Into this river I drown

Into this river I drown

Auteur : TJ Klune

Editeur : Dreamspinner press

Date de parution : 25 mars 2013

Lien d’achat : Amazon

– Résumé –

Five years ago, Benji Green lost his beloved father, Big Eddie, when his truck crashed into a river. Everyone called it an accident, but Benji knows it was more. Even years later, he’s buried in his grief, throwing himself into managing Big Eddie’s convenience store in the small-town of Roseland, Oregon. Surrounded by his mother and three aunts, he lives day to day, struggling to keep his head above water. But Roseland is no ordinary place. With ever more frequent dreams of his father’s death and waking visions of feathers on the river’s surface, Benji finds his definition of reality bending. He thinks himself haunted; by ghosts or memories, he can no longer tell. Not until a man falls from the sky, leaving the burning imprint of wings on the ground, does Benji begin to understand that the world is more mysterious than he ever imagined—and more dangerous. As uncontrollable forces descend on Roseland, they reveal long-hidden truths about friends, family, and the stranger Calliel—a man Benji can no longer live without.

Into this river I drown

S’engager dans un TJ Klune, c’est s’exposer à des surprises : il est imprévisible, on ne sait jamais trop sur quoi on va tomber, dans quoi on met les pieds, ce que son esprit farfelu a encore été trouver. C’est aussi la promesse d’une intensité rarement égalée. Il est capable de tout, du meilleur et du pire, peut nous faire passer du rire aux larmes en quelques mots, et surtout, il n’a peur de rien. Certains de ses titres sont complètement loufoques, absolument hilarants, certains sont douloureux, d’autres plus légers (pas celui-ci !) mais il n’hésite jamais à aborder une thématique, si difficile soit-elle.

Ce roman ne fait pas exception à l’intensité à laquelle l’auteur nous a habitués : il m’a chamboulée, déstabilisée, et beaucoup surprise. Il m’a fait rire un peu, sourire souvent, et pleurer beaucoup… Toute la panoplie y était ! Et j’ai retrouvé avec énormément de plaisir sa plume pleine de poésie, et de douceur. De nombreuses phrases me resteront en mémoire pour leur authenticité, et la pudeur dont elle témoigne.

Il y a bien plus que de la romance dans Into this river I drown. Je dirais même que c’est beaucoup de choses, avant d’être de la romance. Toute l’intensité et la virtuosité de cet auteur, à laquelle il a ajouté une touche de surnaturel un peu surprenante, mais qui sert parfaitement ses objectifs.

Ainsi, la religion catholique est assez présente, avec les questions existentielles qu’elle suppose, mais en tant qu’élément surnaturel : elle permet seulement de contextualiser l’histoire, sans jamais rentrer vraiment dans un quelconque débat, c’est simplement le support aux remises en question des personnages. Cette problématique, ainsi que la présence de Calliel, permettent d’étoffer et d’approfondir l’intrigue qui accompagne le roman et aurait été bien légère si elle s’était limitée à la volonté de Benji de découvrir si son père est décédé dans un accident, ou s’il a été victime d’un meurtre bien camouflé. A mes yeux, c’est peut-être son histoire la plus travaillée, en termes de symbolique, de timeline, et pour les thèmes abordés. C’est une intrigue multiple, où tout est parfaitement imbriqué : le surnaturel (la religion et les rêves), l’enquête de Benji, la romance, et les problématiques traitées.

TJ Klune cherche généralement à faire passer une idée dans ses romans, et c’est un grand maître dans l’art de la métaphore, le tout renforcé par sa magie des mots et sa maîtrise d’histoires qui sont bien plus profondes et racontent bien plus de choses qu’il n’y paraît au premier coup d’œil.

La métaphore de la rivière est omniprésente ici, celle-ci incarnant plusieurs choses, et elle est d’une beauté et d’une justesse folles. Très bien utilisée, elle gagne en symbolique tout au long de la lecture, et on sent toute la réflexion qu’il y a derrière cet écrit. Le vécu aussi. C’est un livre tout en profondeur et en subtilité, tout en poésie et en images.

Seule maladresse que j’y vois : l’action finale. Elle est un peu chaotique, certains passages m’ont presque fait l’effet d’un Tarantino, ça part un peu dans tous les sens, et ne nous épargne pas grand-chose en termes de rebondissements, ce qui rend le tout un peu prévisible. C’en est presque drôle parfois, et peut-être qu’à ce moment-là, le mélange suspens/émotions ne permet pas toujours de s’y retrouver. Mais à mon sens, c’est un détail qui ne diminue en rien la qualité de l’ensemble.

