benzini et de leur " plus grand spectacle du monde ". Embauché comme soigneur, il va découvrir l'envers sordide du décor. Tous, hommes et bêtes, sont pareillement exploités, maltraités. 
Sara Gruen fait revivre avec un incroyable talent cet univers de paillettes et de misère qui unit Jacob, Marlène la belle écuyère, et Rosie, l'éléphante que nul jusqu'alors n'a pu dresser, dans un improbable trio.
Peut-être ne le savez-vous pas mais j'adore offrir une seconde vie aux livres. J'adore écumer les boîtes à lire et les brocantes à la recherche de nouveaux trésors. J'ai déniché celui-ci il y a quelques années déjà, attirée par le titre et la couverture, par le souvenir qu'une adaptation du livre avait été réalisé. Il n'en fallait pas plus pour faire craquer mon cœur de lectrice.

      Quelle belle, non, quelle excellente lecture! De l'eau pour les éléphants c'est une pure merveille que j'ai pleinement savourée, une succulente lecture qui m'a fait passer un très très bon moment. Le récit s'ouvre sur un prologue qui m'a énormément interpellé, comme une image gravée sur ma rétine et donc j'ai attendu, avec impatience, les explications. C'est un plongeon dans le monde du cirque et plus particulièrement celui des années 30, période de la Grande Dépression (aussi appelée crise économique des années 30) aux États-Unis. Le contexte historique sert totalement l'intrigue et nous fait prendre conscience des difficultés des uns pour survivre, de la misère dans laquelle pataugent les autres. À travers le fabuleux personnage de Jacob Jankowsky (interprété par Robert Pattinson dans le film), nous voyageons dans le temps, entre les années 30 et les années 2000, entre passé et souvenirs, entre le cirque itinérant et la maison de retraite dans laquelle il passe ses derniers jours.
     Nul besoin d'être devin pour comprendre que Jacob est polonais, ce détail aura son importance à un moment donné. Son personnage est vraiment incroyable, aussi bien son côté vieux papy grincheux que celui du jeune homme perdu qui se retrouve projeté dans un monde insoupçonné et parfois hostile. Je l'ai trouvé très sympathique mais surtout attachant. Ah ce vieux monsieur au caractère bien trempé, ce vieil homme qui semble avoir un lourd passé e porter le poids d'un douloureux secret. À la suite d'un drame familial, Jacob va voir sa vie s'écrouler tel un château de cartes, impuissant face à ce tragique spectacle dont il est la victime. N'ayant plus le goût de rien, plus aucun repère et plus aucune envie, il va être confronté à la dure réalité de la vie, de sa nouvelle vie. C'est ainsi que nous le découvrons, âme en peine qui va vivre des aventures aussi inespérées que merveilleuses.
      Le récit se permet donc d'alterner de façon plus ou moins régulière entre le présent de Jacob et ses souvenirs, nous offrant ainsi un superbe kaléidoscope d'une partie de sa jeunesse, celle qui forgera sans doute l'homme qu'il est devenu. Les plongeons au cœur des années trente, juste après le krach boursier, se sont avérés très enrichissants, nous permettant de découvrir le cirque et surtout l'envers du décor. Les États-Unis souffrent, ses habitants sont fauchés et chacun tentent de survivre dans ce monde de misère et de poussières. Des spectacles itinérants jalonnent le pays, allant de ville en ville afin de se produire devant le plus grand nombre. C'est une distraction qui offre le plaisir d'oublier sa condition l'espace de quelques heures, de rire et de sourire en famille... Avec Jacob à nos côtés, nous pénétrons au cœur de tout cela, c'est sous les chapiteaux et dans les wagons que tout se joue, que des carrières et des vies sont mises en jeu, que les animaux et les artistes cohabitent. 

     L'ambiance de ce livre est unique. Dès les premières pages, le ton est donné et le décor planté. L'auteur a fourni un colossal travail de documentation, que cela concerne la période historique, les images d'archives qui agrémentent le récit ou encore la réalité du cirque, tout y était. Le rendu est si surprenant et réaliste qu'on s'y croirait presque. Je me baladais entre les voitures du train, je discutais avec les artistes et je savourais les plats de la cantine... Je suais également à grosses gouttes quand les choses ne tournaient pas correctement, j'ai souffert des scènes que j'ai vues, de ce que j'ai appris... j'ai vécu une superbe expérience à travers les yeux de Jacob. C'est un monde de misère et de labeur dans lequel on distingue les travailleurs entre eux, c'est souvent source de tension et de conflits, provoquant aussi une certaine forme d'incompréhension voire des envies de rébellions... 
      Ces quelques 500 pages durant, des visages deviennent familiers, certains sont plutôt agréables, d'autres totalement antipathiques. On se retrouve avec une fresque très colorée, une ribambelle d'acteurs, qui, dans l'ombre, font toute la magie du spectacle. Oncle Al, August, Marlène, Camel et Walter, chacun à sa façon nous prend par la main et nous accorde une superbe visite du train et de son train-train quotidien. Malheureusement, les rires et les sourires des uns sont parfois éclipsés par la douleur des autres. Qui dit années 30 dit également ségrégation raciale, on se rend compte avec tristesse et violence que cet univers pourtant plein de paillettes est loin d'être épargnés. On découvre ainsi que tout le monde ne bénéficie pas du même traitement de faveur et que tout n'est pas rose. Les monstres humains, ces terribles êtres que l'on exhibe aux yeux de tous sous prétexte d'une difformité (très très forte corpulence, siamois et j'en passe...) sont également de la partie, comme un rappel de ce que l'homme est capable d'infliger à ses semblables.

      Un drame se joue là-bas, un drame dont l'ampleur ne cesse de grandir au fil de la lecture. Jacob semble s'être pris d'affection, voire plus, pour une artiste. Le jeune homme est, en plus d'être dans un milieu qu'il ne connaît pas, complètement déboussolé par des sentiments qu'il ne maîtrise pas. Sara Gruen parvient à adoucir son roman en installer une douce romance, cette dernière apporte un peu de légèreté sans jamais dénaturer l'histoire, lui conférant au contraire une autre dimension. En parallèle de l'histoire entre Jacob et Marlène, les passages du Jacob vieux de 90 ou 93 ans (il ne sait plus exactement, la faute à son ami l’Alzheimer) se sont révélés aussi tendre que croustillants : de véritables perles à savourer.
     Mais, mais, mais... De l'eau pour les éléphants... Oui, d'accord. Et le sens du titre dans tout cela - car pour une fois la traduction est littérale ? Eh bien figurez-vous que l'éléphante c'est le clou du spectacle! J'imaginais pas qu'un tel animal, qu'une créature aussi belle et majestueuse puisse aussi être aussi intelligente, presque humaine finalement... Je me suis, l'air de rien, beaucoup attachée à ce formidable pachyderme, à cette petite Rosie qui impression autant qu'elle fascine. Elle va souffrir comme faire rayonner les gens autour d'elle. C'est un soleil qui illumine de son aura, une bouffée d'air frais dans ce monde de charognards. Oui, un monde de vautours qui se bâtit une réputation sur le déclin des autres, qui pille presque les voitures à l'abandon et les cirques en faillite.. 
      En définitive, Sara Gruen nous présente ainsi une histoire terriblement fascinante et réaliste sur fonds de recherches historiques, nous livrant ainsi un récit poignant, dur, mais d'une beauté à couper le souffle. J'ai dévoré ce livre si bien écrit, captivée par la vie du cirque, absorbée par les numéros et les animaux, l'entraide et les conflits. L'ambiance est absolument géniale, le décor planté n'est autre que celui des années 1930, période de ségrégation et de Grande Dépression aux États-Unis, tout est bien exploité et sert l'intrigue. C'est l'histoire de Jacob Jankowsky que nous suivons, une partie de sa jeunesse et sa fin de vie, un personnage attachant et authentique, tendre et naïf. De l'eau pour les éléphants c'est un récit plutôt dur qui nous montre l'envers du décor du cirque tout en nous offrant une très belle romance qui vient égayer ce monde d'illusions et de paillettes. Il est rare que j'apprécie vraiment les fins des histoires mais je dois admettre que celle-ci est sublime, en parfaite adéquation avec le reste du récit. Vous l'aurez compris : j'en redemande et je recommande! J'espère que le film sera  à la hauteur du livre.
3 raisons de lire De l'eau pour les éléphants :
- L'envers du décor des cirques des années 30
- Un personnage principal touchant et authentique
- Une ambiance unique pour une histoire poignante