Le thème central du livre est assez évident à la lecture du résumé : le deuil. Et on aurait pu craindre que cela en fasse un roman globalement triste, voire lourd, mais ce n’est pas le cas. Bien sûr il est douloureux par moments, mais il est surtout plein d’espoir, et son message est positif, ce livre n’est qu’Amour. Toute une réflexion autour des conséquences de la perte d’un être cher. Pour Benji, pour sa famille déséquilibrée par la disparition de Big Eddie. Le manque, la solitude, la douleur, l’isolement, la place que prend le désespoir, l’impuissance, la frustration, la rancœur que l’on peut nourrir à l’égard des disparus, ou de ceux qui restent. Tout y passe, tout ce dans quoi on se noie.

C’est ce qu’a fait Benji. Il s’est perdu, il se noie. Dans sa souffrance, il s’est isolé, a repoussé les gens qui auraient pu l’entourer, et il va lui falloir énormément de courage pour reprendre pied, retrouver la berge : un homme tombé du ciel, et une intrigue pas toujours passionnante mais qui atteint ses objectifs vont tenter de le sortir de là. Pour un personnage principal, il est loin d’être parfait, puisque tout cela le rend très égoïste et parfois désagréable, son point de vue n’est pas le bon, puisqu’il laisse sa douleur l’aveugler. Mais c’est là que réside tout son intérêt : dans son évolution, qui le rend fascinant. Et bien sûr, extrêmement touchant.

Pour ce qui est de Calliel, l’homme tombé du ciel, je ne peux pas dire grand-chose sans spoiler. Il apporte à l’histoire une touche surnaturelle qui la rend un peu plus légère mais permet d’étoffer et de donner davantage de profondeur à l’intrigue. La romance est douce et simple, elle est lente. Postulats de base : Calliel aime Benji. Et une question : pourra-t-il l’empêcher de se noyer ?

Mais Benji est un pivot dans ce livre, et autour de lui s’articulent la romance, mais aussi le lien exceptionnel qu’il partage avec son père, Big Eddie. Pourtant disparu 5 ans auparavant, cet absent prend une place essentielle tout au long de la lecture, et au moins autant qu’à Benji ou Calliel, c’est à lui que l’on s’attache, sans trop s’en rendre compte. Ce père idéalisé, presque vénéré, cette présence rassurante. « He carried me all the way home, and I knew it would all be okay because my father held me in his arms. » TJ Klune use et abuse des flashbacks, qu’il faut lire avec le coeur bien accroché. Et ce procédé, très bien géré, est extrêmement efficace. La structure temporelle du roman est bien travaillée. De Big Eddie, on retiendra la Force et la Droiture, ce personnage, c’est un ensemble de valeurs, et surtout l’idée que l’essentiel pour nos parents, c’est l’héritage qu’ils nous laissent, c’est ce qu’ils font de nous. Petit à petit, c’est Big Eddie que l’on voit en Benji, son fils, et on est presque aussi fier qu’ils le sont l’un de l’autre.

Si les sentiments qui vont lier Calliel et Benji sont beaux et forts, et si on prend beaucoup de plaisir à les voir se rapprocher, les liens qui unissent Big Eddie et son fils sont absolument bouleversants et chaque scène qui les dépeint vous touche en plein cœur. « You know he believes the sun sets and rises with you right ? That you hung the moon and the stars for all the world to see ? » C’est le message central et essentiel de ce roman, et ce qui, à mon sens, le rend transcendant, et en fait un chef d’œuvre du genre. Cet amour, qui va bien au-delà de la filiation est le cœur même du livre, et toutes les émotions battent à ce rythme-là.

Alors pourquoi cette chronique maintenant ? J’ai eu la chance de pouvoir le lire en anglais, j’aime particulièrement cette plume dans sa version originale. Mais vous aurez bientôt le bonheur de le découvrir aussi puisqu’il a été annoncé et sera semble-t-il traduit pour Reine-Beaux, désormais collection de MxM Bookmark. Alors c’était l’occasion rêvée de vous mettre l’eau à la bouche ! Si vous aimez les histoires fortes, les personnages marquants, et si verser quelques larmes ne vous fait pas peur, si les métaphores vous parlent, que le thème du deuil vous touche, alors foncez, c’est une belle réussite, une pépite du genre, avec toute la sensibilité dont l’auteur est capable. Merci à lui.

Into this river I drown